C’est une première en Belgique. Le parti flamand N-VA, dont la position dominante en Flandre est menacée par l’extrême droite, a choisi de présenter des candidats en Wallonie aux législatives du 9 juin, afin de maximiser ses chances de revenir au pouvoir au niveau fédéral.
L’Alliance néo-flamande (Nieuw-Vlaamse Alliantie, N-VA) juge que la majorité sortante –une coalition de sept partis dirigée par le Premier ministre libéral Alexander De Croo– n’a pas su mener les réformes économiques nécessaires, et se présente comme « la seule alternative » à sa possible reconduction.
Derrière ce choix de concourir dans les cinq provinces wallonnes, « l’idée est d’aller glaner un maximum de sièges en Belgique pour pouvoir forcer cette alternative », explique l’universitaire Drieu Godefridi, tête de liste dans le Brabant wallon.
Mais le défi est de taille pour la N-VA, qui se dit « nationaliste » et réclame « un degré d’autonomie maximal » pour les régions, afin qu’elles puissent mener « une politique à la mesure de leur propre communauté ».
La formation, dirigée par le maire d’Anvers Bart De Wever, est souvent accusée par les francophones de vouloir séparer la Wallonie de la Flandre, plus dynamique économiquement.
« Je ne vais pas voter pour quelqu’un qui veut casser le pays en deux ! », déclare un sexagénaire rencontré sur le marché de Huy, l’une des deux villes wallonnes où les candidats N-VA sont venus ce matin-là à la rencontre de la population.
« C’est mieux d’aider la Wallonie que de l’enfoncer, non ? », ajoute cet électricien à la retraite, préférant taire son nom.
Reconnaissables au vêtement jaune qu’ils portent tous –une veste, un sweat-shirt ou une cravate à la couleur de la N-VA–, une quinzaine de candidats arpentent les allées du marché pour distribuer leurs tracts.
Des prospectus vantant l’objectif d' »une Wallonie prospère », « qui récompense le travail », et « une politique énergétique et climatique intelligente » passant notamment par l’investissement dans le nucléaire.
« Le modèle flamand »
En tête de cortège, Theo Francken, ancien secrétaire d’État à l’Asile et à la Migration, est le visage le plus connu du déplacement, venu du Brabant flamand où il est candidat pour conserver son siège de député. Il décline un autre des thèmes favoris de son parti.
« Nous voulons une politique migratoire plus stricte, je suis sûr que beaucoup de Wallons sont d’accord », dit celui qui fut la bête noire des socialistes et des écologistes quand la N-VA était associée au gouvernement fédéral (2014-2018).
Devant les étals, l’accueil est généralement poli et souriant. Des bras se tendent pour saisir les tracts. Mais les dos se tournent vite. Les visiteurs sont pressés par le temps, et il est rare qu’un dialogue s’engage.
La N-VA, qui occupait 25 des 150 sièges dans la Chambre des députés sortante, refuse de faire des pronostics sur ses résultats en Wallonie. Le 9 juin aura valeur de « test », dit-on en interne.
Le parti a peu de visibilité dans les médias francophones et n’est pas testé dans les enquêtes d’opinion côté wallon. Celles-ci créditent le PS de la première place devant le Mouvement réformateur (MR, libéraux francophones) avec lequel il gouverne la région en coalition.
Pour Theo Francken, redonner le pouvoir à ce duo reviendrait à ne rien changer, tant au niveau régional qu’au fédéral.
Selon lui, il est temps d’appliquer à tout le pays « le modèle flamand », à savoir « un meilleur taux d’emploi, une bonne gestion, un budget en ordre ». La N-VA propose notamment de limiter dans le temps les allocations de chômage.
« J’espère que les francophones vont arrêter de dire toujours +non, non, non+ aux exigences flamandes, sinon ça donnera encore plus de voix au Vlaams Belang », prévient l’ex-secrétaire d’État.
Une allusion au grand rival, le parti d’extrême droite (ex-Vlaams Blok) donné vainqueur du prochain scrutin en Flandre par les derniers sondages, avec 26-27% des voix, soit six points devant la N-VA.