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Belval : hip hop dans les starting-blocks de la Kulturlaf


Lors de la Kulturlaf, Sanctobin réalisera une fresque à Belval. Vingt-quatre autres artistes (musiciens...) sont attendus. (Photo HG)

La 10e Kulturlaf, ce samedi, promet un sacré programme artistique. Dont Sanctobin, qui réalisera une fresque au pied des hauts-fourneaux.

Le problème du graffiti, c’est la direction qu’il a prise : art subversif devenu mainstream, tels ces tatouages que l’on exhibe en pensant être si différent. Il y a toujours un risque, donc, à rencontrer un «artiste de rue». Celui de tomber sur un type banal, qui récite sa leçon de hip-hop comme des tables de multiplication. Le Luxembourgeois Sanctobin se situe à des années-lumière du cliché. Plus que le hip-hop, c’est le jazz qui le caractérise : ni barrière, ni bord, ni frontière. Les organisateurs de la course Escher Kulturlaf, qui se tiendra samedi dans les rues de la Métropole du fer, ont visé juste en misant sur lui. Sanctobin va réaliser une fresque le long du parcours, au pied des hauts-fourneaux.

C’est un artiste à la tête pleine de voyages qui se présente. Le graffiti ? «Je l’ai rencontré dans les années 90, en faisant des allers-retours entre la Belgique et le Luxembourg. Nous venions de déménager. Ces fresques immenses m’impressionnaient… Au lycée, par la suite, il y a eu l’effet de mode. Beaucoup d’amis ont arrêté. Moi, j’ai persévéré.» Le jeune homme perçoit rapidement le graffiti comme un support de création, plus qu’une fin en soi. Il refuse la rapidité de la peinture illégale, bosse dur, se trouve des murs à Hollerich. Le graffiti lui ouvre une porte, «celle de l’art de façon générale». Il cite Pollock, Basquiat mais aussi des peintres classiques, tel le Japonais Hokusai. «J’ai vu le graff naître au Luxembourg. Mais je ne voulais pas passer devant mon petit mur tous les jours et en être satisfait.» Il se perfectionne en optant pour le lycée des Arts et Métiers du Luxembourg avant de poursuivre avec un bachelor au Collège de design de Bruxelles.

À 23 ans, direction New York

Surtout, il voyage et réalise le rêve de sa vie à 23 ans : vivre un an à New York. «J’ai bossé pour Firstborn Multimedia, une grosse boîte de graphisme. À la moindre occasion, j’en profitais pour m’échapper vers le Queens, le Bronx ou encore Brooklyn. Je me suis inspiré autant que j’ai pu, j’ai respiré, bu, inhalé la ville de New York.» De la Grosse Pomme, il retient quelques sessions de graffiti mythiques avec des monstres du genre, comme Tracy 168. «Le type est un monstre, de par son implication dans l’histoire du graff et même par sa carrure. Mais il te regarde et te dis : Tiens, tu devrais mettre un peu de jaune sur ma fresque. La mentalité new-yorkaise a ça de bon : tu peux saisir ta chance à tous les instants, avec des interlocuteurs ouverts d’esprit.» Un trait de caractère qui manque à la scène luxembourgeoise, estime Sanctobin. «Chez nous, on est tout de suite dans la démonstration. Au lieu de multiplier les énergies, on sombre dans une espèce de méfiance.» De retour au Luxembourg, Sanctobin exerce différents boulots dans le graphisme. Il perd son temps et l’envie de peindre. Il retourne donc à sa passion et graffe sur commande, pour vivre.

Conserver l’impulsion créative

L’idée que le graffiti sorte de la rue et se monnaye ne le dérange pas. «Comme n’importe quel artiste, des gens te payent parce qu’ils aiment tes créations.» La création, son maître mot. «Faire du lettrage dans la rue et tourner en rond n’a rien de passionnant. Sur commande, je peux peindre avec une approche beaucoup plus abstraite, une vraie recherche de style.» Sanctobin n’a pas lâché ce qui fait le sel du graffiti : l’impulsion instinctive. «Les clients peuvent me donner des orientations. Mais je cherche toujours à peindre in situ. Je découvre le mur, l’environnement, et je fais du sur-mesure… Cette recherche de la bonne peinture, au bon instant et au bon endroit, c’est l’esprit du graffiti.»

On peut déjà admirer certaines de ses œuvres dans Esch-sur-Alzette, comme à la KuFa, ou encore place Boltgen, sur le mur d’entrée de la Maison des jeunes. En privé, le jeune homme peint parfois des murs de plus de 50 m². Samedi, pour le 10e anniversaire de la Kulturlaf, il réalisera un tableau de 4 mètres sur 2 au pied des hauts-fourneaux de Belval. «J’envisage un truc par rapport à l’université, à l’effort sportif, au passé industriel… les mots clés que l’on m’a donnés.» Comptez sur lui pour en faire un roman plein de couleurs.

Hubert Gamelon