Le domaine Laurent & Rita Kox vient d’envoyer ses premières palettes vers le continent américain. Et les vins qui ont séduit les acheteurs ne sont pas ceux que l’on aurait pu imaginer !
L’export, beaucoup de vignerons en rêvent mais assez peu l’expérimentent finalement. Si les bouteilles des grands producteurs (Vinsmoselle et Bernard Massard, essentiellement) passent régulièrement les frontières, les petits domaines y goûtent finalement assez peu. Il faut dire que le Luxembourg ne cumule pas les atouts pour ça. Tout d’abord, la consommation locale est importante et suffit pour absorber l’écrasante majorité des vins produits. Et puis, les volumes sont assez faibles. Avec la grande diversité des cépages et la mise en valeur des meilleurs terroirs, chaque cuvée sort dans des quantités restreintes. Les gammes sont donc souvent larges et les importateurs aiment plutôt avoir de gros volumes. C’est donc un peu le serpent qui se mord la queue : si les producteurs luxembourgeois aimeraient beaucoup faire des étincelles à l’étranger, assez peu de vins s’y rendent.
Un peu par chance – il en faut ! – et aussi beaucoup par la persévérance de Corinne Kox, le domaine Laurent & Rita Kox (Remich) a su saisir la perche qui lui était tendue pour explorer les marchés américains. L’histoire a commencé en 2018, comme le raconte la jeune vigneronne : «Il se trouve que nous avons fait la rencontre d’un Américain qui avait étudié la philosophie à l’université du Luxembourg. De retour aux États-Unis, à New York, il s’est associé à un ami pour importer des vins.» Et son idée était claire : pour se remémorer ses bons souvenirs estudiantins, il lui fallait vendre au moins un vin luxembourgeois!
Le voilà donc à sillonner la Moselle en long et en large pour faire son choix, et c’est en s’arrêtant au domaine Kox qu’il y a eu un coup de cœur. «C’est un universitaire et je crois que ce qu’il a aimé chez nous, c’est cette démarché scientifique qui nous caractérise. Nous aimons expérimenter, tester», avance Corinne Kox, titulaire d’une thèse de doctorant en chimie obtenue à l’université de Montpellier. Sûr que le domaine ne se satisfait pas de rester dans la répétition immuable des mêmes gestes saison après saison. Nouveaux cépages, vinification en kvevris (grandes amphores géorgiennes enterrées), utilisation de drones pour la pulvérisation des vignes, fûts en chêne luxembourgeois… impossible de faire le compte de toutes les innovations !
De l’ebling qui fait son effet
Au terme de la dégustation, l’importateur choisit finalement quatre vins, avec une prédilection pour des crus que l’on n’imaginait pas partir pour New York. Qui, au Luxembourg, aurait misé sur un elbling spécialement embouteillé en bouteille d’un litre muni d’une capsule à vis ? Pas grand monde ! Ce cépage qui dominait autrefois massivement l’encépagement est aujourd’hui complètement délaissé. Lorsqu’il est bien fait, il offre pourtant beaucoup de fraîcheur et de vivacité. «En ce moment, ces vins marqués par une belle acidité et sans sucre résiduel sont particulièrement à la mode à New York, se félicite Corinne Kox. Les sommeliers cherchent beaucoup ce type de vin et cet elbling plaît beaucoup là-bas. C’est même la deuxième fois qu’il nous en commande.»
Vu des bords de la Moselle, cela permet de relativiser l’image qu’ont les vins produits ici et de comprendre que les goûts, finalement, se forgent aussi dans l’air du temps. «Si vous saviez le prix de ces bouteilles dans les restaurants de New York…», glisse Laurent, le père de Corinne, toujours épaté par la destinée de ces vins au mieux qualifié de simples ici.
Autre vin qui part aux États-Unis : un riesling 2018 standard, évidemment très bien fait, mais qui n’est pas issu des terroirs les plus réputés de la Moselle. Un peu à l’image de l’elbling, une de ces principales caractéristiques est la quasi-absence de sucre résiduel. Porté par une belle acidité, il s’agit d’un vin très frais et très agréable à boire. Là aussi, l’acheteur est conquis. «Sur les sept palettes que nous avons envoyées, il y en a cinq d’elbling et de riesling», avance Corinne Kox.
Toujours dans cette veine des vins sans sucre, les Américains vont également découvrir le Naked crémant, des bulles natures dans lesquelles on n’a rajouté que du vin tranquille après le dégorgement (et pas de liqueur de dosage sucrée). À base d’auxerrois et d’une touche de chardonnay, ce crémant est d’une pureté remarquable.
Un rouge va aussi traverser l’Atlantique : le pinot noir 2018 sans ajouts de sulfites, encore le fruit d’une expérimentation qui vise à purifier au maximum la vinification. Le vin, d’une couleur rubis particulièrement lumineuse, est une illustration de la gourmandise : les arômes de petits fruits rouges éclatent au nez et la texture veloutée caresse le palais.
Cette aventure américaine du domaine Kox est intéressante à plus d’un titre. Non seulement elle permet à des vins luxembourgeois de se faire connaître dans un haut lieu de la consommation mondiale, mais elle illustre aussi le fait que les atouts des vins luxembourgeois ne sont peut-être pas là où on le croit, surtout lorsque l’on vise de nouveaux marchés.
Erwan Nonet
Du vin orange pour le Canada
En plus des États-Unis, le domaine L&R Kox expédie aussi depuis cette année vers le Canada. Et ici, le monopole d’État a choisi le vin orange 2017, un pinot blanc né à la suite d’une macération pelliculaire en cuve inox. Un vin rare et à la palette aromatique très riche qui nécessite des raisins parfaitement sains. Là encore, il s’agit d’une bouteille qui dénote. «C’est ce vin différent qui nous a fait remarquer et grâce auquel nous serons pour la première fois dans ce pays, reconnaît Corinne Kox. J’espère qu’il nous ouvrira d’autres portes !»
C’est la vigneronne qui a fait les démarches pour intéresser le Canada. À l’aide d’un intermédiaire qui connaissait bien le mode de fonctionnement particulier de ce pays (les magasins d’alcools sont un monopole d’État), elle est parvenue à intéresser un jeune couple d’agents qui défend efficacement ses vins. Un premier pas qui en appelle d’autres ?