À 27 ans, Célia Empain est lieutenant-aspirant au sein du CGDIS et fait partie des 7% de femmes que comptent les pompiers professionnels du pays. Rencontre à la caserne.
Elle nous accueille au centre d’intervention et de secours de Luxembourg, en tenue, prête à sauter dans le camion à la moindre alerte car, ce matin, Célia Empain est de garde. Lieutenant-aspirant officier stagiaire au sein du Corps grand-ducal d’incendie et de secours (CGDIS), la jeune femme de 27 ans a un parcours plutôt atypique : elle s’est tournée vers la carrière de pompier professionnel après avoir décroché un bachelor en sociologie et pédagogie et un emploi de conseillère en réinsertion.
«J’ai toujours eu ce goût pour l’aide aux personnes. Se mettre au service des autres fait partie de moi. Mon diplôme en poche, j’ai décroché un CDD dans une association mais je ne m’y épanouissais pas. J’avais envie de m’engager en tant que pompier volontaire depuis longtemps car c’est un univers qui me passionne. Alors, quand mon contrat a pris fin, j’ai sauté le pas.»
Heureux hasard, le CGDIS recrute au même moment des pompiers professionnels. La jeune femme rejoint donc la formation de cadre de base en 2019 et découvre le terrain et l’adrénaline des interventions. Dès ses premiers pas dans le métier, elle comprend qu’elle est faite pour ça : «Être auprès des gens, les aider, comprendre leur histoire qui est à chaque fois différente… On doit sans arrêt s’adapter et savoir improviser en fonction des situations et quand c’est nécessaire. Ça me plaît beaucoup», confie-t-elle.
Être une femme n’est pas un obstacle
Le fait d’être une femme n’a jamais été un obstacle pour Célia Empain qui souligne combien les comportements sexistes au sein des pompiers sont marginaux : «Oui, il y a encore des hommes qui n’acceptent pas les femmes dans ce métier et qui pensent qu’on n’est pas assez fortes physiquement, que c’est un travail d’homme. Mais ils sont en voie de disparition», constate-t-elle.
Elle ajoute que ces attitudes d’un autre âge se rencontrent finalement dans n’importe quelle branche professionnelle, et que c’est plus le manque d’infrastructures adaptées qui complique le quotidien des recrues féminines à la caserne : le bâtiment de 1968, route d’Arlon, ne dispose pas de vestiaires, chambres ou douches pour femmes. Sur ce point, le déménagement imminent dans les nouveaux locaux du Centre national d’incendie et de secours (CNIS) à Gasperich changera la donne.
À peine quelques mois après avoir rejoint les rangs des pompiers professionnels, Célia Empain décide d’aller plus loin et d’intégrer le programme pour devenir officier : deux ans de stages dans différentes casernes, des cours théoriques comportant un volet «Secours aux personnes» et un volet «Incendie et sauvetage», des cours sur la chaîne de commandement et enfin, l’apprentissage sur le terrain, des rôles de chef de section et chef de peloton.
«Aujourd’hui, j’ai confiance en moi»
À ce poste, la jeune femme doit être capable de guider les différentes équipes sur place lors d’une intervention. En arrivant sur place, ils repèrent son gilet jaune : c’est elle qui envoie les pompiers au feu et endosse les responsabilités. Un rôle clé, qui va de pair avec une maîtrise de soi de chaque instant.
Pas évident lorsqu’on débute. La jeune stagiaire se rappelle ainsi de son premier jour de stage en tant que chef de section : «Je suis arrivée à 8 heures. Une heure plus tard, on était appelés sur un incendie important à Bertrange. C’était mon premier feu. Sur le trajet, dans le camion, je n’avais aucune idée de ce j’allais faire. La théorie, c’est une chose, le terrain en est une autre ! Heureusement, en arrivant, un chef de peloton était présent : je me suis fiée à lui.»
Après deux années au sein du CGDIS, la jeune recrue se sent désormais plus sereine : «Aujourd’hui, j’ai de l’expérience et j’ai davantage confiance en moi.» Selon elle, l’empathie est l’une des qualités les plus importantes si on souhaite s’orienter vers ce métier. Car contrairement aux idées reçues, les incendies ne sont pas si fréquents et 85% des interventions des pompiers concernent, en fait, le secours aux personnes. «Il faut aimer le contact avec les gens et savoir aller naturellement vers eux», insiste-t-elle.
Et quand on porte le gilet jaune du chef de peloton, il est primordial de savoir guider les équipes : «On ne peut pas être hésitant car ça risque d’angoisser tout le monde. Pour autant, on doit être à l’écoute et ouvert aux idées de chacun. C’est un équilibre à trouver.»Si elle réussit sa formation, Célia Empain sera nommée à l’emploi opérationnel de chef de peloton et promue lieutenant en 2022.
Christelle Brucker
Le CGDIS s’engage contre les stéréotypes
Le Corps grand-ducal d’incendie et de secours veut davantage de femmes dans ses rangs : un projet-pilote est lancé pour rendre le métier de pompier plus attractif.
Alors que le CGDIS compte 20% de femmes au sein des pompiers volontaires (soit 747 personnes) et seulement 7% parmi les professionnels (soit 41 personnes) officiers et cadre de base, un projet-pilote appuyé par le ministère de l’Égalité entre les femmes et les hommes pourrait changer les choses à l’avenir.
La convention signée jeudi par la ministre Taina Bofferding, la présidente du conseil d’administration du CGDIS, Lydie Polfer, et le directeur général du CGDIS, Paul Schroeder, prévoit un état des lieux interne pour identifier les forces et faiblesses du CGDIS en matière d’égalité et lui permettre d’améliorer son dispositif.
«De plus en plus de femmes sont engagées au sein du CGDIS», explique Paul Schroeder. «Et contrairement aux idées reçues, les services de secours ne sont pas un domaine réservé aux hommes. Les femmes pompiers sont intégrées dans les équipes opérationnelles et remplissent les mêmes missions que leurs pairs masculins», poursuit-il.
Le directeur se réjouit de cette expertise qui permettra, il l’espère, de rendre plus attractif le métier de pompier, tant volontaire que professionnel, auprès des femmes : «C’était un milieu fermé auparavant et les premières femmes qui se sont lancées ont eu du courage. Aujourd’hui, il est important pour nous de montrer qu’on est ouvert. On veut en finir avec les stéréotypes.»
C.B