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Charta Schengen Prestige : 10 ans, 0 frontière !


Les domaines Vinsmoselle, les caves Krier Frères, les caves Saint-Martin et le domaine Desom sont les membres luxembourgeois de la Charta Schengen Prestige. (Photos : Claude Lenert)

La Fondation Valentiny, à Remerschen, a été le très élégant cadre d’une belle célébration : celle du dixième anniversaire de la Charta Schengen Prestige.

Serge Gales a de l’humour. Le président du comité de la Charta Schengen Luxembourg (et vice-président des domaines Vinsmoselle) rappelait qu’à la création de la charte, le monde subissait une grande crise économique et qu’aujourd’hui, à l’heure de fêter sa première décennie, l’actualité tournait autour du Brexit. L’idéal porté par Schengen a pris du plomb dans l’aile et un grand verre de bon vin portant fièrement son attachement à l’Europe n’est vraiment pas de trop pour se remonter le moral!

Voilà dix ans, donc, que des producteurs luxembourgeois, allemands et français (ceux-ci ne sont toutefois plus présents) se sont rassemblés pour mettre en place un des très rares labels transfrontaliers au monde : la Charta Schengen Prestige. Évidemment, le nom de la petite commune où ont été ratifiés, à l’initiative du Benelux, les accords portant sur la suppression graduelle des contrôles des personnes aux frontières intérieures des signataires est un gage de résonnance internationale.

«L’état sanitaire de la vigne doit être excellent»

L’idée des vignerons, qui accompagnaient la tendance du «boire moins mais boire mieux», était de créer une nouvelle étiquette pour orner leurs vins haut de gamme. Dans le but de garantir un niveau de qualité suffisant, ils se sont attelés à concevoir un cahier des charges strict se composant de deux grands axes : une inspection régulière des vignes et une dégustation à l’aveugle des crus. La commission des vignes arpente les rangées de ceps deux fois par an : un mois après la floraison puis environ trois semaines avant les vendanges. Chaque parcelle est évaluée sur une échelle de 100 points. «Quatorze critères permettent d’établir la note, explique Serge Gales, qui fait également partie de cette commission des vignes. Les points plus élevés sont attribués aux coteaux très en pente (NDLR : 15 % au moins) et bien orientés (NDLR : vers le sud), mais le travail est également valorisé. La densité et la hauteur des pieds jouent, comme l’absence d’herbicides et l’enherbement des parcelles.

(Photo : Claude Lenert)

(Photo : Claude Lenert)

Seul l’apport d’engrais organiques est autorisé. Chaque pied ne doit porter qu’entre 12 et 15 grappes. Les vendanges sont obligatoirement manuelles pour des rendements limités à 60 hectolitres par hectare (NDLR : l’appellation d’origine protégée Moselle luxembourgeoise fixe la barre à 75 hectolitres par hectare pour le haut de gamme, les vins qui portent le lieu-dit de leur provenance). Bien sûr, l’état sanitaire de la vigne doit être excellent.» La commission des vignes, qui compte notamment Serge Gales, Mac Desom (Domaine et Caves Desom) et Mathias Appel (Weingut Appel, à Nittel en Allemagne), a le pouvoir de refuser une parcelle qui n’est pas suffisamment qualitative. S’il veut redresser la barre – et s’il en a la possibilité – le vigneron peut corriger le tir «en éliminant un certain nombre de grappes par pied par exemple », explique Serge Gales. Toutefois, il est rare que l’on en arrive à ces extrémités.

«Les règles sont bien comprises, acceptées par tous et les membres de la Charta Schengen Prestige travaillent bien, apprécie le président. S’il faut 75 points sur 100 au minimum pour qu’une parcelle passe, dans les faits, elles obtiennent pratiquement toutes au moins 90 points.»

Répondre à un certain style

La bonne conduite de la vigne, si essentielle qu’elle soit, n’est cependant pas suffisante. La décision finale appartient en effet à la commission de dégustation. Celle-ci se compose du contrôleur des vins de l’Institut viti-vinicole Aender Mehlen, de journalistes spécialisés, de sommeliers, de chefs-cavistes et de vignerons. Mais attention : un producteur ne peut juger une bouteille qu’il a produite. La commission se réunit début novembre pour analyser des vins issus des vendanges du millésime précédent. Chaque année, entre dix et quinze vins sont proposés à son crible et chaque année, elle en recale quelques-uns. Pour être sélectionnés, les vins doivent également répondre à un certain style. Le taux de sucre des raisins qui les composent doit être, au minimum, de 85 Oechsle pour le riesling, l’auxerrois et le pinot blanc et de 90 Oechsle pour le pinot noir, le pinot gris et le gewurztraminer. Par contre, le sucre résiduel (celui présent dans la bouteille) ne doit pas excéder 10 grammes par litre, à l’exception du gewurztraminer qui a l’autorisation d’être plus doux. Il ne reste plus à espérer que le contexte européen soit plus positif dans vingt ans, lors des célébrations du vingtième anniversaire de la charte. Si le monde pouvait être aussi bienveillant que les vignerons, qui travaillent dur pour réjouir leurs clients, sûr qu’un grand pas serait franchi!

Une charte internationale… très luxembourgeoise

Sur le papier, il est possible de produire un vin répondant aux critères de la Charta Schengen Prestige sur l’ensemble du vignoble luxembourgeois, sur les bords de la Moselle française mais aussi en Allemagne, mais pas au-delà de Konz (près de Trèves) où le sous-sol passe du calcaire au schiste. Théoriquement, l’ensemble pourrait réunir un grand nombre de vignerons, mais les domaines luxembourgeois sont très largement majoritaires avec Vinsmoselle, Desom, Saint-Martin et Krier Frères. Seuls deux maisons allemandes sont membres : la Weingut Herber (à Perl) et la Weingut Appel (à Nittel). Deux producteurs français ont été de la partie (le domaine du Stromberg à Petite-Hettange et le domaine Sontag à Contz-les-Bains), mais ne le sont plus.

Erwan Nonet