Une troupe d’une vingtaine de joyeux danseurs vient de s’envoler au Mexique, pour représenter le Luxembourg à un festival de danse folklorique! Après avoir répété pendant des mois, ils vont montrer à des milliers de spectateurs une facette méconnue de l’identité luxembourgeoise : son folklore. Rencontre, à l’heure des dernières répétitions.
« Non, mettez-vous plus en cercle, que l’audience puisse vous voir!», clame Susanne. La professeure de danse a le sourire, mais la voix est ferme. Les quelques dissipés qui tardent à s’exécuter se voient d’ailleurs notifier un «no talking, no laughing».
Le calme revenu, la musique retentit et les danseurs s’élancent. Les hommes forment un cercle avec des bâtons de bois, tournant en rond jusqu’à ce que les femmes viennent s’assoir dessus. Si bien que les hommes finissent par tout lâcher, dans le vacarme des bâtons qui tombent par terre et des femmes qui s’esclaffent. Drôle de chorégraphie!
«Ça, c’est une danse de travail», nous explique Robert Köller, le secrétaire général de l’Union Grand-Duc Adolphe (UGDA). Elle symbolise le travail ancestral du moulin à huile. C’est un travail pénible, donc au début, les femmes n’ont pas trop envie d’y aller, alors elles se moquent des hommes, se font porter. Et au bout d’un moment, les mecs disent : « Ça suffit, on laisse tomber », littéralement», rit-il.
Pour l’instant, dans une salle municipale de Bridel, les danseurs sont habillés à la cool, en short ou en jean… Mais au Mexique, changement total de décor : ils porteront coiffes et tenues traditionnelles et danseront devant des milliers de personnes lors du festival Zacatecas del Folklor Internacional.
Ce festival de danse folklorique durera deux semaines, du 28 juillet au 14 août, à Zacatecas. Située à 2 450 m d’altitude, la ville est célèbre pour son centre historique classé au patrimoine mondial de l’Unesco, mais aussi pour ses festivals culturels. Chaque année, fin juillet, Zacatecas devient ainsi la capitale de l’art folklorique international.
Des dizaines de pays se succèdent sur scène, pour représenter les danses folkloriques de leur pays. «L’UGDA est membre du Cercle international des organisateurs de festivals folkloriques (Cioff). Le but est la perpétuation du patrimoine culturel immatériel, comme les danses et musiques folkloriques. L’année dernière, on a donc prospecté pour trouver des gens intéressés pour apprendre la danse folklorique luxembourgeoise et pour partir au Mexique», raconte Robert Köller.
L’ensemble folklorique est composé de 4 musiciens et de 9 couples, aux origines très diverses (plus d’une dizaine de nationalités), et de tous âges. «L’équipe est très soudée», confirme Susanne.
«Montrer notre culture, nos traditions»
Au Mexique, ils auront un programme plutôt chargé, avec 2 à 3 représentations par jour. Ce qui ne sera pas de tout repos, car les tenues folkloriques luxembourgeoises ne sont pas les plus légères qui soient! Mais pour tous les participants, c’est avant tout une formidable chance de faire un tour du monde sans bouger de ville, grâce à la danse, tout en montrant au public le résultat de plusieurs mois de répétitions.
«Ce n’est pas une compétition, il n’y aura pas à la fin le meilleur groupe de danse folklorique. Le but est de montrer nos traditions, notre culture. On va s’amuser comme des fous, ça va être féérique», s’enthousiasme Robert.
À noter que leur groupe folklorique est temporaire. «Il a été formé dans l’optique de ce voyage. Donc on aura encore une représentation en septembre pour remercier ceux qui nous ont permis d’utiliser leur salle, et après, les danseurs pourront rejoindre les ensembles folkloriques déjà existants.»
Les personnes qui désirent les imiter peuvent se rendre sur le site www.folklor.lu ou contacter l’UGDA, et ainsi participer à la perpétuation de ce patrimoine luxembourgeois.
Romain Van Dyck
Renaissance
Derrière chaque danse se cache une histoire. Le folklore luxembourgeois, lui, puise son inspiration dans les méandres tourmentés de l’histoire, avec un grand H, de ce petit pays qui a connu de nombreuses occupations : «Le Luxembourg a toujours été un carrefour des cultures, françaises, allemandes, belges… », rappelle Robert Köller. « Notre pays a été occupé par les Bourguignons, qui ont ramené leurs danses. On danse des rondes lorraines. La maklott, c’est belge. On a une autre danse qui représente la coupe du blé, ça c’est autrichien. La danse du chiberli, on pense que c’est typiquement luxembourgeois, mais j’ai retrouvé la même danse, avec les mêmes mélodies, en Slovénie. On peut donc se demander si les Slovènes l’ont amenée au Luxembourg, ou au contraire ramenée du Luxembourg.» Et la liste est encore longue.
Les danses folkloriques ont connu un déclin au Luxembourg à la fin du XIXe siècle, début XXe. Mais il ne fallait pas les enterrer trop vite : «Dans les années 20, 30, de très bons chansonniers ont créé des musiques folkloriques. La vraie chanson luxembourgeoise est d’ailleurs née dans ces années-là.» La réaffirmation de l’identité luxembourgeoise, dans les décennies qui ont suivi, a poussé certains à faire renaître le patrimoine folklorique. Aujourd’hui, plusieurs groupes redonnent ainsi une seconde jeunesse au folklore : la Ronde (Bettembourg), Uuch – La Veillée (Gasperich), Vallée des 7 Châteaux (Mersch)…
Témoignages
Edouard : « Une super expérience »
Le Luxembourgeois Edouard habite Redange. Il a rejoint le projet il y a un an : «C’est la sœur de mon épouse qui m’a traîné ici, on m’a dit qu’il y avait besoin d’hommes», rigole-t-il. Blague à part, «c’est un groupe très sympa, une super expérience.» «Avant, j’ai dansé du classique, du rock, un peu de tout. Donc je ne suis pas stressé du tout pour les représentations, je sais qu’on s’est bien entraîné.»
Daniel : «C’est sportif!»
Membre du groupe folklorique depuis octobre, Daniel vient d’Arlon en Belgique. «La danse folklorique, c’est sportif. Chaque fois que je sors d’une séance, je suis lessivé!» Ce sera son premier voyage au Mexique : «Moi, je suis plus voyageur que touriste. Là, c’est l’occasion de rencontrer des gens qui partagent la même passion, dans une ambiance multiculturelle.»
Isabelle : «Proche du folklore alsacien»
Strasbourgeoise, Isabelle pratique la danse depuis son enfance. Rejoindre un groupe folklorique n’est pas une réelle nouveauté pour elle : «C’est Robert Köller, le responsable du projet, qui m’a proposé de faire partie du groupe car j’ai fait plusieurs années de musique et danse folklorique alsacienne. L’expérience est très intéressante car les deux danses se ressemblent énormément.»
Ainhoa et Maxim : «Ça, c’est le Luxembourg»
Ainhoa est espagnole, Maxim, moldave. Deux passionnés de danse : lui a fait de la danse de salon, elle de la bachata. Ils ont été séduits par ce projet : «Un collègue a publié une annonce en intranet parlant de ce projet de voyage au Mexique. Le fait de danser ensemble et de rencontrer des gens nous a tout de suite plu», explique Ainhoa. «C’est un groupe folklorique, mais ils invitent des étrangers. Ça, c’est le Luxembourg», ajoute Maxim.