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Differdange : des vaches écossaises pour « animaux de compagnie »


André Schulz, ancien bûcheron bien connu dans le sud du pays, est une personnalité aussi hors norme que ses «animaux de compagnie». (photo Hubert Gamelon)

Certains achètent un chat ou un chien. André Schulz a choisi des «peluches» adaptées à sa carrure de bucheron. De vraies vaches écossaises…

Tel maître, tel chien. Le dicton vaut apparemment aussi pour les animaux plus «exotiques». André Schulz est une personnalité, à l’image de ses vaches Highland : bourru, taiseux, force de la nature, dont il est épris. On le rencontre souvent dans le sud du pays, dans les bois où il a travaillé des années, en tant qu’élagueur public. « J’ai été aussi banquier, garagiste, bûcheron indépendant », glisse-t-il. L’homme a eu sept vies, il s’est toujours relevé.

André ressemble à un personnage des romans de Jim Harrison : chemise à carreaux, pick-up, des mains comme des battoirs. On l’aperçoit parfois aussi à la buvette de la Jeunesse d’Esch, attablé avec des amis autour d’une bière. Quand on l’observe à travers les filets des buts, on a envie d’y accrocher une pancarte : «bûcheron sympa, mais ne pas déranger quand même…».

Son cœur d’ours a chaviré il y a une quinzaine d’années pour une peluche que l’on ne trouve pas dans les supermarchés : cette vache du nord de l’Écosse, plus ancienne race répertoriée du monde, qui porte le nom de sa région, les Highlands.

«Elles m’impressionnaient…»

« La première fois que j’en ai vu, j’ai craqué, sourit le colosse de Foetz. Leurs cornes, leur pelage… elles m’impressionnaient. » André en a d’abord acheté quatre, « sans demander la permission à la maison. On me les aurait refusées ! » Puis il est tombé sur un éleveur de Munsbach, spécialisé dans la race, qui partait à la retraite.

« J’ai racheté le cheptel, mais mon terrain ne suffisait plus. Je me suis tourné vers l’administration de la Nature et des Forêts. Ça tombait bien : non loin du Fond-de-Gras, ils avaient besoin de tondeuses écologiques pour entretenir une zone classée. » Les Highland d’André s’épanouissent sur 15 hectares de la Prënzebierg-Giele Botter, ancienne mine à ciel ouverte derrière Niederkorn, réserve naturelle depuis 1991. « Il y a eu différents projets ici , se souvient Christian Berg, le garde forestier local. Même une piste de karting ! Mais les défenseurs de la nature se sont mobilisés, et la zone a été classée sur 255 hectares. » Orchidées rares, prairies sèches, diversité des écosystèmes : tout cela demande malgré tout un entretien. « Si on laisse faire, l’étape ultime est la forêt, décrit Christian Berg. Les arbres qui poussent vite captent la lumière et tuent les autres. »

Des tondeuses écologiques

Le rôle des Highland d’André est donc important : manger les pousses de hêtres ou de résineux envahissants, éviter que les haies ne prennent trop de place, transporter les graines des plantes sous leurs sabots. « Et ça marche, constate André. La Highland est une race tellement rustique qu’elle mange de tout, à part du bois. » André en sacrifie une ou deux par an. « Vu qu’elle mange de tout, la viande a un goût différent, proche du gibier. » Les Highland sont d’une endurance à toute épreuve. « L’hiver, je passe quand même tous les jours pour m’assurer que l’eau de l’auge ne gèle pas.» Seule la boue pose difficulté. «Les gens aiment bien venir à la grille. Du coup, elles labourent trop le terrain. »

À part ce problème, André fait confiance à « l’intelligence » de ses vaches. « Elles passent leur pelage dans les buissons pour se peigner, elles s’abritent dans les bois quand il fait froid… Mais l’organisation la plus impressionnante, c’est lorsqu’une vache met bas : tout le groupe l’entoure pour créer de la chaleur. Puis la femelle reste deux jours seule avec le petit veau. » Au bout d’une semaine, le nouveau-né broute déjà tout seul. L’âme de cet animal, finalement, c’est l’indépendance. Un trait de caractère qui plaît bien à André.

Hubert Gamelon