Si les abeilles domestiques se portent plutôt bien, il en va autrement de la récolte de miel, inexistante ou presque cette saison.
«Le miel cette année, on l’oublie !». Depuis 30 ans qu’il est apiculteur, Jean-Claude Beck l’assure, il n’a «jamais vu ça». Le froid et la pousse tardive de la végétation qui en a suivi ont eu raison de la production de miel cette année, les abeilles n’ayant pas trouvé de quoi butiner. «Certaines ruches ont même crevé de faim. Nous avons dû leur donner du miel pour compenser. Nous n’avons donc pas eu de récolte au printemps, car le miel dépend complètement de la météo», témoigne le président de la Fédération des unions d’apiculteurs du Grand-Duché de Luxembourg (FUAL).
Déjà l’année dernière, les apiculteurs ont pu observer une sous-production par rapport aux années précédentes. «Dans la région de Mondorf, nous avons en moyenne deux semaines d’avance sur la récolte par rapport au reste du pays. L’année dernière, la récolte a été très mauvaise dans le Sud, surtout pour la région mosellane. Les collègues du nord du pays ont eux eu une très bonne récolte d’été, mais pas non plus une bonne récolte de printemps. Les récoltes sont toujours extrêmement variables.»
Un pur produit du terroir
Une récolte variable en fonction de la météo, mais dont la qualité dépend aussi de la végétation. Comme le rappelle Jean-Paul Beck, «le miel est un pur produit du terroir, il dépend entièrement de la floraison alentour». Une abeille butine en effet jusqu’à environ 3 kilomètres de sa ruche. De fait, chaque miel apporte une saveur différente d’un village à l’autre, d’un apiculteur à l’autre, et même d’une année sur l’autre pour un même apiculteur, puisque le nectar disponible pourra être différent. En fonction de la région, chaque ruche peut apporter habituellement 25 à 30 kg de miel.
Jean-Paul Beck insiste donc sur ce point : c’est la météo qui est responsable de la situation et qui a eu raison de la production de mail cette saison et non les pesticides (comme les néonicotinoïdes), ni même l’ennemi n°1 des abeilles domestiques, le varroa, une espèce d’acarien qui attaque les abeilles mais que les apiculteurs parviennent désormais à éradiquer. «Chaque année, lorsqu’il n’y a plus de nectar dans la nature – grosso modo vers fin août – nous traitons les ruches avec de l’acide formique, un produit naturel qui élimine le varroa», explique Jean-Claude Beck.
«Les pesticides restent bien sûr un problème qui nous concerne tous, mais dans notre monde actuel, tout le monde veut le meilleur au moindre prix, alors je ne vois pas comment on peut faire sans les pesticides. Pourtant, rien ne peut remplacer les abeilles, pas même des robots ! Heureusement, le Luxembourg semble aller sur la bonne voie. Notamment par rapport aux néonicotinoïdes, peut-être parce que nous n’avons pas une agriculture aussi intensive que dans d’autres pays, comme en France par exemple [NDLR : qui a autorisé leur retour temporaire pour aider la filière de la betterave]. Le Luxembourg est même un leader européen en matière de croissance des abeilles.»
Tatiana Salvan
De plus en plus d’apiculteurs
«Notre communauté ne cesse de croître !», se réjouit Jean-Paul Beck, le président de la Fédération des unions d’apiculteurs du Grand-Duché de Luxembourg. De moins de 300 en 2013, le nombre d’apiculteurs dans le pays dépasse aujourd’hui les 500. Quant au nombre de ruches, elles ont plus que doublé, passant de quelque 3 500 à plus de 8 000 cette année.
Il faut dire que les abeilles jouissent d’un capital sympathie auprès de la population, de plus en plus consciente de son importance pour l’environnement. «C’est aussi à la mode d’avoir ses propre ruches !», ajoute Jean-Paul Beck.
Mais la FUAL a aussi œuvré en ce sens. La Fédération a en effet pour rôle de promouvoir les intérêts de l’apiculture, des abeilles et de la commercialisation du miel. Depuis 2013, après une perte de plus de 30% du cheptel, elle s’est mobilisée pour faire de la publicité autour de cette activité et dispense depuis de nombreuses formations. Un conseiller en apiculture a même été engagé (subventionné par le ministère de l’Agriculture), qui est disponible tous les jours pour aider les apiculteurs dans leur tâche qui demande un véritable savoir-faire.
Au Luxembourg, l’immense majorité des apiculteurs sont avant tout des passionnés qui exercent cette activité par loisir. «Nous ne comptons que trois apiculteurs professionnels dont c’est l’activité principale. Ils possèdent entre 600 et 700 ruches. Bien loin des élevages de certains voisins européens, qui comptent parfois plus de 7 000 ruches. L’apiculteur lambda possède ici une dizaine de ruches environ. Avoir des ruches c’est avant tout un plaisir, tout le monde ne veut pas en vivre», résume le président de la FUAL.
T.S