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Bonnevoie : le chef Philippe Zulima au service des sans-abri


Le chef Zulima sert 120 bénéficiaires chaque jour, avec la même attention qu'il avait pour les puissants. (photo Tania Feller)

En cette période de Noël, les anges gardiens ne sont pas tous accrochés au sapin. Nous en avons rencontré un vrai, discret : Philippe Zulima, chef des cuisines du foyer Ulysse à Bonnevoie qui accueille les sans-abri.

C’est l’histoire d’un cuisinier qui a côtoyé les sommets de son art, et qui en est descendu pour «reprendre pied avec la réalité». Philippe Zulima, chef des cuisines au foyer Ulysse de Bonnevoie, travaille depuis neuf ans pour Caritas. Il sert 120 bénéficiaires chaque jour, avec la même attention qu’il avait pour les puissants. «Jacques Chirac, Helmut Kohl, lâche-t-il quand on le force à citer des noms. C’est le genre de personnalités que l’on voyait chez Hédiard à Paris, dans les années 90.»

Pas question pour lui de virer dans la dichotomie «méchants dirigeants d’un côté et peuple de l’autre». «J’ai vécu des rencontres passionnantes à l’époque. J’ai toujours été surpris par la simplicité des grands dirigeants. Et puis vous savez, autour d’un bon plat, les langues se délient et les convives apparaissent dans toute leur vérité.» Le coq au vin comme base de la diplomatie à la française ? «C’est un peu ça, oui…», sourit Philippe Zulima.

Enfant de la gastronomie

Le natif de Lyon est tombé dans la marmite quand il était petit. Il fait son apprentissage au début des années 80 auprès de chefs étoilés. «Dès l’âge de 15 ans, derrière les fourneaux de l’Ermitage et de Ma Chaumière», raconte le chef avec passion. Puis c’est la propulsion à Paris, chez Maxim’s et chez Hédiard entre autres, dans la cour des grands. Quand il revient à Lyon, au milieu des années 90, Philippe Zulima ne connaît encore rien du monde caritatif. Mais déjà, il cherche un autre contact avec la clientèle. «Chez Maxim’s, on ne descendait jamais à la table du client, sauf pour griller le homard, glisse-t-il. À Lyon j’ai officié dans les bouchons, comme on dit. Des bonnes tables où j’ai retrouvé la convivialité qui m’était chère.» Philippe Zulima travaille chez Jean-Paul Lacombe, chef trois étoiles du Bistrot de Lyon. «On en voyait des stars défiler», se souvient-il. Johnny Hallyday avait visiblement autant d’appétit à table que sur scène !

L’expérience de la grande restauration est grisante. Mais au tournant des années 2000, alors qu’il poursuit son ascension au Luxembourg (notamment chez le fameux traiteur Schnékert), le chef a envie de changer d’air. «Réussir dans la restauration, c’est foncer droit devant, à fond, analyse Philippe Zulima avec du recul. Ce sont des journées haletantes, mais j’ai eu envie de faire un pas de côté.» Pour «voir toute la société», dit-il. Le chef décroche alors un poste dans la nouvelle auberge de jeunesse du Grund. «Je servais des Brésiliens, des touristes venus d’Asie, des jeunes… le monde autour d’un plat !»

L’envie d’un virage professionnel

De fil en aiguille, il rejoint Caritas. Un profil très qualifié inattendu pour la direction ? «Ce qui a fait la différence avec Philippe, c’est son humanité, confie Andreas Vogt, directeur du pôle accueil et solidarité chez Caritas. Dans notre association, en dehors des compétences de chacun, ce sont les valeurs qui priment.»

Après neuf ans, Philippe Zulima est une figure du foyer Ulysse aujourd’hui. Le chef est discret, il ne porte plus de toque mais une simple casquette, comme tous les employés. «Le public du foyer vient d’horizons variés, certains sont dans une situation de grande fragilité, c’est sûr.»

Philippe Zulima endosse alors d’autres responsabilités que celles d’une cuisine élaborée. «Il faut faire plaisir, certes, mais aussi nourrir les estomacs. J’ai l’œil sur certaines assiettes, croyez-moi.» Philippe Zulima vient «chaque matin avec un sourire au travail». Il a gardé de bons contacts avec la grande restauration, et des chefs luxembourgeois dont il admire le travail. Ils organisent d’ailleurs chaque année un repas de Noël concocté par des étoilés au profit des plus démunis. «Les sourires qu’on a en retour, la joie sur les visages…», conclut-il visiblement ému.

Hubert Gamelon