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Bazar international : ce «tour du monde en quelques heures»


Si la plupart des stands présentent un pays en particulier, le but du Bazar international est clairement de prôner le vivre ensemble (Photo : Tania Feller).

Ce week-end, tout Luxembourg avait rendez-vous à Luxexpo The Box pour la 59e édition du Bazar international, le plus grand événement de charité indépendant du pays. Cette année, 73 stands, dont 61 nationaux, étaient présents. Avec ses propositions de cadeaux étonnantes et ses spécialités gastronomiques rares, il attire en général quelque 30 000 visiteurs sur les deux jours.

Il a fait froid ce week-end. Dimanche, un vaste manteau blanc a même couvert, sinon le pays, du moins le plateau du Kirchberg. C’est là, dans les halls de Luxexpo, que se tenait comme d’habitude la 59e édition du Bazar international. Au froid extérieur, une fois passé les portes du bâtiment et les services de sécurité, c’est un monde fait de chaleur qui attendait le visiteur. Chaleur thermique – mieux valait avoir fait un détour par le vestiaire ou avoir au moins prévu un grand sac où mettre manteau, gant, bonnet et écharpe avant de s’aventurer dans les allées du Bazar –, mais aussi chaleur humaine.

Dimanche le 01 Décembre 2019 Kirchberg LuxExpo, , Bazar International 2019

Dimanche le 01 Décembre 2019 Kirchberg LuxExpo, , Bazar International 2019

Car le Bazar a beau être grand, 30 000 visiteurs sur 16 heures – huit le samedi et autant le dimanche –, ça en fait du monde ! «Nous sommes toujours très heureux de voir autant de personnes, toutes ces familles qui viennent du Luxembourg, mais aussi des alentours pour faire ce tour du monde en quelques heures que propose le Bazar international», note la vice-présidente de l’association organisatrice, Carmen Decalf.
Du coup, on est vite bloqué, on zigzague entre les gens, on fait attention aux poussettes, mais on a du mal à éviter de bousculer quelqu’un ou d’être bousculé de temps en temps. Rien de bien grave. Tout le monde se regarde, s’excuse et poursuit son chemin avec le sourire. Oui, malgré la chaleur, le brouhaha constant et les files devant les différents stands proposant de la nourriture, la plupart des gens croisés gardent le sourire.

Un événement populaire et social

«C’est à la fois un événement populaire et un événement social, reprend la responsable. «Un lieu pour se rencontrer, où les amis se donnent rendez-vous, où les collègues se croisent en dehors du contexte du bureau, où des parents qui montrent aux enfants des choses typiques de leur pays, mais aussi d’autres pays : des plats typiques, des boissons typiques, de l’artisanat typique, mais aussi des costumes traditionnels, des danses folkloriques, etc. Les enfants adorent !»

(Photo : Tania Feller).

(Photo : Tania Feller).

Les enfants sont nombreux, en effet, en ce dimanche dans les couloirs de Luxexpo. Ici et là, quelques petites tables leur sont d’ailleurs réservées avec jeux et activités. Axel (11 ans) est particulièrement attiré par une roue de la fortune proposée par le stand de la République tchèque. Mais ne comprenant pas bien le fonctionnement de l’activité, il préfèrera finalement se tourner vers la toute simple tombola du stand belge. Simple, mais à 6 euros le ticket tout de même. Au stand japonais, la mise était de 10 euros! Résultat : un grand œuf Kinder et une statuette en forme de canard. Heureux le gamin? À son regard, on comprend bien qu’il aurait préféré autre chose, mais «oui, c’est cool!» répond-il néanmoins, pendant que son petit frère se concentre sur l’énorme glace au chocolat achetée peu avant au stand italien.

Eh oui, si les tombolas fonctionnent bien – au point que 17 stands en proposent une –, «entre 12 h 30 et 15 h, ce sont surtout les boissons et la nourriture qui font le gros des ventes», reconnaît-on du côté du Bazar international. «C’est sympa de prendre l’apéritif dans un pays, aller manger dans un autre, prendre le dessert dans un troisième et pourquoi pas finir en Irlande avec un Irish coffee», énumère Carmen Decalf. Si pour Axel et Ethan (6 ans) il n’a évidemment été question ni de café ni de whisky, c’est exactement ce qu’ont fait les deux frères. Empanada argentine en entrée, ensuite, en plat, kefta égyptien pour l’un, saumon norvégien pour l’autre, le tout accompagné de quelques éléments d’un mezzé libanais, avant de finir donc par une glace italienne.

Ils ne sont pas les seuls à aimer picorer. Tiphanie partage cette même philosophie du Bazar international. On l’a rencontrée alors que son copain attendait son tour devant le stand coréen. «On aime beaucoup goûter plein de petits plats différents», explique-t-elle. «On évite ce qu’on connaît déjà et qu’on peut manger facilement, comme la nourriture italienne ou espagnole, mais on pense faire un tour plus tard du côté du Rwanda ou du Burundi, des pays dont on ne trouve pas habituellement les spécialités», ajoute-t-elle une fois les raviolis coréens en main et pendant qu’elle attend désormais au stand tchèque pour une bonne bière.

