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Abandon du glyphosate : les vignerons comptent aller plus loin


"Nous avons la volonté de faire avancer les choses et nous n'avons pas attendu les décisions des politiques : il faut aussi se responsabiliser !", estime Guy Krier (polo noir). (archives Erwan Nonet)

Guy Krier, vice-président des vignerons indépendants, est à la tête du plus gros domaine bio du pays. Il se réjouit que toute la Moselle abandonne le glyphosate, en marge de l’annonce du Luxembourg d’interdire cet herbicide à fin 2020.

On imagine votre satisfaction à l’annonce de Romain Schneider d’exclure le glyphosate des vignes. D’autant que toute la Moselle est d’accord.

Guy Krier (domaine Krier-Welbes) : Évidemment, il s’agit d’une décision très positive ! D’autant que, maintenant, nous avons tout ce qu’il faut pour désherber sans glyphosate ni autres engrais chimiques, même dans les vignes très en pente. Les nouvelles machines sont très efficaces (NDLR : équipées de brosses rotatives, elles permettent de faucher les herbes sans l’apport d’aucun produit phytosanitaire).

Justement, une des critiques que l’on entend souvent consiste à dire que ces machines nécessitent davantage de passages en tracteur et, donc, davantage d’émissions de CO2 dans l’atmosphère

Je l’entends également, mais c’est complètement faux! Au cours d’une année normale, il faut passer deux fois avec ces nouvelles machines, au printemps puis en août. Pas plus. Lors des deux dernières années, je ne suis même passé qu’une seule fois puisque le temps était sec. Mais si l’on veut désherber au glyphosate, il faut également passer deux fois avec le tracteur ! Cet argument ne pourrait être valable qu’en cas d’année chaude et humide, avec une forte croissance de la végétation. Et encore, ce serait pour un passage supplémentaire. Beaucoup de choses fausses sont dites et écrites à ce sujet.

Pour vous, qui travaillez en bio, l’interdiction du glyphosate est-elle suffisante ou est-ce que la Moselle aurait la possibilité d’aller plus loin encore ?

Pour l’instant, il n’est question que du glyphosate, mais il existe beaucoup d’autres herbicides tout aussi nocifs, voire davantage, qui restent autorisés. Le glyphosate est le plus utilisé, donc le bannir est une très bonne chose, mais une interdiction totale des herbicides serait préférable, bien sûr. D’ailleurs, au sein du comité des vignerons indépendants, nous comptons aller plus loin que l’interdiction du glyphosate et inciter tous les vignerons membres à sortir des herbicides. La quasi-totalité du comité travaille déjà sans herbicide et trois quarts de tous les indépendants n’en utilisent plus. Ce n’est pas qu’une question de bio, mais la prise de conscience que ces produits nuisent à la terre en détruisant les micro-organismes qui la font vivre. Il s’agit d’une décision pragmatique : sans herbicides, les vins sont meilleurs.

Mais les machines pour désherber coûtent cher, entre 10 000 et 14 000 euros pièce. Comment faire pour les vignerons modestes qui ne pourront pas investir immédiatement ?

Comme pour tous les travaux de la vigne, il existe des prestataires qui peuvent effectuer ces prestations. Et puis, entre collègues, on trouve toujours un moyen de s’arranger. Moi, par exemple, j’ai donné un coup de main l’année dernière à mon cousin Jean-Paul (NDLR : Krier, du domaine Krier-Bisenius) qui attendait la livraison de sa machine.

Les vignerons indépendants avaient présenté ces nouveaux appareils il y a deux ans déjà. Vous aviez pris de l’avance !

Nous avons la volonté de faire avancer les choses et nous n’avons pas attendu les décisions des politiques : il faut aussi se responsabiliser ! Les premières machines ont été achetées avant même que le système de subvention soit mis en place. Mais je dois dire que le ministre a été très coopératif.

Avez-vous le sentiment de montrer l’exemple à l’agriculture, dans sa globalité ?

Soyons honnêtes, pour nous c’est plus facile. Nous vendons un produit de luxe qui se vend à un autre prix que le lait, par exemple. Nous sommes le secteur de l’agriculture qui se finance le mieux parce que le prix des vins de haute qualité ne dépend pas du marché mondial. Il est logique et normal que nous montrions l’exemple, puisque nous avons plus de possibilités d’investissement.

Recueilli par notre collaborateur Erwan Nonet