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Devoir de vigilance : le public invité à participer


Il faut une législation nationale, attendre une législation européenne prendrait beaucoup trop de temps, ont martelé les limitants (Photo : Fabrizio Pizzolante)

Une campagne d’affichage à laquelle le public peut participer démarre pour soutenir la mise en place d’une loi nationale sur la responsabilité des entreprises en matière de droits humains.

Les militants en faveur d’une loi nationale sur le devoir de vigilance ne lâchent rien. Après des actions symboliques menées devant les sièges d’entreprises impliquées directement ou indirectement dans la violation de droits humains (lire le Quotidien du 27/10/21), ils ont présenté hier leur nouvelle action qui s’étendra jusqu’au 10 décembre : une campagne d’affichage destinée au grand public, à laquelle celui-ci peut participer activement et qu’ont rejointe des personnes connues au Grand-Duché.

Huit personnalités ont en effet décidé d’afficher publiquement leur soutien à cette cause, «les mesures volontaires ne suffisant plus» : Nora Back (la présidente de l’OGBL), Gilbert Pregno (le président de la Commission consultative des droits de l’Homme – CCDH), Jean-Claude Hollerich (l’archevêque de Luxembourg), André Hoffmann (ex-député déi Lénk), Joseph Rodesch (alias Mr Science) et Hedda Pahlson-Moller (la fondatrice et directrice de Tiime.org).

Cinq affiches (à télécharger et à imprimer via le site initiative-devoirdevigilance.org/campagne-d-affichage) représentatives, entre autres, du travail des enfants, des violations des défenseurs des droits humains et de la pollution environnementale, sont mises à la disposition de tous ceux qui souhaitent faire avancer la prise de décision politique. «Chacun peut s’impliquer en les exposant sur les vitres à la maison, au travail, dans les entreprises, dans la rue», a encouragé Jean-Louis Zeien, de Fairtrade Lëtzebuerg, l’une des 17 organisations de la société civile membres de la plateforme Initiative pour un devoir de vigilance.

«Nous devenons impatients»

Pour l’Initiative et ses soutiens, il est plus que temps que le Luxembourg prennent les devants en la matière et n’attende pas une loi européenne, comme l’a expliqué Gilbert Pregno au cours de la conférence de presse : «Le fait que nous soyons très tolérants par rapport à des atteintes aux droits humains est extrêmement choquant. Il est nécessaire de développer une législation nationale, parce qu’une législation européenne est un projet en constant devenir et nous craignons qu’il n’aboutisse pas. Une législation nationale va toujours pouvoir préparer le terrain et pourra aussi s’adapter à une législation européenne. Nous voulons donner un message très clair aux politiques et au gouvernement : nous devenons impatients, car plus la situation perdure, plus il y a des victimes.»

«À trois reprises maintenant, le commissaire européen Didier Reynders a voulu présenter sa proposition de directive en matière de devoir de vigilance, mais cela a été systématiquement reporté», a déploré Jean-Louis Zeien. «Et quand on voit qu’il a fallu huit ans pour introduire un devoir de vigilance pour les minerais de conflit alors que cela ne concernait que 600 entreprises au niveau européen, ça risque d’être très long cette fois-ci : on parle de plus de 10 000 entreprises…»

Pour Jean-Louis Zeien, une loi nationale assurerait en outre à la Coopération luxembourgeoise de n’être pas «contrecarrée» par les conséquences d’une économie globalisée. Quant à l’argument estimant qu’une telle loi ne devrait s’adresser qu’aux grandes entreprises mais que le Grand-Duché est un pays de PME, Jean-Louis Zeien le balaie d’un revers de la main : «Oui, le Luxembourg a beaucoup de PME, oui il faut prendre cela en compte dans une loi nationale et il faut donc une proportionnalité par rapport aux grandes entreprises. Toutefois, c’est aussi en partie un mythe, car le pays dispose d’un nombre considérable de grandes entreprises : avec la définition de la Commission européenne de 2003 et les chiffres officiels du Statec, il y a au bas mot 120 grandes entreprises ici. Sans compter celles qui font partie des secteurs à risques – et dans ce cas, comme le prévoit le Plan national, il faudrait évidemment y intégrer dans ce cas les PME concernées – et sans le secteur financier!»

«Il est grand temps de faire quelque chose et de mettre en place une telle loi. Nous sommes une île de consumérisme au Luxembourg, mais nous mangeons le sang et la sueur des autres, des plus faibles, pour garder notre niveau de vie», a pour sa part déclaré Mgr Jean-Claude Hollerich.

Tatiana Salvan