Le long du contournement de Schieren, juste avant l’entrée dans Ettelbruck, une villa romaine est en cours de fouille. Les archéologues ont découvert à l’intérieur de magnifiques fresques murales. Une demi-douzaine de personnages ailés peints sur les murs d’une des pièces de la partie noble de la villa ont déjà été mis au jour.
Le sous-sol du Grand-Duché est riche, toutes les fouilles archéologiques récentes le prouvent, qu’elles aient lieu dans la capitale ou aux quatre coins du pays. En ce moment, c’est à Schieren que l’actualité est la plus brûlante.
Cela fait déjà longtemps que l’on connaît l’existence d’une implantation romaine sur le coteau du Wieschen. « Dès le milieu du XIX e siècle, le baron Blockhausen, qui habitait le château de Birtrange, juste de l’autre côté de l’Alzette, avait creusé quelques trous pour chercher des vestiges finalement assez peu nombreux et peu impressionnants », explique Véronique Biver-Stead, l’archéologue en charge du chantier.
Lorsque, au début des années 1990, il a été question de construire le contournement de Schieren (la route B7), des fouilles ont été menées par l’archéologue des Ponts et Chaussées. Une partie des bains romains et des bâtiments annexes de la vallée a alors été étudiée.
Plus tard, entre 2007 et 2012, les archéologues du Centre national de recherche archéologique (CNRA) se sont remis au travail étant donné qu’un lotissement était en planification à l’ouest de la B7. Là encore, une dizaine de petits bâtiments, dont les utilisations sont encore incertaines, sont mis au jour. Pêle-mêle, on y a trouvé des tombes, des trous de poteaux inclinés (des supports de silos?), un atelier, un bassin monolithique sur une cuve en bois (utilisé pour la vinification?), des fosses dont l’une contenait une feuille de plomb roulé portant vraisemblablement l’inscription d’une malédiction…
Des dimensions impressionnantes
Un bond en avant dans l’étude du site a été effectué à partir de 2013, lorsque les Ponts et Chaussées ont prévenu le CNRA qu’ils envisageaient, à terme, d’élargir la B7. Cette fois, il ne suffisait plus de fouiller les bâtiments annexes (la pars rustica , partie rurale du domaine), mais la villa en elle-même (la pars urbana) puisque la route élargie devrait mordre sur l’aile nord de la villa.
Le plan de cette maison antique est vite repéré. Il s’avère que ses dimensions sont impressionnantes. « La villa a la forme d’un U de 110 mètres de long sur 40 mètres de large. Son implantation est relativement inhabituelle, car elle est construite sur une forte pente de 12 % », précise l’archéologue. Le dénivelé de près de 6 mètres a imposé de concevoir des fondations en paliers. La villa s’ouvre sur la vallée de l’Alzette, les bâtiments annexes filant en ligne dans l’axe des branches du U, vers la rivière.
Cela pose la question de l’accessibilité : l’Alzette était-elle alors navigable? La voie romaine est-elle l’ancêtre de l’actuelle N7, ce qui est probable mais pas démontré? « C’était une voie secondaire et elles sont encore mal connues », regrette Véronique Biver-Stead.
Malgré la découverte de quelques beaux objets comme un gobelet de verre noir ou une bague de fer portant une intaille de cornaline représentant le dieu Mars Ultor (vengeur), les vestiges n’ont pas encore offert d’artefacts exceptionnels. À Schieren – pour l’instant du moins – ce ne sont pas les objets qui sont spectaculaires : ce sont les murs.
Des stucs arborant fleurs et oiseaux
En novembre 2014, un sondage de deux mètres sur deux a été lancé dans une des pièces de la villa. Avec son chauffage au sol, elle était assurément confortable. Sur les murs, des tubuli (briques creuses tubulaires) permettaient de diffuser la chaleur. Le savoir-faire et le savoir-vivre de la classe aisée romaine n’est plus à démontrer, son goût pour l’art non plus. En poursuivant leurs investigations, les archéologues sont tombés sur une nouvelle fresque, d’une qualité exceptionnelle.
Sur ces tubuli , apposés sur un mortier assez grossier, de magnifiques scènes ont été peintes. Et malgré l’âge vénérable de ces scènes, les couleurs resplendissent encore aujourd’hui. Compte tenu de leur caractère très fragile, surtout à l’air libre, le CNRA a fait appel aux spécialistes du Centre d’étude pour la peinture murale romaine de Soissons (France) pour les prélever, puis les restaurer. « Jusqu’à présent, nous avons cinq ou six personnages ailés (NDLR : que l’on appelle des Amours) et un grand personnage », révèle l’archéologue.
Des frises en stuc, également peintes, surplombent ces scènes. Elles portent des décors floraux et des oiseaux admirablement représentés.
Aujourd’hui, cette première fenêtre ouverte sur l’intérieur de la villa romaine est spectaculaire… et la pièce en question n’est pas encore complètement fouillée! « Potentiellement, on pourrait avoir une soixantaine de mètres carrés de fresques, sans compter le plafond », se prend à rêver Véronique Biver-Stead. À Schieren, finalement, le travail ne fait que commencer et la suite de la fouille de la pars urbana s’annonce tout aussi passionnante que ces sensationnels débuts.
Erwan Nonet
Luxembourg la romaine
La villa de Schieren est loin d’être seule au Grand-Duché. Les exemples de villas axiales à pavillons multiples sont même plutôt nombreux. Il suffit de parcourir une dizaine de kilomètres vers l’ouest pour se retrouver à Vichten où, en plus de la célèbre mosaïque, de très belles fresques ont également été découvertes. À une distance équivalente, mais vers le nord-est, une autre villa a été découverte à Diekirch. Ses vestiges sont enfouis sous le centre-ville.
La villa romaine d’Echternach porte également des caractéristiques architecturales similaires à celle de Schieren. Enfin, bien plus récemment, la villa mise au jour dans la zone commerciale du Bourmicht, à Bertrange (près du magasin Hornbach), est comparable. Ce qui paraît certain, donc, c’est qu’au fur et à mesure de l’expansion des villes, de nouvelles découvertes sont à prévoir.