Des MJC à la place de la Concorde: la danse hip-hop, contre-culture née à New York il y a 50 ans, occupe le centre de la scène aux JO de Paris, de l’avènement du breaking comme discipline olympique à sa présence jusqu’en natation artistique.
La France est considérée comme une scène majeure du hip-hop mondial, particulièrement active avec des danseurs et compagnies de très haut niveau comme Kader Attou ou Mourad Merzouki, devenu le maître de la danse de cette olympiade.
Sur tous les fronts de ces JO, de la danse des Jeux à celle d’adieu aux athlètes dans les aéroports parisiens, cette figure du mouvement a ouvert son art aux disciplines du cirque, aux arts martiaux, aux arts plastiques… jusqu’à participer à l’élaboration du programme libre de l’équipe de France de natation artistique.
Une collaboration improbable qui a fait des vagues dans le milieu du hip-hop : « Il n’y a pas un jour où on ne m’interroge pas sur ce projet ! Ça crée beaucoup de curiosité, beaucoup d’attentes et donc beaucoup de pression », a confié le chorégraphe à l’AFP. Celui-ci explique être allé chercher chez les danseuses « un engagement plus viscéral », loin du « l’académique » et du « joli » de la discipline.
Hip-hop debout vs au sol
Né dans les années 1970 dans le quartier du Bronx, le hip-hop — mouvement musical (beatbox, rap, DJ), chorégraphique et visuel (du graffiti au street art) — était d’abord une forme d’échappatoire à la pauvreté et aux discriminations pour les Afro-Américains et les Hispaniques. Il est devenu un phénomène brassant des milliards de dollars, qui inspire musique, sport et mode.
Côté danse, le hip-hop se subdivise en deux familles: debout, avec une multitude de styles très dansés avec le haut du corps, et au sol, avec le breaking et ses figures acrobatiques. Cette discipline, pratiquée en France dans la rue comme dans les maisons de quartier pour des compétitions appelées « battles », s’est lentement mais sûrement organisée autour d’événements privés comme le Battle of the Year ou le BC One.
Devant l’engouement d’un public jeune et nombreux, le Comité international olympique (CIO) a souhaité tester son potentiel comme sport olympique, l’intégrant en 2024 dans le cadre du parc urbain de La Concorde aux côtés du skateboard ou du BMX.
« Il y a un tournant, aujourd’hui, la danse hip-hop va rayonner d’une autre manière, va toucher tous les publics dans les quatre coins du monde (…) Si ça peut donner une dynamique à une nouvelle génération, tant mieux », réagit auprès de l’AFP Mehdi Diouri, de la compagnie parisienne MehDia. « Tout le monde rebondit dessus, à voir si on en profite ou pas et comment », s’interroge néanmoins le chorégraphe âgé de 40 ans, passé par Chicago.
Le risque du formatage
Martina Mattioli, 33 ans, danseuse au sein de sa compagnie, regardera vendredi et samedi les épreuves olympiques de breaking, « très émue » pour tous les camarades qui vivront cette heure de gloire aux yeux du monde entier. L’Italienne, venue des danses de salon et latines, est aussi un symbole de cette génération happée par l’aura d’une contre-culture qui « lui met la chair de poule pour ses valeurs et son message » d’inclusion et de lutte.
Elle redoute toutefois qu’un emballement excessif conduise au « non respect des valeurs originelles » du hip-hop qui deviendrait « trop propre », « trop technique » ou « avec trop de discipline » pour une pratique issue de la rue. La tension face à l’institutionnalisation du mouvement s’accentue en effet depuis 2015 et le projet du Premier ministre d’alors, Manuel Valls, de créer un diplôme national, qui avait fait bondir certains chorégraphes dénonçant le formatage d’une danse en constante évolution.
En mars 2024, l’idée est ressortie à l’initiative de deux députés Renaissance et RN, soulevant une nouvelle bronca.
Dans la foulée, la ministre de la Culture Rachida Dati avait annoncé, sur la radio emblématique Skyrock, son intention d’augmenter de trois à six le nombre de chorégraphes issus du hip-hop à la tête des 19 Centres chorégraphiques nationaux. « Le hip-hop inonde toute la culture française et est très peu représenté dans les instances », avait-elle reconnu.