Un homme avait le droit de jubiler à l’issue du Concours des crémants de France et du Luxembourg le 7 mai dernier : l’œnologue Arno Bauer, qui travaille pour les domaines Gales, Saint-Martin et Krier Frères, a signé la moitié des médailles du pays : chapeau !
Dès que j’ai lu les résultats, j’ai immédiatement appelé Arno pour le prévenir et le féliciter, sourit Isabelle Gales. On peut dire qu’il a vraiment bien travaillé !» Impossible de contredire la patronne des caves Gales, à Remich : son maître de chai Arno Bauer a fait fort. Quatre cuvées du crémant Gales Héritage (dont un rosé et un millésimé) ont obtenu une médaille d’or et deux autres l’argent. Mieux, les caves Saint-Martin (qui appartiennent à Gales depuis 1984 et dont la vinification incombe au même œnologue) se sont vu attribuer deux médailles d’or pour le crémant Saint-Martin rosé. Encore plus fort, Arno Bauer crée également les vins des caves Krier Frères, dont trois cuvées du crémant Saint-Cunibert et le crémant rosé ont récolté la plus haute distinction. Le compte est bon : cela fait dix médailles d’or, pile la moitié de celles récoltées par les bulles luxembourgeoises. Cela valait bien un coup de fil de sa cheffe !
«C’est mon record, avance sans forfanterie, presque gêné, Arno Bauer. Je me souviens qu’une fois le concours avait lieu à Bordeaux, j’en avais obtenu huit et je trouvais cela déjà exceptionnel… Là, dix, c’est vrai que ça fait beaucoup.» Mais il ne roule pas des mécaniques pour autant. Les maîtres de chai sont souvent des hommes de l’ombre et cette discrétion lui convient très bien. Il insiste d’ailleurs sur le fait que pour obtenir de tels résultats, il faut aussi un peu de chance. «Lorsqu’un crémant est bon, je sais bien que j’ai une chance qu’une des cuvées obtienne une récompense. L’or ou l’argent, après, c’est toujours aléatoire. Dans les dégustations à l’aveugle (NDLR : comme pour ce concours, où toutes les bouteilles sont masquées), cela dépend du jury… Si l’on regoûte exactement les mêmes crémants le lendemain, je ne suis pas sûr que l’on obtiendrait les mêmes résultats.» N’empêche, comme dans toutes les compétitions : c’est la forme du jour qui compte.
Cette réussite est d’autant plus remarquable que les crémants élaborés par Arno Bauer sont produits pour trois marques différentes et portent tous des identités bien distinctes. En dehors de leur maître de chai, ces bulles n’ont aucun point commun. Elles sont produites avec les raisins de chaque entité et toutes les productions sont strictement indépendantes les unes des autres. L’œnologue a donc su ravir les jurés du concours, tout en respectant à la lettre le style de chaque maison.
Que d’or pour le Gales Héritage
Isabelle Gales est ainsi enchantée que toute la gamme des crémants Héritage soit dorée. «Le Gales Héritage brut est notre crémant historique, un des piliers de la maison puisqu’on le produit depuis la création de l’appellation (NDLR : il y a tout juste 30 ans). Il s’agit d’un assemblage typiquement mosellan de riesling, de pinot blanc et d’un peu de chardonnay. Le riesling apporte le fruit et la minéralité, le pinot blanc la finesse et l’élégance : toutes les caractéristiques qui font, à mon avis, un bon crémant !»
Une des caractéristiques de la maison est de donner le temps à ses cuvées de se développer. «Neuf mois sur lies (NDLR : la durée minimale, selon les critères de l’appellation), ce n’est pas assez, assure Isabelle Gales. Plus les crémants attendent et plus ils développent de la finesse et de la complexité. Nous estimons que 24 mois constituent le timing idéal.»
À côté du brut, le Gales Héritage Rosé a également reçu une médaille d’or alors qu’il est une toute jeune référence, le premier étant sorti l’année dernière. Et que dire du millésimé 2015, dont il s’agit du premier millésime sur le marché ? «Nous avions à cœur d’élargir la gamme Héritage et, alors qu’elle sera complète pour la première fois cette année, toutes les bouteilles sont médaillées d’or ! C’est une magnifique reconnaissance de l’excellent travail de toutes nos équipes», se réjouit Isabelle Gales.
