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Confinée à Vienne, une Bettembourgeoise raconte


À Vienne, nous dit cette trentenaire, on distribue des masques à l'entrée des supermarchés, mais dans l'hôpital où elle travaille, les soignants doivent garder le même masque pendant six heures (photo : AFP).

Elle est luxembourgeoise, sage-femme depuis juin dernier dans un grand hôpital de Vienne et la pandémie l’a cueillie comme nous tous, mais à près de 1000 kilomètres du Grand-Duché, dans un petit studio où cette trentenaire vit seule dans la capitale autrichienne.

De cette Autriche où on ne circule plus librement entre les Länder («Ça a l’air plus strict qu’au Luxembourg»), elle raconte la vie au ralenti, comme partout dans le monde, les magasins qui ferment à 18 h, le métro où «c’est tous les jours dimanche» tant les rames sont dépeuplées, et tant mieux pour le respect de la distanciation sociale.

Mais elle s’étonne que l’on distribue des masques dans les supermarchés – elle a entendu dire que ce serait le cas dans les transports en commun également – alors que dans l’hôpital où elle travaille, «il y a pénurie» : «Au début, nous devions porter le même masque pendant douze heures, maintenant c’est six heures, et c’est encore trop, je trouve.»

Quand les masques ont commencé à être distribués à l’entrée des magasins, elle s’est retrouvée par accident à en fréquenter deux tête nue. Elle se souvient du sentiment désagréable qu’elle a éprouvé de se sentir comme une «suspecte». Alors elle s’est dépêchée, en mode furtif. C’est que dans les rues de Vienne, dans les supermarchés, «si tu tousses, on te regarde de travers». Ou bien, dans les escalators, pour se dépasser, «on tourne la tête».

«Les consignes changeaient toutes les 15 minutes»

Alors elle a un peu craqué et commis le délit numéro un en cette époque particulière : elle a brisé le confinement. Hop, elle a sauté dans une voiture un week-end, roulé avec une amie 20 minutes pour un bain de nature loin de Vienne où elle a cueilli de l’ail des ours («parfait pour une soupe ou un pesto»). Cette reconnexion avec la nature lui a fait «un bien fou».

Dans son service à l’hôpital, après le chaos initial («Les consignes changeaient toutes les 15 minutes!»), les procédures sont bien établies maintenant : «Il y a une entrée et une sortie distinctes», «chaque infirmière s’occupe de ses trois ou quatre patients, et pas de ceux des autres», «tout est noté encore plus exhaustivement». Si ce n’était le manque de masques, le surcroît de travail serait supportable : rien à voir avec le surmenage des soignants français. Il y a cependant quelque chose qui la chagrine, ce sont les papas. Le fait qu’ils ne peuvent pas soutenir la maman au-delà du jour de l’accouchement, auquel ils sont autorisés à assister. En néonatologie (prématurés…), les visites du papa, c’est une fois par semaine…

La rue de Peppange vue de Vienne

Publiée par Roger Peffer sur Samedi 4 avril 2020

 

Et le Luxembourg dans tout ça? Cette sage-femme ne manque pas de prendre des nouvelles de son pays par le biais des sites d’information, dont celui du Quotidien. Elle se tourne aussi vers le site de la commune de Bettembourg, d’où elle est originaire. Et s’enthousiasme pour les initiatives locales, vues sur Facebook, comme la rue de Peppange toute en convivialité, avec les habitants sur le perron de leur maison pour partager un moment musical (le célèbre Hallelujah de Leonard Cohen) joué au saxophone par un anonyme accompagné aux percussions par ses enfants. Ou bien encore la rue J.-F. Kennedy se joignant aux désormais traditionnels applaudissements saluant le dévouement des soignants…

Voilà qui lui fait chaud au cœur, même loin des siens, dont un père à la santé précaire, qu’elle n’est pas en mesure d’aider autrement que par téléphone. Fichu confinement!

Manuel Santos