Frappés par la crise sanitaire, les commerçants de la Forge du Sud se montrent optimistes, les clients se tournant davantage vers les commerces locaux, nous explique Alain Clément, le président de la FCAD.
La crise sanitaire a frappé, et frappe encore, durement les commerçants, obligeant les villes à les soutenir. À Luxembourg et à Esch-sur-Alzette, les communes ont renoncé aux loyers, en plus de distribuer une aide directe de 4 000 euros dans la capitale et de 1 000 euros dans la deuxième ville du pays. À Dudelange, qui avant la crise avait déjà beaucoup œuvré à la visibilité de son secteur commercial, les commerçants et la commune ont redoublé d’efforts afin de trouver des solutions sur le long terme pour faire revenir les clients.
Petit état des lieux avec Alain Clément, le président de la Fédération des commerçants et artisans de Dudelange (FCAD).
Ce jeudi à Dudelange se tiendra un sommet économique local en présence de Franz Fayot, le ministre de l’Économie. Qu’en attendez-vous ?
Alain Clément : C’est difficile à dire. Ce n’est pas le premier sommet auquel je participe et j’imagine que l’on parlera de la situation économique à et autour de Dudelange. Évidemment, la situation a changé par rapport aux précédents sommets économiques. Et pour être franc, je ne sais pas du tout ce que l’on va me présenter. Est-ce que le ministre a des plans, est-ce que l’on va discuter de plans à venir? Je ne sais pas. Je suis ouvert à tout, mais je ne sais pas du tout ce qui m’attend.
Je dois dire que la commune de Dudelange a compris la nécessité d’avoir un centre attractif
Dan Biancalana, le député-maire de Dudelange, sera présent à ce sommet. On imagine que vous avez eu beaucoup d’échanges avec la commune pendant cette période difficile…
Oui la commune attache beaucoup d’importance à ce que les commerces du centre-ville tournent bien. J’ai eu beaucoup d’entrevues avec le bourgmestre et le city manager afin de savoir comment on pouvait avancer. Je dois dire que la ville de Dudelange a compris la nécessité d’avoir un centre attractif pour être une ville attractive. Imaginez une belle rue comme la nôtre sans magasins ni piétons. Les gens ne viendraient pas s’y balader. Un centre-ville, c’est ce qui fait vivre toute une ville. On travaille bien ensemble. Avec la ville et la Fédération des commerces et artisans, on fait bouger les choses. Il ne faut pas oublier non plus l’engagement du city manager, Claude Leners, qui, je dois le dire, ne compte pas ses heures sur le terrain. Il est proche des commerçants et soucieux que son travail porte ses fruits. C’est sans doute une des meilleures décisions que la commune ait prises il y a deux-trois ans en créant cette fonction.
Comment la commune a aidé ses commerces ?
Il y a plusieurs choses qui ont fonctionné. La plateforme internet #MäinDiddeleng, où le public pouvait acquérir des bons d’achat pour soutenir le commerce local, a très bien fonctionné. C’est plus de 60 000 euros qui y ont été dépensés, dont 15 % sont des bons de solidarité. C’est-à-dire des dons faits par des gens à leur coiffeur, leur commerçant… La commune a également poussé pour que les travaux de l’espace partagé (NDLR : la rue piétonne) reprennent le plus vite possible afin que l’on puisse profiter de cette belle rue principale. Et puis, il y a un projet, qui doit être voté ce vendredi, de distribution de bons d’achat et une grande tombola pour faire revenir les clients dans les commerces.
Nous avons besoin de retrouver les clients
Vous pouvez en dire plus sur ce projet ?
La commune va distribuer des bons d’achat, cumulables, aux habitants afin de les inciter à venir consommer dans les commerces locaux. En plus de ces bons d’achat, la commune et les commerçants vont mettre en place, à condition que l’idée soit adoptée lors du conseil communal vendredi, une tombola qui fera gagner des bons d’achat à dépenser dans plusieurs commerces. L’idée est assez simple. Faire un chèque pour les commerçants, c’est bien, mais ça n’aide pas le commerçant sur le long terme. Nous avons besoin de retrouver les clients. Donner et faire gagner des bons d’achat, cela va pousser les clients à revenir vers les commerces et c’est ce qu’il faut faire, c’est ce dont les commerçants ont besoin, bien plus que d’un chèque.
À votre connaissance, est-ce que des commerces sont tombés en faillite à Dudelange du fait de la crise sanitaire ?
Jusqu’à maintenant, je dois dire que non. Tout le monde est encore là et tout le monde est encore motivé pour continuer son activité. J’ai fait un peu le tour des commerces et j’ai été étonné d’avoir des retours encourageants où les commerçants m’ont dit qu’ils travaillent bien.
C’est-à-dire ?
Je pense que c’est en partie grâce à l’initiative #MäinDiddeleng, en plus de la publicité pour acheter localement. Mais je crois également que les clients ne recherchent plus la foule des grandes surfaces. J’entends à droite et à gauche qu’il y a beaucoup de nouveaux visages et de nouveaux clients dans les magasins de vêtements par exemple. Je crois que les gens recherchent davantage le local, le commerçant qui dit bonjour, qui discute et conseille au lieu des très grandes surfaces. Et j’espère que cela va continuer. Actuellement, on travaille même mieux que l’an passé à la même période. Mais il ne faut pas oublier que l’on a tout de même un trou de plusieurs semaines et des stocks énormes. On ne pourra pas rattraper ce qui a été perdu, mais on est sur une bonne tendance. Après, il faut mettre l’accent sur le travail des commerçants qui redoublent d’efforts pour gâter les clients avec de petites attentions.
Et dans votre commerce, vous qui êtes opticien ?
Je dois avouer que l’on a très bien travaillé après la crise et personnellement le meilleur mois a été juin. On a bien récupéré. Mais on est dans une activité qui est encore différente de celle des vêtements par exemple. Sur le mois de juin, nous avons récupéré les personnes qui seraient de toute façon venues en juin, en plus des gens qui n’ont pas pu venir en mars-avril-mai et qui retrouvent le courage de revenir dans les commerces. Nous n’avons pas tout récupéré. Par exemple, alors qu’il a fait très beau, nous avons vendu très peu de lunettes solaires. Certains clients ont sans doute commandé par internet des paires de lunettes solaires et cette année on ne va pas gagner d’argent sur ce type de produit. En revanche, on voit un peu l’effet inverse sur les paires de lunettes de vue. Pas mal de clients viennent en me disant qu’ils n’ont pas dépensé beaucoup d’argent pendant la crise sanitaire et qu’ils peuvent alors s’offrir une belle paire de lunettes. Évidemment, cela vaut pour mon commerce. Il y a des commerces qui connaissent un bon retour de la clientèle alors que d’autres connaissent un mauvais retour. Dans l’ensemble, je crois qu’il y a une vraie tendance à se tourner vers les commerces locaux. Et puis, les gens ont envie de se faire plaisir et de se faire des cadeaux.
Pour revenir au sommet économique, si vous deviez demander quelque chose au ministre de l’Économie, Franz Fayot ?
Je pense que le temps des aides pour tous est fini. Il faut désormais individualiser les aides, surtout pour les commerces qui tournaient bien avant la crise et qui ont des problèmes maintenant. Il faut, à mon avis, analyser au cas par cas pour voir comment aider au mieux. Je crois qu’il faut vraiment analyser spécifiquement chaque entreprise et aider surtout celles qui souffrent. Après, au ministre de voir comment il veut le faire.
Jeremy Zabatta