Des cadeaux, des repas et du folklore

Si certains jouent aux explorateurs culinaires, d’autres préfèrent jouer la carte de la nostalgie et vont chercher au stand de leur pays des plats de chez eux, des compatriotes avec qui parler leur langue ou avec qui revivre quelques moments «comme à la maison» autour d’un chant ou d’une danse folklorique. Car oui, le Bazar est avant tout une fête et on vient aussi pour s’amuser. Au stand hongrois, on danse la valse en habits de la grande époque austro-hongroise. Un peu plus loin, au stand slovaque, on chante et on danse, tandis qu’un stand allemand propose un concert… de jazz! Impossible de faire plus varié, plus multiculturel !

(Photo : Tania Feller).

(Photo : Tania Feller).

Du coup, à chacun son bazar. Et certains viennent avant tout y faire des emplettes de saison. Il y a Stefano, venu avec sa femme. «On est à la recherche de quelques petits cadeaux de Noël pour la famille», nous lance-t-il entre deux stands. Anne est là pour le même motif. Mais elle a déjà une idée derrière la tête. «Une décoration de Noël au stand allemand et peut-être une belle étoffe en laine au stand islandais.» Leur budget? «Pas de budget en particulier», répondent les deux, qui avouent marcher avant tout au coup de cœur. Ils l’ignorent probablement, mais au départ, c’était ça l’esprit du Bazar international. Des stands de cinq pays, pas plus de 25 bénévoles qui se sont dit, rappelle Carmen Decalf : «On habite dans un pays multiculturel, pourquoi ne pas proposer un marché de Noël multiculturel?»Près de six décennies plus tard, leur idée a bien grandi. Mais un stand de «bric-à-brac» et un grand stand de livres d’occasion rappellent cette intention première.

Depuis, le Bazar international est devenu un lieu de partage de «différentes langues, cultures, croyances, nationalités… un lieu où on a tous un but commun : l’aide aux plus démunis», note la responsable, par ailleurs en charge de l’aspect caritatif de la manifestation (lire encadré). Et Carmen Decalf de conclure : «Le Bazar international représente cinq jours (NDLR : avec les préparatifs et la mise en place) de paix et d’harmonie, malgré les différentes traditions et cultures. Il y a des musulmans, des juifs, des chrétiens, des athées, tous ensemble, dans le même but, sans qu’il y ait jamais le moindre problème. Pourquoi n’arrivons-nous pas à extrapoler ce qu’on fait ici au monde entier?» La question est posée !

Pablo Chimienti

Ce qu’on a pas osé goûter

Les spécialités gastronomiques proposées lors de ce 59e Bazar international étaient diverses et variées. Presque tous les stands nationaux, 61 en tout, proposaient des exemples de leurs plats traditionnels, de leurs desserts les plus savoureux, de leurs meilleurs vins, de leurs bières les plus réputées ainsi que de leurs alcools forts les plus étonnants. On ne peut évidemment pas tout goûter, mais ça fait envie. Il y a juste une spécialité qu’on n’a vraiment pas osé goûter, au stand islandais : le requin fermenté avec son verre de brennivin (une eau-de-vie de pomme de terre aromatisée au carvi). Curieux, on s’est approchés, mais à l’odeur dégagée par le bocal où était conservé l’aliment, on a fait demi-tour. Faute avouée…

Ce qui nous a fait rire

Pas de politique au Bazar international, ça se comprend. L’événement prône le multiculturalisme et le vivre ensemble, mais on n’a pas pu s’empêcher de pouffer en voyant le placement du stand turc. Dans le hall 3 de Luxexpo, il est placé pile entre le stand français, alors que les deux pays sont en froid – la semaine dernière, le président Recep Tayyip Erdogan avait jugé le président Emmanuel Macron «en état de mort cérébrale» – et le stand chypriote, alors que la Turquie occupe militairement depuis 1974 le tiers nord de l’île méditerranéenne, proclamée en 1983 République turque de Chypre du Nord, sans que celle-ci ne soit jamais reconnue par la communauté internationale.
Il en va de même, juste à côté. Avec cette fois-ci le stand des États-Unis d’Amérique placé juste à côté du stand mexicain. Ici, heureusement, point de mur, point de gardes armés entre les deux. Bien au contraire, passer d’un pays à l’autre n’a jamais été aussi simple qu’à Luxexpo pendant le Bazar international. Le milieu associatif prouve, une fois encore, qu’il y a toujours moyen de s’entendre et que des ponts valent toujours mieux que des murs!

Ce qui nous a attristés

C’est triste, bien triste, de devoir passer par un contrôle de sécurité et de devoir ouvrir le moindre sac ainsi que son manteau pour accéder à un bazar de charité. Ce n’est certes pas la faute des organisateurs, mais on peut se poser la question de la société dans laquelle on vit avec ce genre de détails. Plus triste encore, l’affichette vue sur le «books stand» du Bazar international cette année. On pouvait y lire, en anglais : «Cette année, nos livres de valeur sont sous clé à cause des vols de ces deux dernières années». Des livres volés, à Luxembourg, lors d’une manifestation de charité ? On croit rêver ! Enfin, cauchemarder! Quelle tristesse en tout cas de devoir en arriver là.