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TTIP, CETA : les transfrontaliers s’attaquent aux géants


Des élus locaux et membres des collectifs locaux transfrontaliers étaient réunis mercredi en début de soirée à Saulnes. (Photo David Marques)

Cela pourrait se résumer à la lutte de David contre Goliath. Mais les collectifs locaux transfrontaliers, opposés aux accords de libre-échange, croient en leurs chances de venir à bout de la suprématie des multinationales.

Le rendez-vous était fixé mercredi en début de soirée à Saulnes, petite ville située dans le Pays-Haut, à quelques dizaines de kilomètres d’Esch-sur-Alzette. Dès l’entrée du village, la couleur est annoncée. Une pancarte «Commune hors Tafta» accueille en effet les automobilistes. Saulnes fait partie de la petite douzaine de communes du Pays-Haut à avoir décidé de s’opposer à tout accord au niveau des très complexes – mais à leurs yeux aussi très dangereuses – négociations que l’Union européenne mène avec les États-Unis et aussi le Canada pour conclure des accords de libre-échange.

Au vu de l’urgence, mais aussi des récentes évolutions, qui suscitent un léger espoir auprès des opposants au Tafta (ou TTIP) et au CETA, les collectifs locaux transfrontaliers, réunissant des communes, des élus locaux, des syndicats et d’autres associations citoyennes, ont décidé d’unir une première fois leurs forces.

Même s’ils ont déjà soutenu les actions et manifestations de leurs homologues, aucune véritable coopération ni même aucune mobilisation commune n’ont jusqu’à présent été mises en place entre les collectifs du Pays-Haut, de la province du Luxembourg belge et du Grand-Duché.

Malgré les efforts d’information et de sensibilisation de ces bénévoles, les simples citoyens semblent toujours avoir autant de mal à appréhender les enjeux de ces traités transatlantiques, qui selon leurs plus farouches opposants mettraient en péril nos standards sociaux, sanitaires et environnementaux. «Je suis toujours étonné par le nombre de gens qui ne sont pas du tout au courant de ces traités. D’autres pensent que cela ne les concerne pas. Or ce sont bien les multinationales qui en coulisses mènent une opération dirigée contre les peuples», lance Jean-François Rasschaert, du collectif belge «No-CETA, no-TTIP».

Le «grand mensonge» des politiques

Même des élus locaux tomberaient des nues en découvrant le contenu de ces accords de libre-échange, négociés très loin des petites bourgades et villes, mais qui auront un important impact sur la vie quotidienne des gens. «Les élus locaux ne sont plus que des hommes ou femmes de paille. Mes collègues conseillers étaient choqués lorsque je leur ai détaillé le fond de ma motion, d’ailleurs adoptée à l’unanimité», note Françoise Le Louarn, élue de la commune rurale lorraine Allondrelle-la-Malmaison, qui compte à peine 630 habitants. «Cette motion a au moins eu le mérite de provoquer une prise de conscience dans notre village», ajoute-t-elle.

Et cette même prise de conscience, les représentants des collectifs locaux, qu’ils soient situés dans le triangle transfrontalier autour du Grand-Duché, ou à travers l’Europe tout entière, souhaitent qu’elle ait lieu auprès de plus en plus de citoyens. La collecte de plus de quatre millions de signatures dans le cadre d’une initiative citoyenne pour stopper le TTIP est un premier signe positif. Ce dernier n’est néanmoins toujours pas suffisant pour convaincre les hauts dignitaires politiques de ne pas se laisser «piéger» par les multinationales, selon les représentants des collectifs locaux, présents hier soir à Saulnes. «Au-delà du caractère économique de ces traités, il existe une autre dimension. Les États membres de l’UE ont donné mandat à la Commission européenne pour ouvrir aux multinationales le droit de prendre le contrôle absolu de toute une série d’acquis de la société civile, comme l’enseignement, la médecine ou la culture», tranche dans le vif Jean-Claude Garot, expert belge dans le domaine du TTIP ou du CETA. C’est à ce niveau que se situerait selon lui «le vrai danger» de ces accords de libre-échange.

Toute l’approche de la part des gouvernements aurait été un «grand mensonge» et ce ne serait que sur pression de la société civile que les hautes sphères politiques auraient été obligées de rendre un brin plus transparentes les négociations en cours, a en outre fait remarquer l’éditeur du journal Pour!

Jusqu’à présent, les deux tiers des 44 communes de la Province du Luxembourg belge se sont joints à l’initiative de leurs homologues du Pays-Haut. Au Grand-Duché, seule une demi-douzaine de communes ont voté des motions contre l’adoption du TTIP et de CETA. Il reste donc encore de la marge. La relance de la mobilisation transfrontalière, mercredi soir à Saulnes, ne constitue qu’une première étape.

David Marques