L’interruption du trafic ferroviaire entre le Luxembourg et la France en raison des inondations a été un moment difficile pour les usagers. Les CFL réfléchissent à de nouvelles solutions pour éviter une réitération.
Après des jours de galère et d’adaptation, les frontaliers avaient, ce mardi soir en gare, le soulagement collé au visage. En une dizaine de jours, deux épisodes de fortes précipitations ont totalement paralysé le trafic ferroviaire sur la ligne 90 qui relie Luxembourg à Thionville en passant par Bettembourg.
Bettembourg, point d’entrée au Grand-Duché pour tous les trains en provenance de France et point faible d’une des lignes les plus fréquentées du pays avec un transport de passagers de plus de 12 000 frontaliers par jour, sans compter le fret.
L’inondation du sous-sol de son poste d’aiguillage est la cause de la mise à l’arrêt de la ligne et la raison de l’exaspération des usagers. Mardi, jour de la reprise progressive des trains, les pas s’accélèrent, les talons claquent et les baskets dérapent à nouveau sur les marches des escaliers qui mènent au quai numéro 9 de la gare de Luxembourg.
À 17 h 16, les freins du train en direction de Metz crisseront lentement sur les rails à cet endroit avant qu’il accueille dans ses voitures le flux de travailleurs français souhaitant regagner leur foyer. Depuis le samedi 24 juillet et la nouvelle annonce de l’interruption du trafic, ce retour à une certaine routine fait du bien. «J’ai été vraiment soulagée lorsque j’ai appris que les trains roulaient à nouveau vers Thionville», déclare Isabelle.
J’ai essayé d’utiliser les bus, j’avais l’impression d’être au zoo
Cette frontalière habituée de la ligne qu’elle utilise depuis 15 ans a dû s’adapter à la dernière minute face à la situation qui, selon elle, a été «mal gérée» par les Chemins de fer luxembourgeois (CFL). «Tout a été mal organisé. J’ai utilisé les bus de substitution mis à notre disposition, mais avec seulement un toutes les trente minutes, on ne s’en sortait pas. Il n’y en avait pas assez!», proteste-t-elle.
Un peu plus loin sur le quai, Myriam, a, elle, préféré prendre la voiture pour se rendre au travail après avoir appris «le matin même face au panneau d’affichage» l’arrêt du trafic. «J’ai déjà essayé d’utiliser les bus, mais à l’intérieur, il n’y avait pas de place, je devais pousser les gens. J’avais l’impression d’être au zoo», décrit-elle.
Quant à la récurrence des soucis sur la ligne, Myriam et Isabelle partagent la même conclusion : «Il y a tout le temps des problèmes!» En gare de Bettembourg, Dondu, une Messine de 24 ans, a également opté pour l’option voiture pendant ces jours sans train. «Je préfère prendre le volant plutôt que le bus qui me fatigue trop.»
Loïc, frontalier depuis six mois, explique que, surpris par l’interruption du trafic, il ne s’est tout simplement pas rendu sur son lieu de travail avant d’organiser un système de covoiturage avec ses collègues. Il nuance toutefois quant à l’action des CFL :«Ils ont réagi rapidement, on ne peut pas se plaindre.»
Littéralement sous l’eau durant ces pluies d’une rare intensité et face aux usagers mécontents, les CFL plaident coupables. «Heureusement que c’est arrivé pendant les vacances», souffle Alessandra Nonnweiler, cheffe du service communication des CFL. «Nous avons trouvé des solutions en bonne coopération avec la SNCF, mais il nous était difficile de dénicher des bus. Ces derniers étaient déjà alloués à d’autres chantiers.» Consciente de la saturation du système, elle redoute les répercussions que l’effet domino d’une telle interruption peut produire.
Bettembourg, bientôt renforcé
Ce n’est pas la première fois que les CFL sont confrontés à ce genre d’incident au niveau du poste d’aiguillage de Bettembourg. En 2016, ce nœud central des lignes d’Esch-sur-Alzette, Dudelange et Thionville était déjà inondé avec, comme conséquence une belle pagaille sur le réseau.
