Carlo Arendt a sacrément diminué la voilure de New Spirit, l’agence événementielle nichée au moulin d’Altwies. Il s’assure des petites rentrées permanentes grâce à ses divers métiers.
Il va lâcher prise peu à peu, se contenter du minimum et finalement s’habituer à un autre rythme, tout seul au bureau, dans sa «petite structure indépendante unipersonnelle», comme Carlo Arendt se plaît à l’appeler. Le pionnier de l’événementiel avec sa société New Spirit, créée en 1991, n’a pas eu d’autre choix que de s’adapter à la crise. Malgré tout, il continue à organiser des mariages et autres petites fêtes au moulin d’Altwies, son fief bucolique à souhait, déposé sur les bords de la Gander et s’étalant sur dix hectares de part et d’autre de la frontière franco-luxembourgeoise.
Ici, dans ce cadre verdoyant, tout n’était qu’incentives, team buildings, lancements de produit, évènements, soirées et galas. Les réservations allaient bon train avant le premier confinement et ses conséquences que chacun a pu mesurer. Les professionnels de l’événementiel plus encore que les autres. «On est un baromètre de l’économie du pays. Quand ça va mal dans une boîte, la première chose qu’on arrête c’est la fête, puis la pub, puis les voyages d’affaires qu’on remplace par des visioconférences.»
À l’incertitude d’une période trouble s’ajoute la tristesse de devoir se séparer de son personnel. Avec quatre salariés fixes au moment de la pandémie, un en arrêt de maladie et une employée en congé de maternité, Carlo Arendt a essayé de tenir aussi longtemps qu’il le pouvait. Mais les sombres perspectives lui ont fait baisser les bras. Il s’est retrouvé au plus bas de sa forme. «On est une toute petite famille, on connaît tout de la vie de l’autre, je devais me séparer de mes salariés et j’avoue que j’ai beaucoup pleuré.» Au bord du burn-out, il est allé voir un psy pour l’aider à traverser cette épreuve. Il en parle avec humilité comme de sa fin de carrière qu’il n’imaginait pas ainsi. «Une vie de travail et finir comme ça alors que je n’ai jamais mis ma société en péril», dit-il pensif.
Location de bureaux
Comme tout le monde dans son cas, il a jonglé avec les formulaires d’aides diverses et variées, plongé dans la paperasse pour bénéficier d’un soutien financier toujours bienvenu. Il accuse une perte de chiffre d’affaires de 80 % depuis le début de la crise mais parvient malgré tout à joindre les deux bouts. Carlo Arendt avait plusieurs cordes à son arc, l’idée de se diversifier lui étant venue très tôt.
À côté de l’agence événementielle New Spirit, il s’était lancé dans la location de pagodes, tentes, chalets et sanitaires mobiles. «Ce n’est pas grand-chose mais les quelques exemplaires suffisent et trouvent preneurs, c’est toujours une rentrée d’argent», confie Carlo Arendt qui avait comme client le ministère des Affaires étrangères. Puis il y a les montgolfières, six au total. «Après le premier confinement, les gens avaient envie de se faire plaisir, de se faire un cadeau un peu exceptionnel et j’ai vendu beaucoup de vols au point d’être débordé un moment.»
Côté ballons, il a sacrément diminué la voilure. Les affaires s’étant écroulées du jour au lendemain, les évènements annulés et les entreprises essorées, Carlo Arendt a commencé à diminuer les frais et annuler la vingtaine de cartes grises correspondant aux remorques et véhicules nécessaires pour les ballons. Il n’a conservé que le strict nécessaire et mis tout le reste en stand-by. «J’ai même vendu mon dirigeable», avoue-t-il, heureux d’avoir trouvé un passionné pour lui racheter. Dans sa grande diversité, en plein confinement, il a fait un transport de moutons d’Altwies à Méribel avec tous les papiers et certificats en règle. Oui, parce que Carlo Arendt a aussi un petit élevage de moutons.
Puis il y a la salle du moulin, bien sûr, le joyau du domaine, dont il stoppe la location en décembre prochain pour la transformer en espace de bureaux. Pour faire la fête, restent les extérieurs et le grand chapiteau sur la rive droite, côté français.
Parce que la fête continue. Elle offre des airs très différents et Carlo Arendt, s’il a dû annuler de nombreux mariages, a su convaincre quelques couples de faire la noce dès 10 h et jusqu’à 18 h (il tombe sous la catégorie Horeca). «On organise une chouette garden-party avec les enfants qui peuvent s’éclater sur le terrain et au moins, même en plus petit comité, on peut faire la fête avec ses amis proches et sa famille, ça fait du bien», témoigne Carlo Arendt, même dans le respect des règles sanitaires.
Malgré tout, il a dû annuler 25 mariages qui avaient été reportés à deux reprises déjà. Il en a sauvé quelques-uns. Il peut aussi compter sur les classes vertes, les maisons relais qui viennent profiter de son parcours aventure sur le domaine et des petits anniversaires pour enfants.
«Je m’arrange pour avoir des petites rentrées permanentes, sinon j’aurais déjà fait faillite», conclut celui qui fait désormais tourner la boutique tout seul, à un an de la retraite, avec un salarié qui l’épaule pour l’entretien de la propriété.
Geneviève Montaigu
Pas de guinguette en France
La curiosité du moulin d’Altwies est de chevaucher deux pays, le Luxembourg et la France. En septembre dernier, Carlo Arendt avait pu accueillir trois mariages dans le respect des règles sanitaires. Les invités qui n’étaient pas assis n’étaient pas servis, tout simplement. Le plus dur, sans doute, fut l’interdiction de danser. Sans trop y croire, Carlo Arendt qui dispose d’une grande tente sur la rive droite, côté français, avait sollicité une autorisation de la préfecture pour y faire danser ses convives, la sono restant côté luxembourgeois. La réponse fut négative, sans surprise, mais l’anecdote fait encore sourire le chef d’entreprise.
«Nous avons eu des demandes pour organiser des petites fêtes et tout s’est déroulé dans les règles de l’art, mais j’ai aussi accueilli des groupes qui n’avaient pas compris les contraintes. Trop nombreux, sans masques, j’ai tout stoppé et j’ai annulé les 4 prochains week-ends qu’ils avaient réservés en résiliant le contrat», ajoute-t-il intraitable.
Les fêtes et les rencontres restent possibles, dans un tel espace, mais pour les entreprises, il est visiblement encore trop tôt.