Romeo Scanzano est le propriétaire d’un petit salon de coiffure à Gasperich depuis 25 ans. Il travaillait sans rendez-vous, ce qui n’est plus possible aujourd’hui. Comme tant d’autres choses.
C’est un petit salon de quartier planté en plein milieu de Gasperich, rue Gutenberg. «Je suis un peu comme le curé au milieu du village, le commerçant le plus ancien du quartier», explique Romeo Scanzano, non sans humour. Le coiffeur y officie depuis 25 ans et s’apprête à reprendre du service comme on se dirige vers l’inconnu. «En ce qui me concerne je repars de zéro. Je n’ai jamais travaillé sur rendez-vous, ici les gens avaient leurs habitudes que je connaissais. Maintenant, il faut que je me réorganise», poursuit-il.
Il reconnaît s’être installé dans une zone de confort au fil des ans. «C’était la routine, je savais qui allait venir vers quelle heure, tout était bien huilé et j’étais sur le point d’engager une nouvelle coiffeuse que j’ai dû rappeler pour lui annoncer une mauvaise nouvelle», regrette profondément le patron-coiffeur. Impossible pour lui dans ces conditions de reprise incertaines de prendre un salarié supplémentaire.
«Heureusement, le carnet pour la semaine de reprise est déjà plein c’est encourageant», ajoute Romeo. Il avait mis un répondeur à la disposition de ses clients qu’il a rappelés pour fixer avec eux les rendez-vous. «Finalement, ça s’est fait comme un automatisme», dit-il. «Il n‘y a que mes clientes qui résident en maison de retraite qui ne savaient pas si elles auraient l’autorisation de venir au salon. Elles ont pris rendez-vous mais sans conviction.»
4 personnes au lieu de 15 désormais
Évidemment, il a fallu faire des aménagements et garder en tête les gestes barrières. «Pendant le confinement, j’ai repeint mon salon moi-même pour passer le temps», raconte le coiffeur, propriétaire de son local commercial. Il dispose de sept places et va essayer dorénavant de placer 3 à 4 clients. «Bon, je suis équipé en gel hydroalcoolique, j’ai enlevé tous les illustrés, je ne sers plus de café, plus de verre d’eau, les clients n’ont plus le droit de laisser leur téléphone portable sur les bancs de travail, bref c’est une nouvelle aventure qui commence», résume Romeo Scanzano.
Il n’a pas mis de plexiglas entre ses bacs de lavage, il préfère sacrifier une place pour laisser la distance requise. «J’ai aussi fait disparaître la salle d’attente, un espace qui devient inutile puisque tout se fait sur rendez-vous. Donc je pense qu’au niveau des distances je suis bon», juge-t-il après avoir repensé l’aménagement de son salon qui pouvait accueillir une quinzaine de personnes avant la crise sanitaire. «Je pense que demain on sera à quatre maximum, je ne sais pas trop encore, on verra comment cela va se passer», déclare le coiffeur qui reste cependant confiant : «Si les clients voient que tout est en règle, la vie d’avant va reprendre, certes avec des masques et des gestes barrières», admet-il.
Il va commencer à travailler avec une visière. «Demain, je vais acheter des peignoirs jetables si j’en trouve car il y a rupture de stock !», informe-t-il. Toutes les places seront désinfectées après chaque client comme le moindre ustensile.
«Recommencer, c’est déjà bien»
La question qui le taraude, comme tout entrepreneur, est de savoir s’il retrouvera son chiffre d’affaires d’avant. «On ne sait pas, on se sait rien. Ce qui est positif, c’est de reprendre le travail et pour le reste on va vivre au jour le jour.» C’est bel et bien une nouvelle aventure, comme le décrit l’entrepreneur. Le confinement ? «Tu prends ça en pleine figure ! Bon, il y avait déjà une baisse de fréquentation la semaine qui a précédé le confinement. Les gens avaient déjà peur d’être infectés par le virus. Et puis le lundi d’après quand tout est fermé, tu te poses mille questions que tu ne t’es jamais posées avant», raconte Romeo Scanzano.
D’abord, savoir quand l’activité va reprendre et comment. «Tu vis dans le flou total, mais heureusement le gouvernement a su réagir et soutenir l’économie dont nous, petits patrons indépendants, et ça a redonné le moral», explique-t-il. Il a conscience que l’État fait «ce qu’il peu» et reconnaît qu’une aide «entre l’avoir ou pas, c’est déjà une grande différence».
Ses frais continuent d’être prélevés et il a bien sûr avancé les deux salaires. Il attend d’être remboursé. Il pense surtout à ceux qui ont débuté dans la profession et qui ont beaucoup investi. Il espère que ceux-là parviennent à tenir le coup avec l’aide de l’État qui sera nécessaire pour la survie des jeunes entreprises.
«Moi, cela fait 38 ans que je travaille et dans quelques années je prendrai ma retraite. Arrêter ma carrière sur un truc pareil je ne l’avais vraiment pas prévu», ironise-t-il. Plus sérieusement, il sait que toute la profession devra travailler avec du personnel réduit. «On est tous dans le même bateau, on se pose tous les mêmes questions», dit-il.
Mais à ses yeux, «le confinement n’a pas eu que du négatif». Tout était devenu «normal» et «trop facile». Les gens ont retrouvé une certaine forme «d’humilité», pendant ce confinement.
Geneviève Montaigu