Le centre de soins de la faune sauvage reçoit chaque année énormément d’animaux percutés par des voitures. Que faire en cas d’impact ?
Depuis quelques jours, voire quelques semaines, nombre d’entre nous avons malheureusement croisé un renard, un écureuil ou même un sanglier victime d’un accident de la route. La nature se réveille doucement avec les températures qui s’adoucissent et la vigilance s’impose quand on circule en zone rurale.
Au centre de soins pour la faune sauvage de Dudelange, après la basse saison d’octobre à mars, on se prépare à recevoir de plus en plus de pensionnaires. Dès la mi-mars, les premiers jeunes animaux de l’année risquent d’être amenés. «Nous n’avons pas de chiffres, mais nous savons que le Grand-Duché est un pays très fragmenté par les routes, ce qui oblige les animaux à traverser régulièrement la chaussée, même plusieurs fois par jour, pour se déplacer sur leur territoire», explique Jill Gaasch, la directrice du centre.
La densité des routes d’Europe est parmi les plus élevées au monde. 50% du continent se trouve à moins d’un kilomètre et demi d’une route ou d’une voie de chemin de fer et le Luxembourg est le pays le plus morcelé d’Europe.
Jamais sur la banquette arrière
Pour éviter de percuter un animal, «de manière générale, lorsqu’on traverse une forêt, on réduit sa vitesse pour avoir le temps de réagir en cas de rencontre. On vérifie des deux côtés de la route s’il n’y a pas un animal au bord qui risque de traverser. Et lorsqu’on en voit passer un devant sa voiture, on s’arrête, car beaucoup d’animaux ne sont pas seuls. Par exemple, si un chevreuil traverse, il y a de fortes chances pour qu’un deuxième et un troisième suivent.»
Certains de nos réflexes naturels ne nous aident pas, au contraire : «Si on voit un sanglier, on ralentit, mais mieux vaut maintenir la même direction, car lui aussi va essayer de fuir. En tournant le volant à gauche ou à droite, on a davantage de risques de le percuter. Par contre, on peut klaxonner et éviter les pleins phares qui aveuglent complètement les animaux.»
Si l’accident n’a pas pu être évité : «On favorise toujours sa propre sécurité, surtout avec les grands mammifères», insiste la directrice. Donc si l’on n’est pas «soi-même blessé ou l’un des passagers et que l’animal est mort de façon certaine, on peut mettre sa voiture en travers de la route, avec les feux de détresse et, si c’est possible, déplacer l’animal sur le bas côté afin d’éviter un accident à un autre conducteur». Évidemment, cela est impossible sur l’autoroute.
«S’il y a le moindre doute, on ne prend pas de risque, car même si, par exemple, un renard ne s’en prendra jamais à un humain en temps normal, quand il est apeuré, aux abois, blessé, sans pouvoir s’enfuir, en dernier recours il tentera de mordre. Si on veut le transporter pour nous l’amener, on peut utiliser une épaisse couverture ou une boîte. Pour un chevreuil ou un sanglier, il faut déjà avoir une très grande voiture. Dans tous les cas, même si l’animal est inconscient, il ne faut jamais le placer sur la banquette arrière, mais toujours dans le coffre. S’il se réveillait, il paniquerait et se mettrait à sauter dans tous les sens. Il est interdit d’amener l’animal chez soi et de le soigner soi-même. Si vous ne savez pas quoi faire, appelez-nous.»
Ces gestes ne sont possibles que si l’on s’en sent capable en toute sécurité, mais quoi qu’il en soit, en cas d’impact avec un animal sauvage, la loi grand-ducale impose d’appeler la police. Les forces de l’ordre pourront ensuite contacter un garde forestier, ou on peut déjà le contacter soi-même en regardant sur le site de l’administration de la Nature et des Forêts. Le numéro diffère selon la région dans laquelle on se trouve.
Le changement d’heure responsable d’un carnage
Au-delà de l’obligation légale, il est nécessaire de prévenir les autorités «pour éviter qu’un animal agonise pendant deux jours dans un fossé», précise Jill Gaasch. Malheureusement, certains animaux ne pourront pas être sauvés. «Les chevreuils percutés ont presque toujours des fractures multiples et on ne peut rien faire pour les soigner. Le garde forestier présent sur place peut s’en rendre compte et achever l’animal pour abréger ses souffrances. Contrairement à ce que certains imaginent, c’est un acte qu’ils détestent pratiquer mais qui peut s’avérer nécessaire.»
Le gibier traverse souvent la chaussée au crépuscule ou très tôt le matin, lorsque c’est plus calme. «Il n’est pas bête, il connaît nos habitudes et s’y adapte. D’ailleurs, les deux moments de l’année où nous recevons le plus d’animaux percutés par des voitures, c’est lors des changements d’heure, surtout le premier jour.» Le passage à l’heure d’été aura lieu bientôt, le 27 mars, il sera donc plus que jamais nécessaire de faire attention.
«Nous recevons énormément d’animaux heurtés par des voitures. Pour les chevreuils, c’est même la première cause d’accueil», indique la directrice du centre de Dudelange. «Il s’agit aussi très souvent de rapaces.»
D’après une étude publiée dans Frontiers in Ecology and Environment qui a rassemblé, en 2020, 90 enquêtes menées dans 24 pays, environ 194 millions d’oiseaux et près de 30 millions de mammifères sont tués chaque année sur les routes d’Europe.
Les aléas climatiques impactent les accueils
Février, c’est le mois le plus tranquille de l’année pour le centre de soins de la faune sauvage, le calme avant la tempête. Environ 170 animaux ont été accueillis depuis le 1er janvier 2022. Dès la fin mars, le nombre d’arrivées d’animaux augmente très vite pour atteindre un pic en juin. «Durant la basse saison, nous recevons en moyenne deux ou trois animaux par jour contre cinquante au plus fort de la saison. Nous avons déjà reçu quasiment 80 animaux en une journée», indique la directrice, Jill Gaasch.
Le centre peut percevoir les changements météorologiques au nombre d’animaux qu’il reçoit : des bébés écureuils qui tombent en même temps que l’arbre qui abritait leur nid, des oisillons de martinets qui se laissent eux tomber du nid pour échapper à la chaleur insoutenable sous les toits en cas de canicule ou des animaux déshydratés.
«Nous sommes toujours en train d’adapter les enclos au fil des saisons. On ne reçoit pas les mêmes animaux ou les mêmes types de besoins. Par exemple, le hérisson qui hiberne en hiver n’aura pas besoin de la même installation au retour des beaux jours. Chaque jour est différent.» Un argument qui pourrait séduire un vétérinaire supplémentaire que le centre recherche absolument.
«Nous sommes également à la recherche de bénévoles. Nous dépendons beaucoup d’eux, leur travail est précieux que ce soit pour les soins, faire le taxi des animaux ou même des visites guidées du refuge aux écoliers. Avec le Covid, nous n’avons pas eu d’activité pendant deux ans et perdu beaucoup de bénévoles. Nous avons aussi constamment besoin de dons pour pouvoir fonctionner et, malgré les aides de l’État, nous n’avons pas encore atteint le budget total des travaux d’agrandissement.» Un chantier qui va s’étaler sur deux ans pour ne jamais entraver le travail des soigneurs.
Audrey Libiez