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Chez Abdel, à Esch, rend son tablier


Abdel, Rita et leur fils Ryad : le couscous familial va fermer ses portes jeudi, après 25 ans de service à Esch-sur-Alzette. (Photo Hervé Montaigu).

Cuisine française et saveurs d’Orient… Le restaurant Chez Abdel, parmi les pionniers du couscous au Grand-Duché, fermera ses portes jeudi.

Le rideau n’est pas encore baissé que déjà, les clients affluent pour des adieux poignants : un gros bouquet de fleurs sur la table, une poignée de main qui s’éternise à coup de «on va vous regretter». Certains clients écrasent même une larme, «des habitués», glisse Abdel Jaouadi, le patron, impeccable dans son costume foncé. «Sans cravate, c’est comme si j’étais sans pantalon», plaisante-t-il. «Quand un client entre dans un restaurant, il doit savoir qui est le patron», renchérit sa femme, Rita Waldbillig.

Le couple tient l’enseigne Chez Abdel depuis 25 ans, à l’angle de la rue du Moulin, à Esch-sur-Alzette. Jeudi, après le service de midi, ça sera «la der» avant une retraite méritée. On sent déjà poindre un vide. «Nous avons tenu le restaurant midi et soir, du mardi au dimanche», explique Rita. Un travail harassant qui a payé, puisque de notoriété, Chez Abdel est l’une des enseignes pionnières du couscous au Grand-Duché. «Ici, au début des années 90, c’était un plat très exotique» , se souvient Rita.

Au début, six mois au Luxembourg

Rien ne prédestinait Abdel à quitter sa Tunisie natale. Le patron se souvient : «Je travaillais dans un hôtel à Sousse quand en 1974, la direction m’a proposé de partir en mission au Luxembourg. Le Sheraton (actuel NH) venait d’ouvrir, il avait recruté du personnel en intérim à travers le monde entier ! Je devais rester six mois. Finalement, je ne suis jamais reparti.» C’est dans cet hôtel qu’il rencontre Rita.

Tous deux connaissent différentes expériences dans la restauration, puis, à l’aube des années 90, c’est le déclic : «J’avais 40 ans, c’était le moment de monter mon affaire. J’ai lancé l’idée du couscous, mais c’était très nouveau. Du coup, nous avons toujours fait du couscous et de la cuisine française.» «Les banques nous avaient suivis avec une certaine frilosité au début», souligne Rita. Les clients, en revanche, sont rapidement devenus fidèles.

Un événement joue un rôle de révélateur : durant l’été 91, le couple s’accorde quatre jours sur la côte belge avec son fils Ryad. Sur la route du retour, c’est l’accident, avec traumatisme crânien à la clef. Le restaurant ne rouvre qu’en 1992. «Les Eschois nous ont apporté un soutien chaleureux, nous ne l’oublierons jamais», se remémore Rita.

C’est le début de la fameuse ambiance familiale de Chez Abdel, aussi. «Ici le dimanche, il faut attendre une demi-heure avant de prendre les premières commandes, sourit Abdel. Toutes les tables se saluent, ça discute, ça se rappelle aux bons souvenirs… J’étais triste, dimanche dernier, d’être au milieu de cette ambiance pour la dernière fois.» Durant 25 ans, le restaurant a pu compter sur un personnel dévoué aussi. La cuisinière Fatima, 18 ans de loyaux services. Le fiston Ryad aussi, sociologue de formation, jamais le dernier à donner un coup de main. «J’ai grandi derrière ce comptoir, montre Ryad. Le restaurant, c’était le travail des parents, la maison, mon terrain de jeu… tout en fait.»

Hubert Gamelon