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Virus : l’isolement des Mosellans fait exploser le standard de SOS Amitié


Danielle, écoutante à l’antenne mosellane de SOS Amitié, essaye de rassurer un retraité au bout du rouleau. (photo RL/Maury Golini)

Le rôle de SOS Amitié n’a peut-être jamais été aussi essentiel. Depuis le début de la crise sanitaire, l’antenne mosellane bat des records d’appels. À l’autre bout du fil : des personnes de plus en plus isolées et suicidaires et un public beaucoup plus jeune. Rencontre avec celles qui décrochent le téléphone.

Au bout du fil, un retraité en larmes, au bout du rouleau. D’une voix calme et posée, Danielle cherche à le rassurer. «Avez-vous bien pris vos médicaments ?», essaye l’écoutante. «Et votre médecin, qu’en pense-t-il ?»

Après une vingtaine de minutes d’échanges, elle raccroche, sereine. «C’était dur. Il était très mal. Mais sur la fin, je l’ai senti beaucoup mieux. Il ne pleurait plus et m’a dit qu’il allait prendre l’air», confie la bénévole de SOS Amitié alors que le téléphone sonne de nouveau.

Depuis le début de la crise sanitaire, les 34 écoutants mosellans de l’antenne messine n’ont pas une minute de répit. «On est passés de 800 à 1 000 appels par mois. En avril 2020, on est même allés jusqu’à 1 400», décrivent Mireille, la directrice, et Élisabeth, en charge de la communication.

Reconnue d’utilité publique, l’association – la seule à assurer une écoute 24 h/24 – est relayée par toutes les communications d’État sur la Covid-19. Le ministère de la Santé et de la Solidarité lui a même octroyé les fonds qu’elle réclame depuis des années. Une reconnaissance de son rôle essentiel durant cette crise inédite.

Beaucoup de nouveaux

La responsable vient d’échanger avec un bénévole qui vient de gérer coup sur coup deux suicidaires dans la même nuit : «Il y en a malheureusement de plus en plus. L’un d’eux l’a remercié d’avoir séché ses pleurs. Nous avons aussi beaucoup de personnes qui appellent pour la première fois.»

Parmi eux, un public inhabituel, des jeunes : «Il y a des ados souvent en conflit avec leurs parents et qui souffrent du manque de relations avec leurs amis. Mais aussi des jeunes de vingt ans qui se pensent sans avenir. Ils sont empêchés de vivre et ne voient pas d’issue. On sent chez eux beaucoup de désappointement.»

Les préoccupations des appelants plus réguliers ont quant à elle évolué. «Pendant le premier confinement, ils nous parlaient beaucoup de la peur d’attraper le virus.» Depuis, leur sentiment de solitude s’est décuplé et a pris le pas : «Ils sont coupés des derniers liens qu’ils avaient. La famille qui ne vient plus, l’aide à domicile qui garde ses distances, le médecin débordé, l’absence d’animations…»

Besoin de bénévoles

Face à cette explosion des appels, l’antenne messine cherche de nouveaux bénévoles. Une fois recrutés, ils suivent une formation théorique et pratique de 34 heures. «Notre rôle est d’écouter, sans porter de jugement ni donner de conseils. On essaye de tirer un fil dans leur pelote de détresse pour les amener doucement à s’interroger et à prendre eux-mêmes les décisions.»

Retour avec Danielle, cette fois aux prises avec une trentenaire déboussolée par ses tracas administratifs et ses envies de réorienter sa vie professionnelle. Elle se reconnaît à cran et l’hypothèse d’un nouveau confinement l’angoisse. L’appelante apprécie l’écoute et l’échange : «J’avais juste besoin de savoir qu’il existe encore des êtres humains normaux.» Danielle peut raccrocher, avec la satisfaction de la mission accomplie.

Philippe Marque (Le Républicain lorrain)