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Villerupt : la rage de vivre de Kenzo


Kenzo se bat quotidiennement pour remarcher et suit une rééducation au Rehazenter de Luxembourg. Le jeune Luxembourgeois force l’admiration de sa mère Cindy.

Le 13 mai 2023, un homme armé d’un pistolet avait fait feu dans la commune lorraine frontalière blessant cinq jeunes gens. Kenzo, blessé à la tête, et sa mère, ne lâchent rien.

Jeudi 19 septembre devant le Rehazenter, centre national de rééducation fonctionnelle et de réadaptation de Luxembourg. La rencontre avec Cindy, mère de la victime la plus grièvement blessée lors de la fusillade du 13 mai 2023 à Villerupt, se termine dans les pleurs. Quasi un an et demi après les faits, la maman, traumatisée pour toujours, vient de lâcher une phrase choc : «Je n’arrive pas à prononcer le mot handicapé devant lui.»

Dans un timing parfait, les portes automatiques du Rehazenter s’ouvrent. Kenzo, 18 ans désormais, fait son apparition avec un sourire grand comme ça. À la force de sa jambe droite, il fait avancer son fauteuil roulant jusqu’à nous. Comment va-t-il?  «Ça ne peut qu’aller bien», lâche le jeune homme, casquette vissée sur la tête. «Regardez autour de vous, y’a pire que moi», renchérit le miraculé.

«Je suis en vie. J’ai toute ma tête!» Une tête marquée à jamais. Sous sa casquette, Kenzo cache une impressionnante cicatrice. Pile à l’endroit où est venue se loger l’une des balles de 9 mm vomies par l’arme automatique du tireur présumé de la tragique fin de journée du 13 mai 2023. Le projectile qui a atteint Kenzo a pu être extrait, mais des fragments restent figés dans le front de celui qui est devenu la coqueluche de la structure luxembourgeoise, depuis son admission le 28 août 2023. «Il parle à tout le monde ici, il motive tous les autres patients», confirme la maman, ayant enfin retrouvé le sourire depuis l’arrivée de la prunelle de ses yeux.

La longue attente du procès

Kenzo devrait sortir de la structure spécialisée en octobre prochain. En amont, il aurait pu profiter d’une période de vacances cet été. Mais le jeune adulte, ex-footballeur qui ne rejouera plus, a refusé. «Tant que je ne peux pas remarcher, même avec une canne, tant que je n’ai pas retrouvé l’usage de mon bras et de ma jambe gauches, pas de vacances… C’est rééducation, rééducation !» Sa motivation force le respect.

Pour autant, cet élan de positivisme ne parvient pas à terrasser le mal qui ronge mère et fils. «Peu importe où on est, dès qu’on voit le nombre 13 (NDLR : jour du drame), on est mal», soufflent d’une même voix Cindy et Kenzo. La maman, qui conteste la thèse officielle du règlement de compte sur fond de trafic de stupéfiants au profit d’une vengeance aveugle à la suite de l’agression du frère du tireur présumé, n’a qu’un souhait : «Qu’on arrive enfin au procès. Je veux voir en face de moi le tireur et qu’il voit Kenzo en face de lui. On ne pourra jamais tourner la page, mais ça nous aidera à avancer.» Pour l’heure, le dossier est toujours à l’instruction criminelle du côté de Nancy.

Yannick Pagliuchi (Le Républicain Lorrain)