L’autisme, un handicap aussi difficile à saisir qu’il est protéiforme. Depuis 25 ans, la Fondation Autisme Luxembourg veille au bien-être des personnes atteintes. Décryptage d’un trouble et d’une mission.
Au début, il n’y avait rien, si ce n’est des parents désemparés. Vingt-cinq ans plus tard, les parents d’enfants atteints de troubles du spectre autistique (TSA) peuvent compter sur la Fondation Autisme Luxembourg (FAL). Patrick Simon, son porte-parole, évoque le travail de la fondation et ce handicap complexe.
Comment les mesures sanitaires ont-elles été acceptées par vos bénéficiaires et avez-vous été épargnés par le Covid ?
Patrick Simon : Ce n’était pas évident de leur faire comprendre comment porter un masque, de se laver les mains plus souvent ou bien de ne plus donner la main pour dire bonjour. Nos bénéficiaires ont souffert de ne plus pouvoir faire de sorties ou de ne plus séjourner dans leurs familles. Ne plus pouvoir partir en vacances était dur à comprendre. Nous avons essayé de leur proposer des alternatives.
La plupart de nos bénéficiaires ont eu le Covid mais sous une forme très légère. Ils n’ont presque pas eu de réactions à la vaccination.
Quel âge ont vos bénéficiaires? Les TSA ont-ils une influence sur l’espérance de vie? Existe-t-il des structures adaptées pour la prise en charge de personnes âgées ?
Les bénéficiaires de nos foyers ont entre 14 et 69 ans. Selon une étude récente, les personnes présentant un TSA ont une espérance de vie plus courte que les personnes neurotypiques et vivent en moyenne 16 ans de moins. Les personnes TSA vieillissantes peuvent avoir besoin d’aménagements. Un foyer leur est dédié dans notre service d’hébergement à Rambrouch. Il est construit de plain-pied. Les activités de jours sont adaptées à leur rythme et leurs compétences.
En 25 ans, la philosophie de notre prise en charge est restée la même
Qu’est-ce qui a changé en 25 ans en matière de prise en charge ? Y a-t-il encore des progrès à faire et où ?
Ces 25 dernières années, la FAL a fortement grandi : plus d’usagers, plus de personnel, plus de services. Nous essayons de veiller à une qualité de vie optimale pour nos bénéficiaires et pour cela nous mettons l’accent sur la formation continue de notre personnel. La philosophie de notre prise en charge est restée la même : nous travaillons avec l’éducation structurée selon le programme TEACCH® et visons la diminution des médicaments et neuroleptiques. Il y a encore des progrès à faire et la demande de soutien et de services de la part des familles et personnes concernées est grande.
Vous sentez-vous suffisamment soutenus par les autorités ?
Nous nous sentons soutenus par notre ministère de tutelle, le ministère de la Famille, de l’Intégration et à la Grande Région. Par contre, il faudrait libérer plus de budget pour que les listes d’attente pour les demandes d’évaluation diagnostique soient plus courtes. Il faudra continuer à développer des hébergements spécialisés, des services d’activité de jour, et accentuer le soutien pour les personnes TSA sans retard intellectuel (Asperger) comme des services d’inclusion professionnelle ou des appartements supervisés.
Une des raisons d’être de la FAL est la sensibilisation du grand public. Comment définir une personne autiste de manière simple quand le diagnostic est encore difficile à obtenir et qu’il existe autant de formes d’autisme que de cas ?
C’est justement parce qu’il existe autant de formes d’autisme que de cas que nous utilisons la notion de spectre, nous parlons de troubles du spectre autistique (TSA). L’autisme peut se manifester de multiples manières, mais toutes les personnes TSA présentent spécifiquement des déficits de la communication et des interactions sociales, ainsi qu’un caractère restreint, répétitif des comportements et des intérêts. À cela peuvent s’ajouter une sensibilité aux stimuli sensoriels plus ou moins grande, une déficience intellectuelle plus ou moins importante ou d’autres difficultés.
Le travail de diagnostic des professionnels spécialisés dans ce domaine est justement de récolter des informations qualitatives, en observant les comportements au moyen d’outils spécifiques au diagnostic, selon les recommandations scientifiques internationales. L’objectif étant de développer un programme d’accompagnement individualisé pour permettre à chacun d’atteindre son plein potentiel de développement.
Qui a fondé la FAL et pourquoi ?
La Fondation Autisme Luxembourg (FAL) a été fondée le 18 juin 1996 à l’initiative d’un groupe de parents affectés. Face à un manque de structures et de services pour les personnes atteintes d’autisme au Luxembourg, ils se sont rassemblés avec l’objectif de fournir à leurs enfants les soins adaptés à leur invalidité.
Depuis, la mission de la fondation est de promouvoir et de défendre les droits des personnes atteintes d’autisme indépendamment de la sévérité de leurs conditions. La FAL a été reconnue d’intérêt public le 6 octobre 1996.
À l’occasion de cette journée mondiale, les Nations unies organisent une conférence sur l’inclusion sur le lieu de travail. Comment se passe-t-elle au Luxembourg ? Les personnes TSA peuvent-elles intégrer le premier marché du travail et si non, comment les aidez-vous ?
Chaque personne avec autisme ayant un niveau de fonctionnement différent, leur inclusion professionnelle dépend fortement de ce dernier. Certaines ne peuvent pas accéder au marché de l’emploi, et sont accueillies en service d’activité de jour, tandis que d’autres travaillent avec un statut adapté ou sur le premier marché de l’emploi, avec plus ou moins d’aides et d’accompagnement au sein de l’entreprise.
La recherche d’emploi peut être un parcours du combattant pour la personne TSA de par ses difficultés de communication sociale. De la même manière, ces personnes, en raison de ces difficultés, ont parfois du mal à garder leur emploi. Cependant, les personnes TSA sont efficaces et performantes au sein d’une entreprise, de par leurs compétences extraordinaires, leur respect des règles et des procédures et leur caractère méthodique, d’attention, de mémoire visuelle, d’attention aux détails, etc.
Nous avons en 2021 le projet de développer un service d’inclusion professionnelle pour les personnes sans retard intellectuel, ayant comme objectif de les accompagner de la formation à la recherche d’emploi, avec possibilité ensuite d’un accompagnement individualisé en collaboration avec l’employeur.
Entretien avec Sophie Kieffer