Il n’y a pas de doute. Inauguré le 22 juillet dernier, l’ascenseur panoramique reliant la rue du Pont au parc Pescatore est un attrait supplémentaire pour le Pfaffenthal. Premières impressions récoltées à son pied, un mois après l’ouverture.
Textes : Fabienne Armborst / photos : Julien Garroy
« C’est une nouvelle bouffée d’oxygène pour le quartier », se réjouit Jean-André Stammet, président du Syndicat d’intérêts locaux Pfaffenthal-Siechenhof (SILPS). Un bon mois après l’ouverture de l’ascenseur panoramique, il tire un bilan positif. «Il y a énormément de Luxembourgeois, touristes et badauds qui descendent pour admirer l’ascenseur, cette merveille technique.»
Encaissé entre les plateaux de la Ville-Haute et du Kirchberg, le Pfaffenthal dispose désormais d’une ouverture vers l’ouest. «Auparavant, c’était difficile de se rendre par les petites portes et les rues étroites en ville. Les liaisons avec le bus étaient mauvaises. On avait besoin de plus de 30 minutes pour faire les 100 mètres à vol d’oiseau vers le centre, car le bus passait par la gare, se remémore-t-il. Ou bien il fallait descendre jusqu’à Clausen et attendre sa correspondance.» Un avis que partage Micilde rencontrée en début de semaine en bas de l’ascenseur. «C’est pratique. Désormais, je suis en ville en dix minutes», témoigne cette habitante du Pfaffenthal avec son pack d’eau et sac de courses sous le bras.
Quelques instants plus tard, c’est Martin qui débarque à vélo pour rejoindre l’ascenseur. «Je me rends au Kirchberg. Grâce à l’ascenseur, je ne dois pas grimper la côte, explique cet employé d’Amazon travaillant à Clausen. Et je n’arrive pas en sueur à mon rendez-vous. Avec l’arrivée du funiculaire l’an prochain, cela sera encore plus pratique.»
«Jamais vu autant de monde dans le quartier»
«L’ascenseur est une bonne chose. Il permet de désenclaver le Pfaffenthal. Désormais je peux venir au travail à vélo, enchaîne Annick qui travaille dans un bureau d’architectes au Pfaffenthal. Depuis qu’on a l’ascenseur, entre collègues on monte aussi plus souvent en Ville pendant la pause de midi.»
«À la fois les résidents et les touristes apprécient ce désenclavement du quartier qui sombrait un peu dans un sommeil profond», récapitule Jean-André Stammet. «Nous n’avons encore jamais vu autant de monde dans le quartier. Le quartier a toujours été un peu délaissé à cause de sa réputation. Nous sommes contents que les gens remarquent que le quartier n’a pas mérité cette réputation», témoigne Sophie qui y habite depuis douze ans. Mais pour cette habitante du Pfaffenthal, difficile de dire à l’heure actuelle si la construction de l’ascenseur n’apporte que du positif. «Nous étions contents, car au Pfaffenthal régnait un peu l’ambiance d’un village. Avec l’ascenseur cela a un peu changé», poursuit-elle avant d’ajouter : «À voir si après les vacances, il y aura encore autant de monde.» «C’est avant tout le week-end que les gens affluent et aussi le soir vers 19h», confirme le gardien de l’ascenseur.
Aussi les cafés et restaurants ressentent l’ouverture de l’ascenseur. «Il y a plus de monde, le midi comme le soir», nous affirme-t-on du côté de la Madeira Stuff située rue du Pont. Même son de cloche chez Bei de Bouwen qui propose de la cuisine luxembourgeoise. «Depuis l’arrivée de l’ascenseur, on affiche complet le midi. Il y a beaucoup de monde qui travaille en Ville qui descend pour le menu du jour», affirme l’un des gérants. Aussi un peu plus loin au Café Théiwesbuer, on a le sourire : «Il y a un léger changement. À la longue, cela pourrait porter ses fruits.»
C’est le nombre de kilomètres que l’ascenseur panoramique du Pfaffenthal a parcourus le premier mois, selon son architecte. Ce qui correspond à un total de 47 000 courses.
«Nous voulons rester un quartier résidentiel»
Le Pfaffenthal compte toute une série de monuments, vestiges et curiosités. La porte des Bons-Malades construite par Vauban reliée au Béinchen renferme ainsi une présentation audiovisuelle sur la vie et les métiers d’antan.
