Plus de deux semaines après les inondations qui ont ravagé le pays, les campings sont toujours enlisés dans les dégâts. Un réel drame pour certains.
En remontant la Sûre dans l’est du pays, les stigmates des inondations du 14 juillet accompagnent notre parcours. Plusieurs semaines après ces évènements aussi dramatiques qu’exceptionnels, la région a encore le tournis et les pieds dans la boue. Tout au long des kilomètres, les arbres couchés, les tas de tôles et de gravats et caravanes estropiées à la toile déchiquetée défilent comme si la catastrophe s’était déroulée la veille.
Sous les eaux, il y a un peu plus de deux semaines, le camping du Barrage fait toujours face au déblaiement et à l’évaluation des dégâts. «C’est dramatique», souffle Patrick Hierthes, le président du syndicat d’initiative de Rosport et exploitant du camping.
Bousculé par cet épisode, l’homme nous raconte son déroulé en ponctuant son récit par des évocations de ce qui est arrivé à ses homologues du camping Um Salzwaasser à Born : «On a eu de la chance par rapport à Born» ou «le courant est moins puissant ici qu’à Born».
Preuve que ce qui s’est produit à quelques kilomètres a marqué les esprits (lire encadré). «Je n’avais jamais vu ça, ici. L’eau est arrivée par en haut et, depuis la Sûre, elle montait de manière très importante. Nous en avions jusqu’aux genoux et en quelques instants le camping était rempli», se remémore Patrick Hierthes.
Les premiers réflexes vont en direction des personnes âgées qu’il faut sortir des caravanes avant qu’elles soient emportées. Puis il a fallu courir à l’entrée du lieu pour protéger avec des sacs de sable les bâtiments flambant neufs contenant l’office du tourisme de Rosport, la réception du camping et les sanitaires. «C’était in extremis, mais tout a pu être préservé.»
Au moment d’attaquer le déblaiement d’après-crue, trois familles seront relogées dans un hôtel d’Echternach et 80 caravanes devront être évacuées. Tout cela en plein démarrage de la haute saison.
«Les sols n’arrivent toujours pas à absorber la pluie»
Au camping du Barrage, la piscine et ses pompes, le réseau du gaz, la salle de stockage du restaurant ont été touchés, mais ce sont surtout les espaces réservés aux campeurs possédant un abonnement à l’année qui témoignent avec le plus de force du passage de la crue.
«Ces emplacements sont les mieux situés pour les campeurs, car ils se trouvent juste à côté de la rivière. Le jour J, les caravanes étaient déplacées par l’eau et, aujourd’hui, c’est encore très boueux et les sols ne parviennent toujours pas à absorber la pluie», décrit Patrick Hierthes.
Heureusement pour le camping, la solidarité a également émergé de cette catastrophe. Des mois de réparation seront nécessaires, mais les étudiants qui travaillent comme saisonniers, les bénévoles et de nombreuses communes donnent un coup de main pour redonner au lieu un air de vacances.
Un énorme manque à gagner
Depuis les abondantes pluies du 14 juillet, les vacanciers ont pu investir, à nouveau, les allées les plus éloignées de la Sûre. Si Patrick Hierthes se réjouit de ce début de retour à la normale, l’inquiétude le taraude quant à «l’énorme manque à gagner» qu’a créé la crue.
«Les campeurs de passage n’osent plus venir par peur de nouvelles inondations, les meilleurs emplacements qui sont d’habitude pour les campeurs à l’année ne sont pas en état, les caravanes s’enfoncent dans le sol… La chose dramatique, c’est l’absence de client», se désespère-t-il. Des recettes en moins, le coût des dégâts et au milieu de tout ça, il faut trouver de quoi payer le personnel employé par le camping et démarrer la phase de renouvellement du lieu.
«Les assurances sont en train d’estimer le montant des dégâts, mais nous avons peu d’espoir de recevoir quelque chose, étant donné que nous n’étions pas assurés contre ce genre de phénomène.» Avec les autres campings de la région, l’exploitant enchaîne les réunions avec la commune, sur laquelle il repose tous ses espoirs pour trouver une solution quant au financement.
Face aux emplacements vides et boueux qui, il y a peu, étaient noyés sous plusieurs dizaines de centimètres d’eau, Patrick Hierthes ravive les souvenirs de ses clients habitués : «Plusieurs générations sont venues ici pour profiter des caravanes, de la rivière. Des nombreuses personnes ont de bons souvenirs du camping. Les inondations leur ont enlevé quelque chose.»
Guillaume Oblet
Born, un véritable drame
Le camping Um Salzwaasser, à Born, se situe en plein centre de la commune. Attenant à la Sûre où lors des fortes chaleurs estivales, il est agréable de se rafraîchir, il est d’habitude un lieu de repos où il fait bon profiter du calme de la nature. Le village entouré de vergers et de forêts ajoute un air bucolique à l’ensemble.
Jeudi matin, plus de deux semaines après les inondations, le bâtiment abritant la réception est entouré de terre humide et de débris. Tout autour, une dizaine de personnes déblaient le sol, retirent les gravats entre les squelettes de caravanes. C’est ici que les torrents d’eau ont frappé le plus fort. Sans pitié, sans rien épargner. Les images du «jour d’après» montrent des appareils électroménagers jonchant les allées, des barrières à terre, des chapiteaux renversés et de la boue, beaucoup de boue.
Monique Pissinger et Jos Schoellen, présidente et vice-président du syndicat d’initiative Born-Moersdorf, vivent un véritable drame depuis que la rivière leur a tout emporté. Soutenus par les bénévoles, les habitués et via des messages sur leur page Facebook, ils tentent de retrouver un peu d’air. Trop atteints moralement par les évènements et la destruction du lieu dans lequel ils mettaient toute leur énergie, ils n’étaient pas en mesure de répondre à nos questions. Ils étaient d’abord partants pour une interview, ils l’ont annulée la veille pour cause de réunion.
C’est finalement Patrick Hierthes, le président du syndicat d’initiative Rosport et exploitant du camping du Barrage, qui nous annoncera la réalité : «Ils ne peuvent pas vous recevoir, ils sont anéantis.» «Ils ne savent pas s’ils pourront reprendre leur activité un jour…» Aujourd’hui, ils sont à la recherche d’argent pour reconstruire et vont de réunion en réunion pour tenter d’imaginer un futur. Avec, en fond, la crainte de nouvelles inondations.