Le plébiscite du crémant rosé des Caves Saint-Martin est également très apprécié. «Les rosés fonctionnent très bien lorsque les beaux jours reviennent et ces médailles ne pourront qu’aider à les faire connaître», glisse-t-elle. Accessoirement, on remarquera que l’intégralité des rosés médaillés d’or ont été vinifiés par Arno Bauer (deux Saint-Martin, un Gales et un Krier Frères).
Saint-Cunibert, une success story
Marc Krier (Caves Krier Frères, à Remich) est évidemment ravi du succès obtenu par ses crémants lors du concours. Quatre médailles d’or (trois pour le Saint-Cunibert, une pour le rosé), c’est un joli score. «J’ai arrêté le décompte, mais nous en sommes à plus de 80 médailles depuis la création du Saint-Cunibert», se félicite-t-il. Ce crémant est le fanion de la maison depuis très longtemps. Avant même la création de l’appellation Crémant de Luxembourg, la cuvée de prestige du domaine portait déjà ce nom. «Pour que nos clients qui l’appréciaient ne soient pas perdus avec l’arrivée du crémant, nous avions gardé le nom pour notre haut de gamme», explique Marc Krier.
L’assemblage du brut est constitué de riesling, de pinot blanc, d’auxerrois et de chardonnay, dans des proportions qui varient un peu selon l’année, en fonction des spécificités des vins de base. Comme pour le Gales Héritage, son élevage sur lies dépasse de loin le minimum légal : «Il reste entre 18 et 36 mois sur lattes, explique Marc Krier. Nous mettons les cuvées en vente les unes après les autres, lorsque nous estimons qu’elles sont à leur apogée.» Puisqu’une seule cuvée est disponible au même moment, cela signifie que plusieurs de celles qui viennent d’être médaillées ne seront pas sur le marché tout de suite. «C’est juste, confirme Marc Krier. Nous pensons que certaines ne sont pas encore au top de leur potentiel. Si les jurés les ont déjà trouvées très bonnes, elles seront encore meilleures dans quelques mois.»
C’est une constante, le tableau des médailles du Concours des crémants fait toujours la part belle aux gros faiseurs. Ils produisent davantage de cuvées que les vignerons indépendants qui ont donc, mathématiquement, moins de chance d’être récompensés. Outre Gales, Saint-Martin et Krier Frères, on note que Vinsmoselle (6 médailles, dont 5 d’or), Desom (4 médailles, dont 3 d’or) et Mathes (2 médailles d’or) sont également repartis chargés de louanges.
Que signifie ce constat ? Simplement que le niveau global des crémants de Luxembourg est excellent ! Un grand nombre de bulles produites par les grandes maisons de la Moselle, des cuvées largement diffusées et facilement disponibles, est jugé irréprochable lors de dégustations à l’aveugle. Car on n’obtient pas de médailles d’or avec un crémant défectueux ou simplement passable. Cet enseignement n’est pas nouveau, mais il est toujours aussi pertinent : avec ses cépages, ses sols et ses vignerons, le Luxembourg est un formidable producteur de fines bulles.
Erwan Nonet
Toutes les médailles 2021
Les médailles d’or : Caves Gales (Ellange-Gare), Gales Héritage (deux cuvées); Caves Gales (Ellange-Gare), Gales Héritage millésime 2015; Caves Gales (Ellange-Gare), Gales Héritage rosé; Caves Krier Frères (Remich), Saint Cunibert brut (trois cuvées); Caves Krier Frères (Remich), Pinot noir rosé brut; Domaine Mathes (Wormeldange), Steel brut; Domaine Mathes (Wormeldange), Summum brut; Domaine Vinsmoselle (Remich), Poll Fabaire Cuvée chardonnay; Domaine Vinsmoselle (Remich), Poll Fabaire Cuvée brut (deux cuvées); Domaine Vinsmoselle (Remich), Poll Fabaire Cuvée Pinot blanc brut; Domaine Vinsmoselle (Remich), Poll Fabaire Cuvée blanc brut millésime 2018; Caves Desom (Remich), Cuvée brut Élégance (trois cuvées); Caves Saint-Martin (Remich), Rosé brut (deux cuvées).
Les médailles d’argent : Caves Gales (Ellange-Gare), Gales Héritage (deux cuvées); Domaine viticole Schumacher-Knepper (Wintrange), Alexandre de Musset brut; Caves Desom (Remich), Blanc brut; Domaine Vinsmoselle (Remich), Poll Fabaire Cuvée Pinot noir rosé brut.