Quatre dealers, trois médecins messins. Sept maillons d’une chaîne qui a coûté cher à la Sécurité sociale. Ils sont renvoyés en correctionnelle pour un trafic de Subutex dont les secousses se sont fait ressentir jusqu’à Marseille.
Ils se sont beaucoup plaints de ces ombres s’immisçant sans sonner dans leur cabinet. De ces masses sans visage déambulant, souvent avec leur chien, dans leur salle d’attente, au milieu de la patientèle. La prochaine fois que ces médecins retrouveront ce groupe oppressant, ce sera sur les bancs du tribunal correctionnel de Metz.
Trois généralistes prendront place au côté d’individus qui ont usé des failles du système pour monter un trafic de produits de substitution à l’héroïne qui a largement dépassé les frontières de la Lorraine. Révélée en 2012, l’« affaire du Subutex » de Metz avait éveillé les consciences sur la facilité avec laquelle des individus parvenaient à récupérer des boîtes de médicaments pour les revendre au marché noir.
Ce dossier, c’est avant tout ces visages. Ceux de toxicomanes croisés dans les rues piétonnes messines, qui ont trouvé dans le Subutex le moyen de vivre. Et parfois bien. Il leur fallait des médecins pas trop à cheval sur la déontologie, ils les ont trouvés non loin des portes d’immeubles habituellement squattés.
Profils différents
« Parmi les trois médecins fautifs, il y a quand même des profils différents », observe Me Stanislas Louvel, avocat de l’ordre des médecins de la Moselle. Ils peuvent être classés en trois catégories : d’après l’enquête de la police judiciaire de Metz, le premier n’a pas pris un euro dans cette histoire. Son tort a été de ne pas avoir su faire face à la pression. « Un homme trop gentil », soupire son avocate, Me Dominique Boh-Petit.
Le deuxième médecin est également présenté comme « faible ». Cette fragilité apparente ne l’a pas empêché d’encaisser plus de 50 000 € entre 2010 et 2012 grâce à ce genre de consultations. Le troisième praticien est « à part ». Lui est présenté comme quelqu’un qui savait « où se situait son intérêt », selon une source. Radié en première instance par l’Ordre national des médecins, il est attendu le 16 septembre en appel.
Plus de trente témoins mettent en cause chaque médecin. La juge d’instruction pointe du doigt « des prescriptions de plusieurs ordonnances pour un seul patient, le chevauchement de nouvelles prescriptions ou la prescription d’ordonnances au nom de patients non présents en consultation ».
Subutex-Skenan un cocktail tueur
Les praticiens voyaient rarement les patients. Ils n’effectuaient guère d’examens cliniques avant de prescrire ces médicaments. Ils n’ont pas non plus hésité à leur donner du Skenan, un médicament à base de morphine que l’on donne aux cancéreux en fin de vie, en plus du Subutex. Or, le mélange des deux est un cocktail explosif, extrêmement dangereux.
Les pratiques, révélées par l’enquête, ont permis d’inonder le marché de Subutex et de faire de la Moselle le département le plus consommateur. Beaucoup de boîtes se sont écoulées à Sarrebruck. Derrière la frontière allemande, les conditions de prescription de ce produit de substitution sont plus drastiques, ce qui le rend rare, donc plus cher. D’autres cachets ont été trouvés à Marseille, en attente d’être envoyés au Maroc. La date de l’audience du procès n’est pas encore fixée.