À la suite de cet épisode, «des travaux avaient été réalisés», explique la cheffe du service communication des CFL.«Il y a cinq ans, nous avions surélevé le poste de commande et les armoires électriques. Ce samedi, nous étions face à un phénomène naturel exceptionnel. Je comprends le mécontentement des usagers. On peut prendre beaucoup de précautions, mais on ne peut pas éviter tout.» Dépassés par ces inondations, les agents n’ont pu que subir avant d’entamer les travaux de pompage, de séchage et de test.
Alessandra Nonnweiler affirment qu’après ces événements des solutions pérennes vont être mises en place à Bettembourg pour éviter une réitération : «Nous comptons placer de gros blocs de béton à proximité du poste d’aiguillage afin de dévier l’eau si la rivière déborde à nouveau. Les sols seront également imperméabilisés.»
Ces événements sont donc pris très au sérieux. Reste à savoir si le carrefour renforcé mais soumis à rude épreuve qu’est Bettembourg résistera au prochain impact.
Guillaume Oblet
Trois questions à une association d’usagers
Dimitri Janczak est membre de l’Association des voyageurs du TER Metz-Luxembourg (AVTERML) qui, en plus, de fournir des informations en temps réel sur le trafic via les réseaux sociaux, remontent les faits de terrain auprès des CFL ou de la SNCF.
Que pensez-vous des solutions mises en place par les CFL à la suite des inondations ?
Dimitri Janczak : Depuis 2016, on est toujours inquiets pour Bettembourg. Après le blocage du 24 juillet, nous étions dépités. Même si les CFL commencent à avoir des réflexes notamment avec la mise en place de bus de substitution, l’organisation est encore à améliorer. Il n’y a pas assez de bus et ces derniers viennent surcharger le trafic sur l’autoroute. De plus, les chauffeurs ne peuvent pas changer l’itinéraire décidé par la compagnie.
Quels sont vos rapports avec les CFL ?
Les CFL ne sont pas encore structurés pour discuter avec les associations. Ils nous ont déjà reçus, mais il y a une sorte de réticence. Ce n’est pas dans leurs habitudes d’aller vers des associations, mais nous, nous sommes demandeurs.
Selon vous, quels changements pourraient améliorer la donne ?
Selon nous, ajouter une aiguille au niveau de Hettange-Grande pourrait régler certains problèmes. À l’heure actuelle, si un train tombe en panne, étant donné qu’il n’y a qu’une voie, il bloque tout le trafic. Avec une aiguille en plus, cela offrirait la possibilité de doubler l’appareil en panne. Un accident ne causerait ainsi pas ou moins de perturbations.
Recueilli par G. O.
Les travaux en cours cet été
Ligne 10 (Luxembourg – Troisvierges – Gouvy) :
Durant trois semaines de mi-juillet à début août 2021, les CFL fermeront différents tronçons de la ligne 10 pour permettre l’avancement des travaux au niveau des pôles d’échange de Mersch et d’Ettelbruck. Objectifs? Optimiser la performance de la gare de Mersch en cas de perturbations ou de travaux sur cette ligne et renforcer le système d’alimentation électrique entre Mersch et Ettelbruck.
Lignes 10 (Luxembourg – Troisvierges – Gouvy) et 30 (Luxembourg – Wasserbillig – Trèves) :
Durant la période estivale, les CFL poursuivront leurs travaux concernant l’extension et la modernisation de la gare de Luxembourg. Le but de l’opération est d’optimiser les flux des trains à destination/en provenance du nord et de l’est et de prolonger des souterrains qui permettront aux usagers d’accéder aux nouveaux quais.
Lignes 60 (Luxembourg – Esch-sur-Alzette – Pétange) et 90 (Luxembourg – Bettembourg – Thionville) :
Dans le but d’offrir un accès sans barrières à la gare de Bettembourg, les CFL effectueront des travaux pour la construction d’une nouvelle passerelle. Parallèlement, deux quais seront allongés provisoirement pour accueillir des trains plus longs et donc d’offrir plus de places assises aux clients en gare.
Lignes 60 (Luxembourg – Esch-sur-Alzette – Pétange) et 70 (Luxembourg – Pétange – Rodange – Athus – Longwy):
Pour optimiser la fluidité à l’intérieur de la gare de Rodange, des travaux seront effectués durant la troisième phase horaire de 2021 pour réaménager la tête est de cette gare. À cela s’ajoute la mise à disposition d’une voie à quai supplémentaire afin de soulager cette gare très fréquentée.