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«Au Luxembourg, on produit parmi les meilleurs pinots au monde !»


Bernd Karl (à doite) est ici en compagnie du viticulteur Roger Demuth, vice-président de Vinsmoselle. (Photo : Erwan Nonet)

Bernd Karl est le directeur technique de Vinsmoselle. Alors que la fin des vendanges est prévue pour cette semaine, il explique son travail et donne sa vision du vin.

Lorsque l’on chapeaute l’ensemble des cuvées de Vinsmoselle, on a forcément une vision très large et très précise du vignoble luxembourgeois. Les remarques de Bernd Karl concernant son travail à la coopérative et, plus généralement, l’évolution de la viticulture luxembourgeoise sont toujours pertinentes.

Vous êtes le directeur technique de Vinsmoselle. Depuis combien de temps travaillez-vous pour la coopérative?

Bernd Karl : Cela fera vingt ans cette année, je devrais recevoir la montre en or!

Comment êtes-vous entré dans le monde du vin?

Mon grand-père était vigneron en Allemagne. Mon père avait un travail à côté, mais il cultive toujours un peu de vigne. Moi, je me suis destiné assez vite à cette carrière. J’ai étudié la vigne et le vin à Geisenheim, puis j’ai travaillé chez un vigneron en Allemagne avant de rejoindre Vinsmoselle.

Comment s’est passée votre arrivée ici?

J’avais 27 ans lorsque je suis arrivé au poste de vice-chef de cave de Wellenstein. À l’époque, mon plan de carrière était tout tracé : je devais prendre la succession du chef de cave qui était censé partir à la retraite. Mais il est resté plus longtemps que prévu! J’ai donc été chargé de surveiller le soutirage dans chacune des caves de Vinsmoselle, puis on m’a nommé directeur technique. J’étais plus jeune que tous les chefs de cave! Heureusement, maintenant, c’est Charlène (NDLR : Muller, chef de cave à Grevenmacher) la cadette!

Cette période des vendanges est-elle la plus compliquée pour vous?

C’est vrai que je dois courir dans les vignes pour vérifier les raisins et dans les caves pour suivre les premières étapes de la vinification. Les journées sont longues mais passionnantes. Une année ne ressemble jamais à l’autre, il faut être attentif à tout. Par exemple, je viens de voir une parcelle de riesling absolument mûre. C’est tôt et c’est la première fois que l’on constate cette précocité à cet endroit… Parfois, la vigne, c’est très bizarre!

Votre travail implique de travailler avec l’ensemble de la production. Comment se passe cette coopération?

Elle est positive. Ce que j’apprécie, c’est de partager avec des collègues qui n’ont pas la même formation que moi. Chez Vinsmoselle, on fait en sorte que les « Français » et les « Allemands » travaillent ensemble et c’est très intéressant.

Qu’est-ce qui fait la différence entre les deux nationalités?

Ceux qui ont suivi une formation à l’allemande sont très forts sur le côté technique. Demandez-leur des détails sur n’importe quel type de filtre : vous saurez tout! Les Français, eux, maîtrisent plus la chimie et la dégustation. Un Français peut toujours parler d’un vin, pour les Allemands, c’est plus compliqué! L’alliance des deux est très judicieuse!

On évoque toujours la hausse qualitative de ces dernières années. Depuis 20 ans que vous travaillez ici, comment la ressentez-vous?

Elle est indéniable. Personne ne boirait aujourd’hui l’elbling très sec que l’on proposait alors! En vingt ans, tant dans la cave que dans la vigne, il y a eu beaucoup de progrès. Ce qui est intéressant, c’est que cette démarche a été motivée par tout le monde : des producteurs aux consommateurs.

Les viticulteurs qui vous fournissent le raisin travaillent-ils différemment d’il y a 20 ans?

Bien sûr. Les conseiller est d’ailleurs une partie très intéressante du travail. Avec Harry (NDLR : Harald Beck, conseiller viti-vinicole), nous allons dans les vignes et proposons de nouvelles solutions. Elles sont souvent appliquées, parce que les résultats sont visibles. Quand un vigneron sceptique sur une nouvelle façon de faire remarque les résultats de cette méthode dans les vignes de son voisin, il s’y met à son tour! Puisque les vignerons ont des primes sur la qualité du raisin (NDLR : notamment sur leur taux de sucre), ils ont tout intérêt à fournir de beaux raisins.

Comment expliquez-vous, alors, le relatif anonymat des vins luxembourgeois à l’étranger?

Pour moi, si les vins d’ici ne sont pas davantage connus, c’est surtout un problème de marketing. Regardez, en ce moment, personne ne s’en occupe (NDLR : la Commission de promotion des vins et crémants est en stand-bye)… Ce qui est certain, c’est que les vignerons, eux, font leur travail. Au Luxembourg, on produit parmi les meilleurs pinots au monde!

Qui plus est, contrairement à ce que pensent beaucoup de consommateurs, le rapport qualité-prix des vins luxembourgeois est très intéressant…

Complètement. Les prix ne s’envolent jamais. Même les très grands vins dépassent rarement les 20 euros. Lorsque c’est le cas, les gens se disent : « Quoi! 20 euros pour un vin luxembourgeois, vous êtes fous? ». Ils ont tort. Lorsqu’on fait goûter ces mêmes vins à des producteurs ou des marchands à l’étranger, ils nous disent que nous sommes fous de proposer de telles bouteilles à moins de 20 euros…

Vous êtes originaire d’une famille de vigneron, mais à Vinsmoselle vous ne vous occupez pas de vos propres vignes. Est-ce que cela vous manque?

Aujourd’hui, je n’aurais pas le temps de m’occuper d’un domaine. Mais des amis m’ont offert une parcelle plantée de vieux riesling en Allemagne, ce qui me permet de garder la main. Faire plus, je ne pourrais pas. En plus, je suis chasseur. Et c’est une passion qui prend aussi beaucoup de temps!

Entretien avec notre journaliste Erwan Nonet