La canicule nous a épargnés cet été, mais une alerte est lancée ces prochains jours. Comment y faire face ? Pouvons-nous nous y habituer ? La directrice adjointe de la Santé répond à nos questions.
De fortes chaleurs sont annoncées pour la fin de semaine. Quelles recommandations pouvez-vous donner ?
Dr Françoise Berthet, directrice adjointe de la Santé : Parmi les mesures à prendre pour vivre les fortes chaleurs de la manière la plus saine et la plus confortable possible, il faut déjà s’assurer d’avoir une réserve d’eau et diverses boissons chez soi. Notre environnement doit être correctement ventilé et aéré. Il faut aussi avoir accès à une source d’information pour savoir si l’alerte forte chaleur a été donnée.
Je comprends qu’avec ce temps on ait envie d’en profiter mais il ne faut pas faire une randonnée en plein soleil ou un exercice physique trop intense qui fait monter la température, car il augmente la transpiration et accélère le coup de chaud (NDLR : ou coup de chaleur).
N’importe quelle boisson fait l’affaire ?
Il est préférable de choisir une eau chargée en sel car lorsqu’on transpire beaucoup, on perd du sel. Il est donc important de le remplacer. D’habitude, on conseille au contraire de boire des eaux peu riches en sel.
A contrario, il faut éviter les boissons trop stimulantes comme le café ou le thé. Ces boissons font davantage transpirer. De plus, elles sont diurétiques, ce qui veut dire qu’elles nous envoient souvent aux toilettes et que l’on élimine alors plus d’eau qu’à la normale.
Évidemment, il faut aussi éviter l’alcool qui fait davantage transpirer et donne chaud. L’alcool empêche la régulation de la température corporelle. Tout ceci peut précipiter le coup de chaleur.
Si l’on ne fait rien, il peut y avoir des conséquences neurologiques ou cardiovasculaires
Quels sont les symptômes d’un coup de chaud ?
Un coup de chaud peut provoquer un malaise, des vertiges, un étourdissement ou un engourdissement des muscles. Si au moment où il arrive on est en randonnée, cela peut entraîner une chute et être dangereux.
Le risque, si l’on ne fait rien, c’est qu’il peut y avoir des conséquences neurologiques ou même cardiovasculaires, ce n’est donc pas à prendre à la légère. Dès qu’on ressent ces symptômes, il faut se mettre au frais. Si on ne peut pas se mettre à l’intérieur, il faut au moins aller à l’ombre. Il est indispensable de boire de l’eau à petites gorgées mais de façon continue. L’eau ne doit pas être glacée mais tempérée et il faut se mettre au repos.
Si ces sensations ne disparaissent pas après un certain temps, on peut être amené à appeler les secours. Il n’y a pas de statistiques mais chaque année lors des épisodes de canicule, il y a des arrivées en salle d’urgence de personnes qui ont des coups de chaud : des gens âgés, bien sûr, des enfants mais aussi des jeunes qui n’ont pas suivi les recommandations.
Faut-il davantage faire attention aux plus petits ?
Les nourrissons et jeunes enfants n’expriment pas de façon claire leur malaise. Ils peuvent par exemple avoir de la fièvre ou être grincheux et on n’arrive pas à les consoler. Le risque, c’est que certains peuvent alors refuser de s’alimenter et cela devient très problématique s’ils refusent aussi de boire.
Quand l’enfant a de la fièvre mais qu’il accepte de boire et que son comportement reste reconnaissable, inutile d’aller chez un médecin. Par contre, s’il reste inconsolable qu’il refuse de boire ou que son comportement est vraiment inhabituel, mieux vaut l’emmener rapidement chez un médecin. Pour éviter d’en arriver là, il faut éviter de mettre les jeunes en plein soleil. Les enfants se déshydratent beaucoup plus vite et de manière plus importante que nous. Il faut également leur proposer à boire régulièrement car eux n’ont pas le réflexe de demander.
Est-ce que même en respectant toutes ces recommandations, il y a un risque pour les enfants ?
Les enfants dépensent et consomment beaucoup plus d’énergie que nous. Ils vont fournir beaucoup d’efforts pour une activité qui nous paraît banale, ce qui peut contribuer à provoquer un coup de chaleur plus tôt surtout, si la température à l’intérieur culmine autour de 28-30°C. Au-dessus de 25°C, on est dans un environnement chaud.
Comment peut-on aider un nouveau-né à supporter ces fortes chaleurs ?
Maman d’un nourrisson allaité, il est important qu’elle boive énormément pour avoir une production de lait qui répond aux besoins de son bébé. Il faut qu’elle fasse des activités le plus calme possible, qu’elle l’accepte de mettre son enfant au sein le plus souvent possible dès qu’il le réclame. Il est possible de donner un peu d’eau, par exemple avec une cuillère ou au biberon, à son enfant. Mais le lait maternel reste la meilleure alimentation pour les nouveau-nés même en cas de forte chaleur. Si l’on donne de l’eau à son enfant, il faut faire bien attention à ce que l’ustensile qu’on utilise soit parfaitement propre, stérilisé.
Les épisodes de canicule se répètent désormais chaque année. Est-ce que notre corps peut s’y habituer ?
Le corps ne s’habitue pas. À l’échelle de l’homme, ces mécanismes physiologiques et biologiques sont inscrits depuis des millénaires dans notre corps. Alors, ce n’est pas en quelques années que cela peut changer. Par contre, on peut adapter notre environnement à la chaleur.
Entretien avec Audrey Libiez
Personnes âgées : appel à la solidarité
Le Dr Françoise Berthet souligne qu’en cas d’épisode caniculaire «la population, les voisins et la famille… doivent faire attention aux personnes âgées : vérifier qu’elles ne manquent de rien ou leur demander ce dont elles ont besoin. S’assurer qu’elles ferment bien leurs volets et qu’elles bénéficient d’une bonne aération la nuit». Le ministère de la Santé lance en période d’alerte «un appel à la solidarité pour aider les personnes les plus vulnérables».
Le Dr Berthet donne quelques exemples pour les soulager : «Il y a des choses assez simples à faire comme tremper les mains ou les pieds dans un bassine d’eau, sans pour autant prendre un bain entier. On peut également faire des compresses d’eau fraîche. Ces moyens peuvent être extrêmement efficaces pour lutter contre les coups de chaleur.»
Coup de chaleur ou Covid : ne pas confondre les symptômes
Alors que la pandémie sévit, la directrice adjointe de la Santé prévient : «Le Covid-19 est une maladie qui peut donner de la fièvre ou des maux de tête. Ce sont les mêmes symptômes qu’un coup de chaud.» Si ces effets apparaissent, même en cas de forte chaleur, «il faut s’assurer qu’ils ne soient pas le signe d’une infection au SARS-CoV-2, qu’on ne les confonde pas».
Il n’y a pas vraiment de précautions supplémentaires à prendre si la canicule s’ajoute à la pandémie si ce n’est «qu’on conseille aux personnes vulnérables qui utilisent un ventilateur (qu’on recommande pour brasser l’air en cas de forte chaleur) de l’éteindre si une autre personne entre dans la pièce susceptible d’être contagieuse. Il n’y a pas d’étude actuellement qui prouve que cela peut favoriser la contamination, mais il est possible que la ventilation augmente la distance parcourue par les gouttelettes de salive. Dans le doute, mieux vaut appliquer le principe de précaution.»