Le ministre de l’Agriculture et de la Viticulture a rencontré les représentants du secteur viticole vendredi matin pour évoquer la situation actuelle et esquisser les pistes qui permettront de soutenir l’après-Covid-19.
La crise sanitaire a-t-elle les mêmes impacts pour toutes les entreprises du secteur viticole du Grand-Duché?
Romain Schneider : Certaines souffrent certainement plus que d’autres, comme dans tous les secteurs d’activité. Mais il est certain que la fermeture totale de l’Horeca a provoqué une forte baisse des ventes. Certaines entreprises ont saisi la possibilité du chômage partiel ou des congés familiaux pour une partie de leurs employés, mais il faut aussi noter que la viticulture a pu profiter d’un effet psychologique positif : celui de pouvoir continuer à travailler. D’autant que tout le monde est d’accord sur le fait que la récolte 2020 se présente bien!
Le gouvernement a alloué des aides aux entreprises en difficulté. Connaissez-vous le montant qu’a touché le secteur viticole?
Non, nous n’avons pas fait cette différenciation.
Avez-vu eu connaissance d’entreprises dont les difficultés sont telles qu’elles risquent la faillite?
Non, et heureusement! Même s’il en existait en très grande difficulté, il existe des plans d’aide pour les soutenir et aussi l’espoir de remonter la pente avec une belle récolte. Quoi qu’il en soit, nous serons toujours à leurs côtés pour les aider à surmonter cette épreuve dans les semaines et les mois à venir.
Avez-vous déjà des pistes pour soutenir le secteur dans l’après-crise?
Un plan de relance substantiel est prévu pour aider l’Horeca et il aura des répercussions sur la viticulture. J’ai également demandé à la profession de me montrer, chiffres à l’appui, quelles ont été leurs pertes de chiffre d’affaires en comparant les mois de mars, avril et mai 2019 et 2020. En fonction de ce que je verrai, je proposerai différentes pistes au Conseil de gouvernement.
De quelle nature pourraient-elles être?
En plus de profiter du paquet de relance de l’Horeca, nous pourrions avancer le versement de certaines subventions normalement réglées en fin d’année. Les domaines auraient dès lors des liquidités qui permettraient de répondre aux besoins urgents. Nous préparons aussi un amendement à la loi agraire qui permettra d’anticiper la nouvelle PAC (NDLR : la politique agricole commune de l’Union européenne), particulièrement pour inciter à l’achat de nouvelles machines et ainsi préparer le futur. Nous lancerons également une grande campagne de promotion pour les produits de l’agriculture, de la viticulture et de l’horticulture dans le but de mettre en avant les produits locaux, saisonniers et bios. Le vin, évidemment, y tiendra toute sa place.
La réouverture de l’Horeca est imminente, mais qu’en attendez-vous? Il ne faut sans doute pas espérer un miracle, puisqu’elle ne signifiera pas que la crise est passée…
Lorsque le secteur ouvrira, cela fera tout de même du bien à la viticulture et à tous les secteurs connexes à la restauration. Mais vous avez raison, nous ne retrouverons certainement pas rapidement un niveau d’activité égal à celui d’avant la crise. Nous espérons cependant tous une reprise d’activité croissante, dans ce contexte particulier où il reste indispensable de respecter les gestes barrières pour ne pas repartir en arrière.
Si l’on devait évoquer un aspect positif à la crise sanitaire, ce serait sans doute cette volonté montrée par de nombreux domaines de trouver de nouveaux clients via leurs boutiques en ligne et une meilleure communication sur les réseaux sociaux…
J’ai beaucoup apprécié cette présence digitale plus offensive qui a permis de développer la vente directe grâce à des services de livraison efficaces. Certains vignerons m’ont dit que, grâce à cela, leurs ventes vers la clientèle privée avaient progressé de manière spectaculaire. Malheureusement, cela ne compensera pas les conséquences de la fermeture de l’Horeca, l’annulation de nombreuses fêtes – et pas que sur la Moselle – et les baisses de ventes de vin dans les grandes surfaces… Mais si le contact avec les clients, et particulièrement en ce qui concerne la vente de vin, doit rester la priorité, cette diversification apportée par internet est très positive.
Entretien avec notre collaborateur Erwan Nonet
Transformer du vin en gel hydroalcoolique? «Ce n’est pas la priorité»
Des syndicats de producteurs français, espagnols et italiens ont demandé à l’Union européenne de pouvoir vendre leurs excédents à un prix fixe afin de le transformer en solution hydroalcoolique, particulièrement prisée en ce moment.
La Moselle pourrait-elle être intéressée? «Je suis d’avis que lorsque l’on est viticulteur, l’objectif doit être de préparer et de vendre le meilleur vin possible. Pas de le transformer dans un autre produit», avance Romain Schneider qui voit mal la Moselle sauter à pieds joints dans cette possibilité.
«Notre viticulture n’est pas orientée vers la production de masse comme peuvent l’être certaines entreprises françaises, espagnoles ou italiennes et la taille du vignoble rendrait de toute façon un tel projet anecdotique. Maintenant, s’il existait des stocks de vins de mauvaise qualité, qui ne serait pas aptes à la vente, pourquoi pas… Mais s’il en existe, il ne doit vraiment pas y en avoir beaucoup. Donc cette possibilité doit être la dernière solution et elle n’est pas une priorité.»
Pour le ministre de l’Agriculture et de la Viticulture, l’Europe a davantage son rôle à jouer dans la maîtrise des prix du marché, notamment en ce qui concerne le lait, le porc ou même le bœuf dont les prix sont en baisse. Pas dans la fabrication de gel hydroalcoolique avec des produits de terroir de qualité.