Après quinze ans d’existence, la patronne du restaurant T’Scheier va tirer le rideau, lassée par les lourdeurs administratives et réglementaires.
C’est une page qui se tourne à Aspelt, dans la commune de Frisange, avec l’annonce de la fermeture du restaurant T’Scheier qui occupe un bâtiment du XVIIIe siècle situé en face du château du village et qui a connu plusieurs vies.
Sa première occupation a été une forge, puis une ferme, une discothèque et enfin un restaurant alliant cuisine française et salle événementielle. «À la fin du mois d’octobre, nous accueillons un mariage. Ce sera le dernier service», concède Pascale Schmit, la gérante mais également la fondatrice du lieu dont les murs appartiennent à sa famille depuis toujours.
«Aujourd’hui, l’ambiance dans la restauration a changé. Il y a moins de repas en famille et quand c’est le cas, c’est parce qu’il y a une fête qui force la sortie. Au restaurant, les gens semblent faire la gueule, si je peux dire. L’exemple qui me vient en tête, c’est la dernière Saint-Valentin, où la plupart des couples ont passé plus de temps sur les portables qu’à discuter et partager un bon moment ensemble», s’attriste Pascale Schmit en expliquant les raisons de la fermeture du restaurant.
Pas de simplification administrative
Outre ce constat, la patronne du T’Scheier semble amère par rapport à l’ambiance dans le secteur de la restauration et, plus largement, dans le pays. «L’environnement économique et social n’est plus propice à ce type d’exploitation. On a l’impression que l’on ne veut plus voir de petites structures ni de petits commerces. Les lois nationales et les directives européennes mettent les PME en difficulté, il y a également la surcharge fiscale pour les PME par rapport aux « géants ».
La politique nationale est toujours plus défavorable vis-à-vis des petits, comme lorsqu’il a été décidé d’augmenter le salaire minimum par exemple. Ou encore avec la réglementation qui change constamment et qui oblige à investir toujours plus, notamment en termes d’hygiène. Enfin, il y a aussi la simplification administrative dont on parle tant et que je n’ai jamais vue», peste Pascale Schmit, visiblement décidée à tourner la page de cette affaire familiale d’une capacité de 250 couverts et qui emploie 13 personnes.
Une situation qui ne semble pas être unique au Luxembourg aux dires de François Koepp, le secrétaire général de l’Horesca : «Chaque année, plus de 300 établissements ferment pour les mêmes raisons. Nous le disons régulièrement, le poids administratif, fiscal et réglementaire n’aide vraiment pas les professionnels du secteur.»
Aujourd’hui, l’avenir semble flou même si la patronne du T’Scheier assure «avoir quelques idées en tête».
Mais pour le lieu, c’est une tout autre histoire. «Je ne vois pas de repreneurs et je n’ai pas envie, actuellement, de passer le relais à un jeune car je sais qu’il va galérer et être confronté aux mêmes problèmes. Pour le moment, je ne sais pas trop si je vais vendre les murs ou non», souligne Pascale Schmit.
Dès lors, il faut espérer ne pas voir disparaître l’ancienne forge pour laisser la place, par exemple, à un complexe résidentiel. «Cela ferait sans doute plaisir à certains dans le village», soupire la patronne.
Dommage pour le village
Il faut dire qu’en 2004, alors que l’établissement était une discothèque avec une autorisation de nuits blanches, cela avait un peu fait grincer des dents dans les rues de ce petit village coincé entre Frisange et Mondorf. «Effectivement, il y avait des mécontents. Mais j’avais proposé à la commune de transformer un terrain tout proche, et appartenant à ma famille, en parking pour justement éviter que les clients se garent n’importe où dans le village.
Mais l’autorisation a pris beaucoup trop de temps et quand nous avons construit le parking, le mal était fait. Puis, au bout de deux ans, la commune nous a enlevé les nuits blanches et nous avons changé le concept pour créer un restaurant pouvant également accueillir des événements festifs», confie Pascale Schmit en pointant le peu de soutien de l’équipe communale de l’époque dirigée par Gast Gibéryen, aujourd’hui député ADR.
Du côté du bourgmestre actuel, Roger Bissel, l’annonce est une mauvaise nouvelle. «Même si je n’ai pas beaucoup de détails sur la fermeture du restaurant, je trouve que c’est vraiment dommage de le voir fermer. Situé au cœur du village d’Aspelt et en face du château, avec un très beau cadre, ce restaurant était apprécié. D’ailleurs, nous y avons célébré la fête de fin d’année de l’équipe communale», confie Roger Bissel. Avant de rassurer : «Le bâtiment est classé et, avec le château à proximité directe, il n’y a aucune chance de le voir détruit pour y construire une résidence et des appartements.»
Avec cette fermeture, c’est donc un commerce de moins dans une commune qui est encore trop souvent vue comme un simple carrefour où les frontaliers s’arrêtent pour faire le plein de carburant. Mais, au-delà de cette fermeture, le témoignage de Pascale Schmit montre que l’entrepreneuriat et la restauration ne sont pas une sinécure pour les plus petites structures au Luxembourg, même s’il y a encore de nombreux restaurants situés dans les villages.
«C’est dommage. Sans y être toutes les semaines, aller au restaurant à pied dans son village était quand même très agréable. En plus, on y mangeait très bien», témoigne une habitante. Cette dernière devra désormais se tourner vers les trois autres restaurants du village d’Aspelt.
Jeremy Zabatta
Eh bien voilà une excellente nouvelle.