Depuis le 1er janvier, les agents de sécurité privés ne patrouillent plus dans la Cité du fer. La décision repose notamment sur la promesse d’un renforcement de l’effectif policier. La bourgmestre Christiane Brassel-Rausch livre de plus amples explications.
La commune de Differdange a décidé de résilier son contrat avec une société de sécurité privée. Depuis 2019, des agents réalisaient des patrouilles dans les alentours du parc Gerlache et des écoles de la ville sudiste. La promesse de renforts policiers et la mise en place d’un concept sécuritaire plus global sont venues changer la donne. La bourgmestre s’explique.
Pouvez-vous nous rappeler le contexte qui a amené la commune de Differdange à engager une société privée pour renforcer la sécurité dans la ville?
Christiane Brassel–Rausch : Il s’agissait d’une mesure ponctuelle prise par le collège échevinal encore emmené par l’ancien bourgmestre Roberto Traversini. La décision reposait sur le constat que le sentiment d’insécurité s’était dégradé. On était aussi confronté à des problèmes de vandalisme aux abords de nos bâtiments scolaires. Plusieurs tentatives de cambriolage étaient à déplorer.
Quel bilan pouvez-vous tirer au bout de deux ans de déploiement de ces agents privés?
Il faut souligner que ces agents avaient une marge de manœuvre limitée. En cas de découverte d’un problème, ils étaient obligés, comme tout citoyen, d’appeler la police. La coopération a néanmoins été très bonne.
Differdange va profiter en priorité du déploiement des agents nouvellement formés
Quelles sont les raisons qui vous ont finalement poussée à résilier le contrat?
La décision a été prise dans le cadre d’une réflexion plus globale pour renforcer. Nous avons eu un très bon échange avec le ministre de la Sécurité intérieure, Henri Kox, et le commissariat de police local. Un engagement ferme a été pris pour que Differdange profite en priorité du déploiement des agents nouvellement formés. En parallèle, le collège échevinal continue à mettre en place de nombreuses mesures qui englobent à la fois les volets répressif, préventif et social. Je suis pleinement d’accord avec le ministre Kox qui souligne que le volet répressif seul n’est pas suffisant pour renforcer la sécurité.
La décision de la Ville de Luxembourg de ne pas prolonger son contrat avec la société de sécurité privée a-t-elle influencé votre démarche?
Cela a joué un certain rôle. Il est toutefois à souligner que pendant deux ans, personne ne s’est inquiété du déploiement d’agents privés dans les rues de Differdange. Cela a changé avec le début de la polémique dans la capitale. La principale raison pour avoir résilié le contrat est cependant l’engagement pris par la police, combiné à nos efforts sur le plan communal.
Plus concrètement, quelles sont les mesures phares qui sont à mettre en avant?
Nous avons décidé de réserver désormais le budget destiné à la société de sécurité privée au renforcement de nos propres équipes. Il est ainsi prévu de déployer trois « streetworkers » sur le terrain. Ils seront non seulement chargés de s’occuper des personnes susceptibles de causer des problèmes, mais aussi d’être à l’écoute et à la disposition des simples citoyens. Il en ira de même avec les agents municipaux, qui vont voir leurs compétences renforcées. L’idée est de les rendre plus visibles et de faire évoluer leur image. D’autres mesures concernent l’installation de caméras aux abords des écoles et l’augmentation de l’éclairage public.
Dans un communiqué est aussi annoncé le développement d’un plan de sécurité locale. En quoi consiste-t-il?
Ce plan va reposer sur une analyse détaillée de l’état sécuritaire à Differdange. Avec les services compétents, la police va passer au crible le type, le lieu et la fréquence des infractions commises. Une réaction adaptée sera développée en fonction de l’évolution de la situation.
Comment jugez-vous la situation sécuritaire à Differdange?
Les derniers chiffres officiels démontrent que notre commune se trouve dans la moyenne des autres grandes villes du pays. Je ne nie cependant pas que des problèmes existent, notamment en relation avec le trafic de stupéfiants et d’autres formes de criminalité. La société a évolué. Aujourd’hui, la population revendique plus de présence policière, alors qu’auparavant les policiers étaient surtout vus comme des « méchants ». Les effectifs ont été réduits pendant des années. Je ne veux pas blâmer le ministre ni la direction de la police, mais il est à constater que notre commissariat est en charge de quatre communes. D’où l’importance de pouvoir compter sur un effectif renforcé.
David Marques
Les mesures prises en bref
COMMISSARIAT La commune de Differdange va préfinancer à hauteur de 19 millions d’euros la construction d’un nouveau commissariat de police à l’entrée de la Cité du fer.
CAMÉRAS Des caméras de surveillance vont être installées aux abords des écoles afin de prévenir le vandalisme. Un budget de 200 000 euros est prévu. L’école de Differdange-centre sera la première à être équipée.
AGENTS MUNICIPAUX Trois agents municipaux supplémentaires seront recrutés. Ils vont renforcer l’équipe en place et assumer, une fois la loi votée, les nouvelles missions qui consisteront notamment à verbaliser des incivilités.
ÉCLAIRAGE Le parc Gerlache et plusieurs rues adjacentes ont été équipés d’un éclairage plus performant. Un inventaire pour faire de même avec d’autres quartiers est en cours.
SOCIAL Trois «streetworkers» seront déployés sur le terrain. En parallèle, des projets d’encadrement seront menés avec Caritas, la Maison des jeunes et le nouveau service jeunesse de Differdange.
La Ville de Luxembourg n’a pas encore tranché
Arrivé à échéance le 15 novembre dernier, le contrat conclu par le collège échevinal de Luxembourg avec une société de sécurité privée n’a pas été prolongé. Les responsables politiques voulaient avoir l’avis des riverains du quartier Gare avant de décider si un nouvel appel d’offres serait lancé.
«Aucune décision n’est encore prise», nous confirme le premier échevin Serge Wilmes. Un bilan du déploiement d’agents de sécurité privés aux abords des marchés de Noël reste aussi encore à tirer. Lors de la réunion publique du 1er décembre, seules quelques dizaines des 350 citoyens présents s’étaient exprimés en faveur de la prolongation des patrouilles d’agents privés dans les rues du quartier Gare.
Serge Wilmes fixe rendez-vous lors d’un prochain City Breakfast pour mettre en perspective les démarches de la Ville de Luxembourg dans cet épineux dossier, divisant le conseil communal et créant des tensions entre le collège échevinal de la capitale et les ministères de la Sécurité intérieure et de la Justice. Le 4 septembre, un incident avec un chien de la société de gardiennage, venu mordre un fauteur de troubles, avait accentué un peu plus encore la controverse.
D. M.