L’école Montessori s’adapte à l’enfant. C’est le concept. Mais elle reste avant tout une structure privée qui peut se séparer d’un élève si elle estime qu’elle ne pourra pas répondre à ses besoins… Tom, 6 ans, vient d’en faire l’expérience à Thionville.
« Tom est un enfant atypique, résume sa maman. Il n’a pas confiance en lui, il ne se sent pas compris. » Et cela n’est pas sans conséquences sur son comportement en société. Le garçon particulièrement agité rencontre de sérieuses difficultés dans sa scolarité.
Les parents de Tom, aujourd’hui âgé de 6 ans, y ont été confrontés dès qu’il est entré à l’école à Bertrange. « La maîtresse nous a dit qu’il n’évoluait pas comme les autres. » Alors une auxiliaire de vie scolaire l’a suivi. Mais en troisième année de maternelle, « c’était la cata », reconnaît la mère. « D’après ce qu’on nous décrit, ce n’est pas le même gamin en classe et à la maison. » Tom change d’école sans régler son problème de comportement pour autant. Sa maman s’intéresse à toutes les alternatives pédagogiques susceptibles d’aider son fils. Et la méthode Montessori lui semble particulièrement bien appropriée, « parce qu’ici, c’est l’école qui s’adapte à l’enfant, pas l’inverse », rappelle la maman.
En effet, selon ses fondements, cette pédagogie mise sur le développement de la confiance en soi, gage le respect des rythmes et des façons d’apprendre, vante l’importance d’accepter l’autre avec ses différences.
« On ne lui a pas laissé le temps »
À la rentrée, Tom est inscrit en CP dans un établissement Montessori qui vient d’ouvrir à Thionville. Mais le soulagement sera de courte durée. Car après la première semaine de classe, les parents sont convoqués. L’attitude de Tom ne passe pas. « On nous a dit qu’il était en souffrance », se souvient la maman. Le garçon ne pourra pas rester. « Ce qui me dépasse, c’est qu’on ne lui a pas laissé le temps de s’adapter », poursuit-elle.
La grande sœur de Tom poste alors un message virulent pour manifester son incompréhension sur les réseaux sociaux. Un courrier est aussi adressé aux autres parents de l’école. Dans ce contexte, l’échange entre la direction et la famille est tendu. « Ils nous ont mis un coup de pression pour qu’on retire tout », estime Jessie, la grande sœur. Chose faite.
Les parents ont récupéré les 600 euros de frais de dossier. L’inscription mensuelle de 490 eurs ne leur sera pas facturée, promet la direction de l’école. Car en dépit des valeurs défendues par la philosophie Montessori, la structure reste privée et libre d’accepter ou non un enfant si elle estime qu’il est ingérable, incompatible avec son fonctionnement. L’éducatrice chargée de la classe de Tom a vite constaté le malaise. Elle décrit un gamin violent, bruyant au contact des autres. « Quand il était isolé, ça allait », complète-t-elle. Toutefois, elle ne pouvait se consacrer à lui seul.
« Décision douloureuse » pour l’école
« Nous séparer de Tom a été une décision douloureuse mais on ne pouvait pas lui apporter ce dont il avait besoin, insiste la directrice. Il n’y a pas qu’un contrat écrit, nous avons aussi une obligation morale d’accompagner les enfants. » L’école est récente, les moyens humains encore limités, et son statut ne lui permet pas de faire appel à une AVS comme dans le public. Les parents de Tom auraient été obligés de la financer. « Tout cela, j’aurais pu le dire aux parents s’ils nous avaient fait part du problème dès l’inscription. On aurait pu éviter ça si on avait été prévenus », regrette la directrice.
La maman assure de son côté que cela a pourtant été fait. « Tom souffre de tout ça, il a conscience d’être rejeté », ajoute la sœur. Voilà ce qui les blesse plus que tout. « Je veux juste rappeler aux parents qu’il faut être vigilant quand on a des enfants un peu différents, ils peuvent être incompris, même par des adultes », conclut la mère. D’autres pistes, en classes spécialisées, sont encore à explorer. Tom, à nouveau scolarisé dans sa commune à Bertrange, est censé faire des tests avec un neuropédiatre le mois prochain. La philosophie Montessori ne fait pas de miracle.
Frédérique Thisse (Le Républicain Lorrain)