Caritas a présenté mercredi la 15e édition de son almanach social qui dresse le bilan du développement social du pays. Une invitation à réfléchir au Luxembourg que nous voulons après la crise.
C’est l’heure pour Caritas de dresser le bilan de la situation sociale du Luxembourg. La fondation a présenté mercredi son tout dernier almanach social qui a cette année pour thème : «Wéi ee Lëtzebuerg fir muer? Raus aus der Kris – mee wouhin?» (Quel Luxembourg pour demain? Sortir de la crise, mais pour aller où?).
Le Sozialalmanach est publié tous les ans en amont du discours du Premier ministre sur l’état de la Nation (qui serait cette année a priori repoussé à l’automne). Ce document a vocation à servir d’instrument de dialogue avec les décideurs politiques, la société civile et l’économie.
Comme à l’accoutumée, l’annuaire Caritas 2021 se divise en trois parties : une première partie porte sur le contexte national (rétrospective sur le dernier état de la nation et bilan de la politique sociale); une deuxième, sur le thème phare, en l’occurrence le Luxembourg de demain, avec des contributions de rédacteurs nationaux et internationaux; une troisième, enfin, reprend les informations statistiques évoquées tout au long du livre.
Si la crise sanitaire est bien sûr abordée dans le Sozialalmanach 2021, elle n’en est pas l’unique angle, mais elle a indubitablement aggravé certains problèmes déjà préexistants dans le pays. La Fondation et les différents contributeurs ont en effet fait part de propositions qui, pour certaines, reviennent chaque année, pour davantage de justice sociale et résoudre enfin la crise du logement, des situations devenues d’autant plus urgentes depuis la pandémie.
«Des gens qui n’avaient pas de problèmes en ont désormais»
«Ces problématiques reviennent car elles ne sont pas résolues. Au contraire, elles s’aggravent d’année en année, déplore Robert Urbé, rédacteur et coordinateur de l’almanach 2021. Il faut s’attaquer à ces inégalités criantes et faire quelque chose pour la cohésion sociale. Sans parler du logement, où la situation n’est plus tenable. Il convient aussi de rendre plus juste notre système d’imposition. Ce n’est pas normal qu’une personne qui gagne son argent à partir de son travail paye plus d’impôts que celui qui en gagne sur des marchés financiers.»
La pauvreté parfois invisible aux yeux de certains dans ce Luxembourg décrit comme si riche est l’un des points sur lesquels Caritas a en effet particulièrement insisté au cours de cette présentation. «Avec la hotline que nous avons mise en place au début de la pandémie, nous avons recensé 860 personnes concernées par la pauvreté du fait d’une perte de revenus», rappelle Marie-Josée Jacobs, la présidente de Caritas, qui demande donc à l’État de faciliter et étendre l’accès aux épiceries sociales.
«Nous devons encore attendre d’avoir les chiffres pour confirmer de manière certaine une augmentation de la pauvreté. Toutefois, ce que nous avons déjà constaté nous donne une idée sur ce que les statistiques officielles vont révéler. Plus des deux tiers des personnes qui nous ont appelés car elles avaient besoin d’une aide d’urgence n’avaient jusque-là jamais fait aucune demande d’aide de toute leur vie. C’est le signe que des gens qui n’avaient pas de problèmes en ont désormais», complète Robert Urbé.
La crise, l’occasion de repenser les choses
En outre, le gouvernement risque d’exposer encore davantage des familles à des difficultés financières s’il devait supprimer les allocations familiales, notamment pour les enfants de frontaliers ou ceux de citoyens non affiliés à la CNS, prévient Caritas, qui a tenu à alerter sur ce point.
«Lorsque nous avons effectué une distribution de cartables pour les plus précaires, il y avait beaucoup de monde! On ne s’attend pas à ça dans un pays comme le Luxembourg. Il faut par ailleurs augmenter les allocations et mieux les répartir en fonction des revenus. Les familles qui gagnent beaucoup d’argent n’ont pas besoin d’autant d’allocations que des familles précaires!», signale Marie-Josée Jacobs, citant à cet égard la proposition de loi de Marc Spautz qui vise à réintroduire le système d’indexation automatique sur les allocations familiales.
Autant de problématiques sur lesquelles les dirigeants sont appelés à se pencher pour proposer une autre voie pour le pays. «Le ministre des Finances pense qu’il y aura une croissance de 6 %. Il y aura donc une certaine reprise. Le problème est de savoir à qui elle va profiter. Va-t-elle aller dans les poches de quelques-uns ou être répartie avec une plus grande justice?», interroge Robert Urbé.
Le coordinateur de l’almanach 2021 poursuit : «Comment va-t-on sortir de cette crise? Va-t-on faire comme avant ou allons-nous repenser certaines choses, comme la manière dont nous traitons les frontaliers, la manière dont nous produisons et consommons, à partir de chaînes d’approvisionnement mondiales incertaines et pas sécurisées, sur le dos des autres, sans respect des droits humains?»
Pour Caritas, la question est purement rhétorique : «Utilisons déjà la gestion de la crise et surtout la sortie de la crise en jetant ces jalons d’un monde nouveau, d’un monde meilleur!»
Tatiana Salvan
« De généreux donateurs »
Au cours de la présentation de l’almanach social 2021, Marie-Josée Jacobs a tenu à remercier une nouvelle fois les donateurs (privés ou non) pour leurs contributions sans lesquelles toutes les actions que mène Caritas seraient impossibles à mettre en place.
Malgré la crise, les Luxembourgeois se sont en effet montrés très généreux en 2020, surtout pour financer des actions au niveau national, témoigne la présidente de Caritas : «Après notre appel, nous avons reçu beaucoup plus d’argent pour le Luxembourg que les années précédentes. Par contre, nous en avons reçu moins pour la coopération internationale…»