Si, en luxembourgeois, on appelle les narcisses jaunes Ouschterblummen (fleurs de Pâques), ce n’est pas par hasard! Présents à l’état sauvage dans la seule vallée du Lellgerbaach, ils sont de sortie. Un joli sentier, la Via botanica, permet de partir à la découverte de ces fleurs. Une singularité qui mérite le détour.
Lellingen est un charmant petit village de l’Oesling, à une dizaine de kilomètres à l’est de Wiltz, placé à la confluence de trois ruisseaux : le Lellgerbaach, la Pëntsch et le plus gros des trois, la Clerve. L’urbanisation (modeste) de la localité a laissé la part belle à ces cours d’eau qui dessinent toujours les contours des zones d’habitation.
De toutes ces rivières, une est exceptionnelle au Grand-Duché : le tout petit Lellgerbaach laisse s’épanouir sur ses flancs les narcisses jaunes ( Narcissus pseudonarcissus ). Ce n’est pas rien, il n’en pousse nulle part ailleurs au Grand-Duché! On ne sait pas vraiment pourquoi, mais ce site est l’unique réservoir d’une espèce génétiquement liée à ce territoire.
En avance de près de trois semaines
Si l’on veut avoir une chance de les observer, c’est maintenant qu’il faut se rendre dans la vallée. Les Ouschterblummen (fleurs de Pâques), comme toute la végétation d’ailleurs, sont particulièrement en avance cette année! « Normalement, le pic de la floraison devrait arriver dans une quinzaine de jours, mais nous sommes déjà en bout de floraison », explique le botaniste du musée national d’Histoire naturelle, Jim Meisch, qui connaît les narcisses sur le bout des doigts.
Cette précocité, un bon marqueur du réchauffement climatique, est indispensable à la fleur jaune. « Elles ne sont pas les seules à avoir de quinze jours à trois semaines d’avance, les arbres aussi! », souligne le naturaliste . Et c’est bien parce que les feuilles des chênes et des hêtres qui croissent sur les rives du Lellgerbaach commencent à sortir que les narcisses doivent se dépêcher. « Ils ont besoin de la lumière du soleil pour pousser, avance Jim Meisch. Pour éviter la concurrence des arbres qui leur ferait de l’ombre, ils sont obligés de sortir avant. »
Plante à bulbe comme les tulipes, les narcisses se tiennent prêts pour se réveiller dès que les beaux jours arrivent. « Le bulbe constitue ses réserves l’été précédent, précise Jim Meisch. Comme la plante est très sensible au climat et qu’elle dispose déjà d’énergie, elle pousse dès que le temps se réchauffe. »
Tant et si bien que les Ouschterblummen, cette année, risquent bien de faire mentir leur nom… Traditionnellement l’association des Lellger Naturfrënn organise une belle fête le lundi de Pâques (lire ci-dessous), des festivités auxquelles s’associent le MNHN et l’administration de la Nature qui en profitent pour offrir des visites guidées. Mais cette année, il n’y aura sans doute plus beaucoup de narcisses pour le jour férié!
Il est toutefois encore temps d’aller les découvrir, les narcisses tapissent encore les sous-bois du Lellgerbaach. Un sentier très bien balisé de 7 km de long baptisé la Via botanica permet – depuis le café du village – de faire le tour de la colline pour profiter du spectacle. Il est indispensable de s’équiper de bonnes chaussures.
Erwan Nonet
Dans les taillis de chênes
Si les narcisses s’épanouissent à ce point dans cette vallée, c’est peut-être parce que l’homme l’a entretenue pendant longtemps. « Auparavant, on récoltait l’écorce des chênes – riche en tanins – pour l’utiliser dans la tannerie du cuir », explique Claude Heidt, du service éducatif du musée national d’Histoire naturelle. Les chênes étaient abattus dès qu’ils étaient âgés d’une vingtaine d’années. Les taillis étaient donc pérennes et la lumière du jour pouvait toujours atteindre le sol.
Lundi 16 avril, la fête des narcisses
Pour le lundi de Pâques, le village de Lellingen sera en fête. Le musée national d’Histoire naturelle et l’administration de la Nature et de l’Environnement organiseront deux visites (départ à 10 h et 15 h de l’église) sur le sentier de découverte des narcisses. Georges Bechet et Paul Kremer seront les guides. Une navette depuis la gare de Wilwerwiltz sera en service. Et puis, de 12 h à 15 h, il sera possible de se restaurer à la Henckseschéier, au cœur de la localité. Le menu peut être réservé à l’avance : Judd mat Gaardebounen, salade, pommes de terre au lard et café (16 euros, tél : 92 05 64). Le barbecue sera en service jusqu’à 18 h.