Alors même que leurs réservations sont presque toutes annulées en raison de la pandémie de coronavirus, une poignée d’hôteliers indépendants gardent leur établissement ouvert. Pourquoi ? Comment ? L’hôtel des Oliviers à Thionville et celui de la Canner évoquent leur quotidien.
«L’horizon est très sombre.» Chambres noires, vides et froides : l’hôtel Les Oliviers, enraciné dans l’hyper centre de Thionville, sonne creux. Jean-Philippe Metz, à la tête de ce charmant établissement de 26 chambres depuis 2011, s’efforce de rester ouvert. Il en a le droit, contrairement à une idée reçue : «Nous sommes autorisés à accueillir une clientèle d’affaires et, bien entendu, le personnel médical.»
Le droit mais aussi, de son point de vue, le devoir : « Ce n’est pas le moment de se débiner.» Une référence au profil de ses derniers clients, une poignée de spectres qui maintiennent en vie cet hôtel presque fantôme : « Nous hébergeons surtout des médecins de l’hôpital Bel-Air. Et, très ponctuellement, des agents qui interviennent à Cattenom. Le taux d’occupation ? Grand maximum, 20%.» 20 %, donc bien loin des standards habituels en cette période de l’année.
« Pour le moment, je survis »
« Les perspectives sont mauvaises. » La vue, depuis son agenda, donne sur un paysage désertique : « C’est bien simple, toutes les réservations jusqu’au mois de septembre ont été annulées. » Les tongs des touristes danois, allemands et hollandais ne battront pas le pavé thionvillois cet été : « Le tourisme représente 80% du chiffre d’affaires en période estivale. On doit faire une croix dessus », anticipe-t-il. Idem concernant les commerciaux, VRP et techniciens qui peuplent d’ordinaire son établissement.
Il lie son sort à celui de la restauration, secteur qui essuie les plâtres depuis le début du confinement : « Comment anticiper un retour de cette clientèle business avec des restaurants fermés ? » Jean-Philippe navigue sans perspective. En revanche, il a des certitudes : « Si la banque a bien gelé notre crédit, nous devons tout de même régler les factures courantes. Pour le moment, je survis grâce à mes subsides personnels. Mais pour combien de temps ? »
Contrairement à ses cinq employés, lui n’a pas le droit de percevoir de chômage partiel : « Je ne peux pas non plus bénéficier de la prime gouvernementale de 1 500 €. Elle est assujettie à une clause de résultat. Je suis juste au-dessus… »
« Ça ne suffira pas »
« Moi non plus ! Ni prime, ni chômage », embraye Jean-Marie Jaminet. Depuis 1998, il dirige avec son épouse l’hôtel de la Canner. Une affaire familiale, de 27 chambres, aux fondations solides : « Je suis d’un naturel prudent. Je vis sur mes économies. Ceux qui n’avaient pas de trésorerie au début de cette crise ne s’en remettront pas », prophétise-t-il. Lui devrait franchir cette étape, même dans la douleur. Son plus gros mois de l’année, celui à venir, appartient déjà au… passé : « De mai à juin, c’est la période des mariages, des gens qui réservent l’hôtel pour des célébrations familiales. Presque toutes les entreprises sont à l’arrêt, et donc les intervenants ponctuels qui séjournent chez nous ne sont plus là. »
Pour joindre les deux bouts, l’hôtelier a recentré son cœur d’activité sur la restauration. Snacking et autres plats du jour sont livrés aux locaux et, presque quotidiennement, à des salariés de l’entreprise voisine, Semin : « Une petite dizaine de plateaux-repas. Sur la durée, ça ne suffira pas. »
Il lance un appel au nom de la profession : « J’aimerais que le gouvernement fasse quelque chose pour nous autres, les indépendants. Comment allons-nous faire, si la crise se poursuit, pour payer les loyers par exemple ? » Une question, parmi tant d’autres, en suspens.
J.-M. C. (Le Républicain lorrain)