L’OGBL propose une série de mesures pour aider les commerces à passer le cap de la crise sanitaire. Une table ronde sur l’avenir du secteur devrait être organisée en début d’année.
La situation des commerces est assez critique en ce moment, et elle le sera sans doute de plus en plus dans les mois à venir», prévient tout de go David Angel, secrétaire central de l’OGBL. Entre le confinement et les restrictions sanitaires qui limitent le nombre de clients en magasin, la crise du Covid-19 est venue menacer un secteur déjà mis à mal par la digitalisation et la problématique des loyers, elles-mêmes renforcées pendant la crise. «Comme pour les logements privés, il y a une spéculation financière autour des surfaces commerciales. Par exemple, avenue de la Gare à Luxembourg, beaucoup de magasins ont fermé parce que les propriétaires ont voulu augmenter les loyers en vue de l’arrivée du tram. Et ce, en pleine crise sanitaire», déplore le secrétaire central.
Quant aux achats sur internet, ils freinent sans aucun doute la consommation en boutique et accélèrent le processus de digitalisation. «Or sur internet il y a une concurrence déloyale», s’inquiète David Angel, citant le cas des géants du net comme Amazon. «Ces plateformes qui opèrent depuis l’étranger n’ont pas de loyers, ne paient pas leurs salariés au tarif luxembourgeois et disposent d’avantages fiscaux importants. Elles ont donc des avantages énormes par rapport aux commerces classiques.»
Des difficultés pour le commerce de détail qui emploie 25 000 personnes au Grand-Duché auxquelles s’ajoute encore la saturation du marché qui existe dans le pays. «Il y a une situation hyper-concurrentielle. Nous sommes les premiers en Europe en termes de surfaces commerciales par habitant, lesquelles représentent 1,2 million de mètres carrés au Luxembourg! En outre, nous sommes convaincus à l’OGBL que l’ouverture de galeries sur le long terme fait perdre des emplois.»
Une éclaircie toutefois : la fermeture des commerces belges et français ces dernières semaines, en raison d’un confinement strict, a permis l’arrivée massive de frontaliers dans les boutiques luxembourgeoises qui étaient elles restées ouvertes, ce qui a reboosté les affaires.
«Nous n’avons pas encore eu de vague de faillites, même s’il y a eu plus de fermetures que d’habitude – certaines chaînes ont profité de la situation pour fermer les magasins les moins rentables», note David Angel, qui craint surtout la période de creux de février. «Beaucoup de commerçants feront le décompte après Noël et les soldes d’hiver, et estimeront peut-être alors qu’ils ne peuvent plus continuer.»
Gel des loyers
Afin de faire un état des lieux précis de la situation et de discuter des défis à venir, le ministre des Classes moyennes, Lex Delles, a suivi les recommandations de l’OGBL et organisera en début d’année, «avant la fin de la crise sanitaire», un «Zukunftsdësch Commerce», une table ronde sur l’avenir du commerce. L’occasion pour le syndicat Commerce de l’OGBL de remettre en avant ses six propositions clés pour sortir de la crise à destination du patronat et du gouvernement.
L’OGBL compte ainsi sur la mise en place d’un plan de maintien dans l’emploi sectoriel, mesure qui permettrait d’avoir recours à des dispositifs de réduction temporaire de main-d’œuvre plutôt qu’au licenciement (chômage partiel étendu, aides publiques, départs en retraite anticipés…). «Nous avons négocié ce plan pour les coiffeurs, tatoueurs, salons d’esthétique ainsi que pour les métiers de la santé comme les orthopédistes. Nous souhaiterions la même chose pour le secteur de la mode, très touché», explique David Angel.
Autre solution à court terme : l’octroi à la population de bons de consommation, comme les bons pour une nuit d’hôtel. Une idée déjà mise en place par certaines communes, notamment Luxembourg, «et qui a très bien marché», assure le secrétaire central.
Mais il faut aussi et surtout agir sur le long terme, notamment vis-à-vis des loyers. L’OGBL propose donc un gel des loyers pendant trois ans, ainsi qu’un moratoire d’une durée équivalente sur les nouvelles galeries commerciales, le temps que la situation se stabilise.
Enfin, face aux risques d’abus (et à ceux déjà constatés), le syndicat majoritaire du Luxembourg souhaite voir l’application d’une convention collective sectorielle, qui permettrait aux salariés des petites entreprises de voir leurs droits mieux protégés («75 % des 3 000 entreprises dans le secteur du commerce emploient moins de cinq personnes», souligne David Angel), et le règlement de la question des horaires de travail.
«Sous couvert de crise sanitaire, les pratiques abusives se sont accentuées dans un secteur déjà largement sous-payé et surflexibilisé : temps partiels subis et utilisés à outrance pour éviter des embauches, plages horaires très étendues, personnel avec un contrat de 20 heures obligé de venir tous les jours au magasin… Nous nous opposons fermement à une libéralisation des horaires d’ouverture. Non seulement le code du travail n’est pas suspendu en période de crise sanitaire, mais en plus il ne faut pas donner plus de flexibilité à un moment où il y a déjà des risques sur l’emploi!» Un point sur lequel le ministre Lex Delles a déjà assuré le syndicat de son soutien.
Tatiana Salvan