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Travail dissimulé : coup de filet dans le milieu turc à Nancy


Une filière faisait entrer illégalement des dizaines de ressortissants turcs pour les employer comme main-d’œuvre dans le bâtiment. (photo archives RL/Julio Pelaez)

Un réseau a fait entrer sur le territoire français plus d’une centaine de Turcs en situation irrégulière. Cette main-d’œuvre faisait le bonheur d’entreprises du bâtiment. Une famille nancéienne a été interpellée.

C’est un dossier « que l’on pourrait montrer à tous les agents de la police aux frontières », sourit un spécialiste. Il y a tout : une filière organisée depuis Nancy pour faire rentrer clandestinement en France des familles turques. Et une main-d’œuvre mise ensuite à disposition de chefs d’entreprise qui promettent de la déclarer. Le préjudice s’élève déjà à plusieurs millions d’euros.

L’enquête est partie d’un renseignement du commissariat de Troyes, dans l’Aube. Les policiers suspectent, début 2016, deux individus d’aider des clandestins. Les hommes de brigade mobile de recherche zonale (BMRZ) de la Police aux frontières de Metz prennent le relais. Si le duo troyen n’a pas prospéré dans ses intentions, les spécialistes des filières d’immigration illégale découvrent qu’une équipe est à la manœuvre pour faire entrer sur le sol français des dizaines de ressortissants turcs : une équipe ou plutôt une famille, turque elle aussi, qui tire les ficelles depuis Nancy et Dieulouard.

Quatre frères et sœurs utilisent la méthode du « look alike », la méthode du sosie, une fraude à la ressemblance physique. Le principe est simple : les candidats à l’entrée en France utilisent de vrais papiers d’identité mais jouent sur leur ressemblance avec la photo pour déjouer les contrôles.

8 000 € par adulte

La famille nancéienne utilise ses propres papiers ou ceux de la communauté turque locale ; il n’y a plus qu’à trouver les bons profils. Cela fonctionne pour les adultes comme pour les enfants. Les fraudeurs embarquent à l’aéroport direction l’Allemagne, souvent Stuttgart. Une fois en France, les vrais papiers d’identité sont récupérés par leur propriétaire. Le voyage pour la clandestinité coûte 6 000 € pour un mineur, 8 000 € pour les plus grands. Plus d’une centaine de personnes ont profité du système.

La plupart ont été employées dans des entreprises de BTP tenues, évidemment, par des Turcs, souvent dans l’Oise, du côté de Beauvais et Creil. Certains responsables ont réglé les voyages, avec retenues sur salaire. «C’est une main-d’œuvre bon marché puisque les sociétés ne les déclarent pas et ne payent pas les charges », indique un connaisseur de l’affaire.

Le fisc et l’Urssaf ont commencé leurs calculs. Pour la plus grande entreprise concernée, qui a d’importants chantiers comme la plateforme Amazon dans le Nord, l’Urssaf estime le préjudice à plus de 500 000 €…

22 interpellations

La BMRZ de Metz et le Groupe d’intervention régional (GIR) de Lorraine ont frappé le réseau en plusieurs fois. En mars dernier, les agents ont interpellé onze personnes, dont la famille meurthe-et-mosellane, et quelques complices en baie de Somme. Cette semaine, renforcés par la BMRZ de Lille et des agents de Beauvais, ils ont placé onze autres mis en cause en garde à vue, chefs d’entreprise ou gérants principalement.

Des motos, des bijoux et des milliers d’euros trouvés dans un coffre de banque ont été saisis. Mises en examen par un juge d’instruction de Troyes, trois personnes ont été écrouées. Mais les présentations devaient se terminer tard hier. Des clandestins pourraient faire l’objet de procédure pour séjour irrégulier. Mais la plupart ont disparu dans la nature.

Kevin Grethen (Le Républicain lorrain)