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Une repentie vosgienne témoigne : «Je devais me marier avec le terroriste Adel Kermiche»


En garde à vue, Sarah a réalisé ce qu'elle était devenue. Un véritable électrochoc. (photo VOM/Jérôme Humbreecht)

Sarah, une jeune femme convertie à l’islam, habitante de Saint-Dié, a été en contact, pendant huit mois, avec le terroriste Adel Kermiche, l’homme qui a abattu le père Hamel près de Rouen.

Une enfance difficile. Le divorce de ses parents. La mort de son père dans un accident de la route. Puis s’enchaîne une adolescence perturbée. Et le bateau de la vie chavire.

À l’âge de 16 ans, Sarah (*), qui se rendait à la messe chaque dimanche et qui était même inscrite à la chorale du village, ressentait un manque. « Je trouvais qu’il n’y avait pas assez d’attentions envers Dieu. J’ai alors recherché plusieurs religions : juive, hindouiste. Et c’est l’islam qui m’a plu. Le fait de prier cinq fois par jour. J’ai rencontré un tuteur qui était aussi l’imam. Il m’a expliqué la religion. C’est lui qui m’a mariée religieusement. J’avais 17 ans et demi. » Sarah a aujourd’hui 26 ans. Elle vit à Saint-Dié avec le père de ses deux enfants. Un homme qui, comme elle, s’est converti en 2008.

A 21 ans, la jeune mère de famille tombe dans une dépression. Elle s’en relèvera. Deux ans plus tard, elle sombre à nouveau. « Mes enfants étaient scolarisés. Je n’avais pas de vie. Je ne sortais pas. N’avais pas ou peu d’amis. Je détestais la vie. J’avais internet sur mon téléphone. » C’est alors que Sarah crée un compte musulman sur Facebook « pour parler à des personnes musulmanes, comme moi. A la base, c’était pour apprendre la religion en profondeur. »

Et c’est à partir de là que la spirale va s’enclencher. Courant 2015, elle entre en contact avec une certaine Oum X, une femme de 40 ans demeurant dans la région lyonnaise qui va lui faire subir un véritable lavage de cerveau. « C’était comme une sœur. Elle me réconfortait. J’étais vraiment attachée à elle. Je suis restée en contact avec elle durant six mois. Au début, elle était gentille. Puis elle parlait de plus en plus de religion. Sa gentillesse s’estompait peu à peu. »

C’est cette femme qui va envoyer à Sarah des photos et des vidéos de décapitations de prisonniers, que la jeune femme prend, petit à petit, plaisir à regarder en boucle.

Et puis, en janvier 2016, sur son compte Facebook, Sarah rentre en contact avec Adel Kermiche, le terroriste qui a égorgé, avec le Déodatien Abdel Malik Petitjean, le prêtre à l’église de Saint-Etienne-du-Rouvray.

« Il m’a dit que je l’intéressais. Qu’il cherchait à se marier. Si j’avais besoin d’aide sur la religion, il était prêt à me renseigner. Il me prêtait de l’attention, à mes enfants aussi. Il représentait tout ce dont j’avais besoin. »

« Pendant que mon mari était à la mosquée »

La jeune femme aux yeux bleus, désireuse de changer de vie, pensait avoir trouvé en ce terroriste le prince charmant. Celui qui lui avait promis de lui adresser l’argent nécessaire pour venir le rejoindre à Saint-Etienne-du-Rouvray. Là où elle se marierait pour ensuite, sans doute, partir en Syrie avec ses enfants. « On se contactait par Telegram », une messagerie cryptée. « Je profitais que mon compagnon était à la mosquée pour appeler Kermiche. Ça durait une heure, au moins une fois par semaine. »

Sarah, faute de moyens, a retardé son départ. Elle a appelé Kermiche pour le prévenir. « Il m’a affirmé : « On va trouver une solution ». » C’était 15 jours avant la mort du père Hamel. La Vosgienne a sans doute échappé au pire.

Aurait-elle pu commettre l’irréparable en participant à un attentat ? « Non, c’est sûr que non. J’ai peur du sang. Je suis trop froussarde. Je me suis bien fait manipuler. On a profité de ma faiblesse, de ma fragilité », reconnaît la Déodatienne, le visage au teint de porcelaine entouré par son hijab.

En septembre et en décembre, l’appartement de la mère de famille a été perquisitionné. « Les policiers ont pris mon téléphone, mon ordinateur, les clés USB, la console de jeux des enfants. J’ai été placée en garde à vue à deux reprises. C’est seulement à ce moment-là que j’ai réalisé ce que j’étais devenue. J’ai eu un électrochoc. » Elle a été condamnée le 26 janvier dernier à huit mois de prison avec sursis.

Laurence Munier (Le Républicain lorrain)

(*) Le prénom a été modifié.