Alors qu’un nouveau remblai vient d’être autorisé sur le crassier de Differdange, déi Lénk alerte sur les risques de pollution des nappes phréatiques.
Un nouveau remblai technique est sur le point de voir le jour sur le crassier de Differdange, situé à cheval sur les communes de Differdange et Sanem. Sur le site dit «Aleweier», au milieu, entre autres, d’une décharge historique, d’une décharge destinée aux déchets sidérurgiques et d’une future décharge pour les déchets inertes de type B (matériaux d’excavation, pierreux ou terreux peu pollués et autres déchets de chantier), pas moins de 480 000 m3 de déchets inertes sont en passe d’y être déversés.
Problème? Les résultats d’une étude menée en octobre 2017 au sujet de l’impact sur l’environnement du crassier ne sont toujours pas connus et pourraient ne pas l’être avant encore deux ans. Or s’il s’avérait qu’il existe un risque de contamination des eaux de la nappe phréatique, l’assainissement du terrain, recouvert par des centaines de milliers de mètres cubes de déchets, serait tout bonnement impossible.
C’est ce qu’ont vivement dénoncé les conseillers déi Lénk de Sanem et Differdange, Myriam Cecchetti, Jos Piscitelli et Eric Weirich, mardi au cours d’une conférence de presse. «Nous ne sommes pas contre le fait que des déchets inertes soient entreposés ici. Il faut une telle zone pour le sud du pays, prévient d’emblée Myriam Cecchetti, conseillère à la commune de Sanem. Mais on ne sait pas ce qu’il y a en dessous!» «Une évaluation des incidences sur l’environnement (NDLR : EIE) a été effectuée pour évaluer l’impact de la poussière, du bruit, sur les eaux souterraines, la faune, etc., de ces décharges, dont les résultats ont été reçus de manière officieuse fin 2020. Mais ces résultats ne seront évalués que courant 2021, et pas connus avant au moins un à deux ans selon l’administration de l’Environnement. Et pourtant, la procédure d’autorisation du remblai “Aleweier” a été lancée», s’insurge la conseillère communale.
«Roulette russe»
En effet, le nouveau remblai technique (zone 7 sur la carte ci-dessous) sera superposé sur deux décharges, exploitées par Cloos SA (dont l’une pour le compte d’ArcelorMittal), toutes deux bel et bien concernées par l’EIE de 2017, et sur lesquelles aucun assainissement n’est à ce jour prévu. «En utilisant désormais le terme “remblai” et non “décharge” – ce que sera véritablement ce terrain – l’autorisation n’est pas soumise à une enquête publique préalable», soulignent les conseillers communaux de déi Lénk.
Avec ce changement de terme, les responsables politiques communaux se trouvent donc aujourd’hui dans l’obligation d’accorder l’autorisation d’exploitation de ce remblai demandée par Cloos SA, puisque celle-ci est conforme à la réglementation urbanistique. Et ce, quand bien même ils s’étaient opposés «formellement» au projet «de décharges Aleweier – Cloos/ArcelorMittal» dès 2018 comme le prouve l’extrait du registre aux délibérations du conseil communal de Sanem du 2 mars 2018, notamment en raison de l’absence de «mesures d’assainissement appropriées».
En outre, «des déchets sidérurgiques d’ArcelorMittal sont déjà déposés de manière temporaire (sur la décharge pour déchets sidérurgiques), sans disposer d’une autorisation pour le faire». Une mise en conformité a à cet égard été exigée par l’administration de l’Environnement l’an passé, mais la procédure est là aussi toujours en cours.
Si les élus demandaient un moratoire, le temps que l’impact environnemental soit contrôlé, la pression liée à la construction du Südspidol à Belval, le nouvel hôpital du sud du Luxembourg, dont les travaux d’excavation sur le site doivent démarrer ce semestre pour une mise en service prévue en 2026, semble avoir précipité la naissance du remblai Aleweier.
«Les responsables politiques communaux ont été obligés d’émettre une autorisation pour un projet sur lequel règne le flou artistique absolu, et de supporter ainsi les conséquences d’une politique de gestion des déchets échouée», accusent les sections déi Lénk de Sanem et Differdange. «Ne sachant pas quel sera l’impact des infiltrations éventuelles dans la couche d’eau souterraine, et ne sachant pas comment y remédier si ce problème se pose, l’administration de l’Environnement joue à la roulette russe avec notre eau potable. Les conclusions de l’EIE devraient être attendues et les solutions afférentes prises avant de faire quoi que ce soit sur ce site hautement pollué.» En parallèle de la conférence de presse, le député déi Lénk David Wagner a interpellé la ministre de l’Environnement, Carole Dieschbourg, sur ce sujet via une question parlementaire.
Tatiana Salvan