Installée sur le toit de l’IFSB à Bettembourg, la première serre urbaine du Luxembourg voit désormais pousser salades, herbes et tomates : un mode production aux multiples avantages.
Depuis lundi, les premiers légumes poussent dans la serre nouvelle génération installée sur le toit de l’Institut de formation sectoriel du bâtiment (IFSB) à Bettembourg. Lancée en 2018 par la Commission européenne via Interreg et cofinancée au niveau national par le ministère de l’Environnement et le Conseil pour le développement économique de la construction (CDEC), cette véritable ferme des villes abrite désormais salades, tomates, herbes aromatiques et fleurs comestibles.
Un mode de production innovant qui permet de réduire considérablement les émissions de CO2 puisque la chaleur produite par le bâtiment est réutilisée pour chauffer la serre, c’est l’espace urbain existant qui est mis à profit pour cultiver des fruits et légumes sans pesticide, et le développement des circuits courts est assuré.
«Le secteur du bâtiment a compris qu’il doit se réinventer : voici une réponse concrète qui a mobilisé de nombreux partenaires», se félicite la ministre de l’Environnement, Carole Dieschbourg, qui voit dans ce projet pilote de nombreuses possibilités pour l’avenir. «C’est intéressant spécifiquement pour le Luxembourg où on manque de place et où la production locale de fruits et légumes n’est pas suffisante.»
Baptisée Fresh, cette première serre à 900 000 euros a vocation à en faire germer d’autres : les défis techniques qu’elle représente pour les énergéticiens, tout comme les modèles de financement possibles, sont scrutés et serviront de base pour d’autres projets en Europe.
45 tonnes de CO2 en moins par an
Ses 380 m2 et 2 850 m3 sont pour l’instant dédiés à une vingtaine de variétés de plantes. Trois «ambiances climatiques» différentes ont été créées à l’intérieur, dans trois zones distinctes, pour permettre à trois types de végétaux de se développer : tomates, feuilles et herbes. Au total, ce sont 45 tonnes équivalent CO2 qui sont supposées être épargnées chaque année grâce à cette serre.
«Pour l’avenir, on doit réfléchir d’une autre manière : utiliser les terrains qui sont déjà bâtis, installer des serres sur les toits, trouver des synergies, raccourcir les circuits, sont des pistes à mettre en œuvre», poursuit la ministre qui aimerait voir ce modèle se multiplier. «Si on disposait de telles structures dans chaque ville, on se rapprocherait d’une souveraineté alimentaire et on pourrait être à la fois producteurs et consommateurs comme c’est le cas ici puisque les stagiaires de l’IFSB pourront déguster les légumes de la serre au restaurant interne.»
Cette visite de travail organisée par le CDEC a réuni des représentants des différents partenaires – ArcelorMittal, Etika, Spuerkeess – en attendant l’inauguration qui aura lieu dans quelques semaines.
Christelle Brucker
«Ça complète ce que je fais au jardin»
À la tête de l’exploitation de cette petite surface en aéroponie : Sandrine Pingeon, maraîchère et gérante des Paniers de Sandrine à Munsbach. Pour elle, la serre représente l’opportunité de cultiver certaines variétés capricieuses. «Il y a des légumes, comme la salade ou les pousses japonaises, qui demandent énormément d’eau, chez moi, je dois les arrêter de juin à septembre», explique-t-elle. «Ici, c’est une bonne alternative car je peux en planter toute l’année et aussi produire des tomates un peu en avance et un peu plus tard. Ça complète ce que je fais au jardin.»
Elle qui avait déjà testé l’aéroponie – la terre est remplacée par des billes d’argile arrosées d’eau et d’éléments nutritifs – en 2016 en bricolant elle-même des gouttières, apprécie aujourd’hui la technologie de pointe de la serre urbaine. L’une des raisons qui l’ont poussée à rejoindre le projet, tout comme le goût préservé et la qualité des aliments : «J’avais des idées reçues sur l’aéroponie, notamment le manque de goût et de tenue des légumes, mais ce n’est pas le cas. Je ne me serais pas lancée sinon», avoue cette passionnée.
La production vient juste de démarrer et l’agricultrice va maintenant évaluer le potentiel de ce nouveau terrain de jeu : «La surface ici est restreinte comparée à mes trois hectares et demi, mais ça pousse plus vite! Donc je suis curieuse de voir combien de temps on gagne en serre par rapport au plein champ.»
C.B