Le Conseil départemental de Meurthe-et-Moselle se positionne en faveur d’un « fonds de codéveloppement France-Luxembourg », a-t-on appris vendredi, « qui ne porterait pas que sur les seules infrastructures de transport, et qui devrait permettre de répondre aux besoins des territoires en matière de services et d’équipements ».
Mercredi, une session spéciale se tenait à Nancy, où le Belge Karl-Heinz Lambertz a présenté son rapport sur la «juste répartition de l’impôt en région frontalière». Rapport qui sera débattu en Conseil de l’Europe, le 29 octobre à 47 États, en vue de l’adoption d’une recommandation. Vendredi, le Département communiquait sur les mesures souhaitées à l’échelle locale.
Sortir d’une logique « tout transport » pour penser global
Ce fonds compenserait «les déséquilibres financiers et fiscaux des territoires frontaliers» et aurait pour but «de répondre aux besoins des territoires en matière de services et d’équipements», au-delà de la seule question des transports, pour le moment seul horizon de tout co-investissement en Grande Région.
On retrouve là l’idée d’une compensation financière sur le modèle entre Genève et les départements français (259 millions d’euros en 2018), cité par le Département dans son communiqué, mais réaménagé avec l’idée d’un fonds commun, donc d’un copilotage pour partie entre Français et Luxembourgeois.
Ce qui, peut-être, serait d’allure à mieux convenir au Luxembourg, l’un des derniers états d’Europe à ne pas connaître une forme de répartition au minimum de la fiscalité en zone frontalière (à la différence des modèles qui existent entre la France et l’Italie, l’Autriche et la Suisse, la Belgique et la France, la Suède et le Danemark, l’Allemagne et la France, etc.)
Un territoire de facto sans frontière
« Les prix luxembourgeois de l’immobilier, trois fois plus élevés qu’en France, poussent près d’un salarié sur deux à vivre hors des frontières du Grand-Duché», constate le Département, en référence aux 47% de frontaliers que compte l’économie du Grand-Duché. Si le territoire est commun, il s’agit donc de trouver un moyen de mieux assumer les charges communes ensemble.
Le Département, qui revendique tout son rôle au niveau du transfrontalier, propose enfin la désignation d’un délégué interministériel «doté d’un réel pouvoir de négociation et de décision, qui serait l’interlocuteur privilégié du Grand-Duché de Luxembourg sur les questions relevant du niveau de l’État (fiscalité, droits sociaux, santé, dépendance…)».
Hubert Gamelon
Une question qui n’a rien à voir avec le pouvoir d’achat des frontaliers
Une musique monte au Luxembourg : la question d’une juste répartition des charges liées à la main-d’oeuvre frontalière (infrastructure, éducation des enfants, transport, vie communale etc.) serait irrecevable, car compensée par les « grosses » dépenses que peuvent faire les frontaliers chez eux… contribuant ainsi à nourrir substantiellement le budget de l’État français ou belge, via la TVA.
En Europe, aucun accord transfrontalier n’envisage cet angle à notre connaissance, et pour cause : la question du « comment est dépensé l’argent des frontaliers » n’a rien à voir avec les questions du « comment est prélevé l’impôt sur le revenu du frontalier » et « pour financer la vie sur quel territoire donné? ».
En somme, le frontalier dépense son argent comme il l’entend : son salaire est le fruit d’un effort qui n’est conditionné qu’à son travail, qu’à son rapport avec l’employeur. Son impôt sur le revenu est en revanche bien prélevé par l’État luxembourgeois, pour n’être investi que dans les frontières du Grand-Duché (infrastructures publiques, école, vie culturelle, etc.)… donc pas à l’endroit où il vit.
En miroir, on remarquera d’ailleurs que de nombreux Belges / Français / Luxembourgeois consomment indifféremment aux trois frontières… sans être frontalier ! Les uns laissent de la TVA en Belgique, les autres ici… il n’y a pas de compensation par rapport à cela : c’est un choix de consommateur, qui ne règle pas la question de la prise en charge des infrastructures publiques sur un territoire commun.
En poussant le raisonnement jusqu’à l’absurde : le résident d’un pays (peu importe lequel !) vivant et travaillant dans son pays pourrait-il dire : « moi je ne veux plus payer d’impôt sur le revenu, car je dépense déjà mon argent sur place et j’enrichis donc déjà mon pays » ?… Y en a qu’ont essayé, ils ont eu des problèmes !