Au pays des Trois Frontières, il y a le poids symbolique d’une Europe unie par les textes, mais aussi par les vignerons qui cultivent leurs parcelles indépendamment de la nationalité des territoires.
L’âme des Trois Frontières
Y a-t-il un endroit plus européen que Schengen ? Les Trois Frontières font en tout cas partie de l’histoire de la construction de l’Europe et rares sont les lieux où, en quelques pas seulement, on peut passer dans trois pays sans faire tamponner son passeport. Les fameux accords de Schengen ont été signés le 14 janvier 1985 sur le Marie-Astrid, un bateau qui va d’ailleurs bientôt retrouver la Moselle (il vogue depuis sur le Danube), puisque l’État a estimé au mois de mai qu’il était d’«intérêt national» de le racheter afin d’agrandir le Musée européen à l’horizon 2025. Un nouveau quai lui sera même spécialement construit.
Rappelons que l’accord concerne d’abord le Luxembourg, la France, l’Allemagne, la Belgique et les Pays-Bas, cinq pays qui se sont engagés à renoncer aux contrôles de leurs frontières intérieures. Depuis, l’espace Schengen s’est agrandi à tous les États membres de l’Europe (sauf l’Irlande, Chypre, la Bulgarie, la Roumanie et la Croatie), auxquels s’ajoutent l’Islande, la Norvège, la Suisse et le Liechtenstein.
Le vin renforce de manière très concrète le caractère européen de la Moselle à cet endroit précis. En effet, l’appellation Coteaux de Schengen est la seule au monde qui inclut les vignes de trois pays. Ainsi, une même bouteille de Coteaux de Schengen peut contenir du vin produit à partir de raisins luxembourgeois, français et allemands. Les vignerons de Schengen (Henri Ruppert, Paul Legill…), d’ailleurs, possèdent pratiquement tous des vignes de l’autre côté de la frontière. Le terroir du Stromberg, à Contz, est excellent et lorsque la viticulture a périclité au siècle dernier en Lorraine, les Luxembourgeois ont saisi l’opportunité d’agrandir leur vignoble avec des parcelles parfaitement orientées et au sous-sol très intéressant (présence de quartzite, notamment) dont le destin aurait été de se transformer en friches, comme la quasi-totalité des vignes lorraines.
Les incontournables
Impensable de passer par Schengen sans se balader sur l’Esplanade européenne et ces monuments dédiés à l’Union. Observez les colonnes : sur chaque étoile se trouve une petite statue qui rappelle chaque pays membre. Et s’il reste des emplacements vides, c’est pour pouvoir mettre le concept à jour en cas d’élargissement. On peut aussi fermer un cadenas sur un présentoir situé juste à côté afin de montrer son attachement à l’idée européenne. Le musée consacré à la signature des accords se trouve juste derrière.
Le monument historique le plus imposant des Trois Frontières se trouve sur le côté français. Le château fort de Sierck-les-Bains, fièrement posé depuis dix siècles sur un promontoire rocheux qui domine la Moselle, est l’un des mieux conservés de cette époque dans l’est de la France. Les ducs de Lorraine en avaient fait une de leurs résidences favorites. Au pied du château, le vieux village et ses ruelles sont charmants. Quel dommage que tout son potentiel ne soit pas exploité !
Côté allemand, les anciennes bâtisses du vieux quartier de Perl-Sehndorf ne manquent pas de charme, mais l’attraction principale de l’endroit se situe en arrière de la Moselle, à Borg, où l’on a eu la drôle (mais pas mauvaise) idée de reconstruire une villa romaine sur ses fondations en ruines! Il faut dire que les vestiges antiques sont légion dans les entourages. On se promène dans les bains, dans le jardin, les cuisines, les pièces à vivre… La finalité peut surprendre, mais on ne niera pas que l’expérience soit intéressante. Elle permet, en tout cas, de plonger à une époque où la Moselle était déjà ce qu’elle est : un axe de communication majeur aux villages nombreux et où les rives étaient plantées de vignes.
Le coin à découvrir
La frontière entre le Luxembourg et la France passe sur le Stromberg, une colline boisée aux versants raides. Composé de dolomie (un calcaire dur), le massif a été exploité dans de nombreuses carrières où l’on a extrait des pierres de taille pendant des siècles. Entre les années 1920 et 1953, c’est le gypse (composant essentiel du plâtre) qui était ici la ressource la plus recherchée. Des mines ont été creusées dans une colline alors dévastée par cette activité. Ce que l’on sortait du cœur du massif était simplement jeté sur les versants pelés qui n’étaient plus que des éboulis brinquebalant. La présence d’eau souterraine a achevé de déstabiliser l’ensemble, les mines se sont effondrées, les glissements de terrain se sont multipliés… et de ce paysage glauque devenu dangereux est né l’un des plus beaux lieux de randonnée qui soit ! Une Boucle de rêve validée par l’Institut allemand de randonnée permet de découvrir une forêt d’éboulis atypique à la riche biodiversité où règnent désormais érables, tilleuls, mousses, fougères, sangliers, lapins et autres hibous grand-ducs ! Le relief est accidenté, il faut de bonnes chaussures et ça grimpe, mais le lieu veut assurément la découverte.
De notre collaborateur Erwan Nonet
Dans le répertoire de Via mosel’
Les villages viticoles
Le pays des Trois Frontières : Sierck-les-Bains, Contz… la Moselle dessine ici de beaux méandres qui offrent un cadre idyllique aux vignes les plus septentrionales de France.
Perl-Sehndorf : le vieux quartier de Perl a les allures d’un ancien petit village où vivent aujourd’hui 200 habitants. Il est planté sur un coteau, entouré de vignes et offre de beaux points de vue.
Les domaines viticoles
Domaine viticole Ökonomierat Herber, à Perl (Apacher Strasse 11-17) : l’ancienne auberge et relais postal de 1830 s’est transformée en cave sous l’impulsion de la famille Herber depuis plus d’un siècle. Le domaine travaille douze cépages, sur onze hectares… et quelques parcelles au Luxembourg (Schengen).
Domaine Henri Ruppert, à Schengen (1, um Markusberg) : Henri Ruppert est l’un des vignerons les plus intéressants du Luxembourg. Sa cave, signée de l’architecte François Valentiny, est à son image. Vinificateur hors pair, le vignoble se passionne pour ces terroirs et livrent des cuvées ultraprécises dont la renommée grandit chaque année. Depuis sa Wäistuff (bar à vin), on profite d’une vue splendide sur la vallée.
Via mosel sur le web
Créé par Terroir Moselle, Via Mosel’ est un concept transfrontalier qui embrasse toute la rivière, de sa source dans les Vosges jusqu’à sa confluence avec le Rhin, à Coblence. L’objectif est double. Il vise à mettre en valeur le patrimoine sous le thème « Vins et architecture ». Plus de 60 domaines et 40 villages ont déjà intégré ce programme. Souligner l’intérêt touristique de la Moselle et de ses vins permettra aussi de développer le commerce des vins dans la Grande Région. Aider les vignerons à faciliter les ventes au-delà des frontières nationales en simplifiant les démarches administratives est le deuxième volet de Via Mosel’, certainement pas le plus simple !
Grâce à une carte interactive disponible sur viamosel.com, tous les sites référencés peuvent être facilement repérés. Les informations pratiques et des descriptions de lieux y sont disponibles en français, anglais et allemand.