Situé en face de l’église, le Kneipp-Bad constitue une nouvelle attraction. Ce lieu de rencontre au bord de l’eau a été inauguré le même week-end que l’ascenseur. «Les gens peuvent prendre un bain de pieds. Avec les températures qu’il y a eu, le Kneipp-Bad était plein à craquer du matin jusqu’au soir», soulève Jean-André Stammet. Mais il prévient : «Il n’y a pas de vie nocturne ici. Ce n’est pas ce que nous voulons. Nous voulons rester un quartier résidentiel. Nous espérons que cela nous réussisse. Mais comme c’est un secteur protégé, il n’y a pas beaucoup de possibilités de construction», conclut-il.
Une chose est sûre : avec l’ascenseur, le quartier vient d’entamer une nouvelle ère. Mais ce n’est pas fini. L’ouverture de l’arrêt Pfaffenthal-Kirchberg situé en dessous du pont rouge est prévue pour décembre 2017. Le funiculaire CFL permettra de rejoindre le plateau du Kirchberg sans passer par la Ville-Haute.
« C’était un quartier vivant »
Avec les villes basses du Grund et de Clausen, le Pfaffenthal forme le quartier le plus ancien de la Ville de Luxembourg. Au 31 décembre 2015, le quartier du Pfaffenthal comptait 1 137 habitants. Avant le démantèlement de la forteresse au XIXe siècle, le quartier était plus peuplé.
«C’était un quartier vivant», rappelle le président du Syndicat d’intérêts locaux Pfaffenthal-Siechenhof (SILPS) «Il y avait des petites industries, des petits artisans, de bons artisans… Le Grand-Duc faisait faire ses pantalons ici.» Lors du démantèlement des remparts, de nombreux terrains sont apparus sur le marché. «Beaucoup de gens aisés du Pfaffenthal sont montés habiter en Ville. Ils y ont acheté des terrains et construit des maisons», poursuit-il.
Dans les mêmes années, ce faubourg perd son caractère de porte d’entrée à la Ville à la suite de l’ouverture de la nouvelle voie d’accès à la Ville-Haute, la côte d’Eich. Avec l’industrialisation, les activités commerciales et artisanales disparaissent au fur et à mesure et le quartier se retourne de plus en plus sur lui-même, n’attirant plus beaucoup de visiteurs. «Toutes les petites entreprises artisanales ont dû fermer. Le quartier s’est appauvri, les gens sont partis. Les maisons étant vides, des gens ont été attirés. Ceux-ci ont ensuite apporté la mauvaise réputation du quartier à la fin du XIXe siècle au début du XXe siècle. C’est alors que le quartier devient insalubre. Dans les années 1920, les maisons insalubres ont en grande partie été démolies. C’étaient malheureusement des endroits très pittoresques.»
À la suite de l’explosion accidentelle le 30 mai 1976, le Pfaffenthal perd à nouveau des habitants. L’accident cause la mort à trois personnes, en blesse 20 et laisse 93 sans-abri. Vingt maisons sont complètement détruites. «Le noyau dur des habitants du Pfaffenthal est alors décimé. Plus de 100 ont été réinstallés dans le pays. Ils ne sont plus revenus, car cela a duré dix ans jusqu’à ce que les maisons soient reconstruites. Ce sont finalement devenus des logements sociaux de la Ville de Luxembourg.»
Attention à la fermeture !
En raison de travaux d’ajustement, l’ascenseur du Pfaffenthal sera hors service du lundi 12 au vendredi 16 septembre inclus. «Il n’y a pas d’accrocs particuliers. Après un mois d’utilisation, on complète certains éléments de l’ascenseur», explique l’architecte Nico Steinmetz. Certains ajustements concernant notamment l’étanchéité de la cabine, la ventilation et la climatisation dans la salle des machines seront effectués. Il poursuit : «Schindler n’a jamais fait un truc comme ça. Ils sont super contents du résultat : 47 000 courses. Et il n’y a eu qu’une panne jusqu’ici.»
Un ascenseur a besoin d’une maintenance régulière. Après ces premiers ajustements, il faudra donc s’attendre à ce qu’il soit fermé de temps à autre. «Il pourra arriver qu’il soit fermé pendant une demi-journée. Une fois par mois, il y aura une maintenance. C’est obligatoire», rappelle l’architecte.