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Sur les traces de Michel Platini, l’éternel enfant de Jœuf


Dans toute la cité minière, personne n'a oublié les premiers exploits du jeune Michel Platini. (photos AFP)

Une rue en pente pour jouer, une porte de garage comme but, un « Complexe sportif Platini » sur les hauteurs… Michel Platini garde un lien indéfectible avec la commune de Jœuf, en Meurthe-et-Moselle, où le triple Ballon d’Or a usé ses premiers crampons.

A l’orée des années 1960, Michel, alors enfant de chœur, avait « cinq, six ans » et déjà venait régulièrement au stade avec Aldo, son père qui s’occupait des jeunes. « On lui donnait un ballon et il partait jouer avec », se souvient Michel Keff, 72 ans, qui évoluera plus tard aux côtés de l’idole.

Au centre de cette commune ouvrière, dont l’âge d’or est passé avec la disparition de la sidérurgie et des mines, le Café des Sports qui appartenait aux grands-parents de Michel est aujourd’hui la propriété d’un supporter de Zinédine Zidane. Mais « à l’époque, c’était une partie d’Italie », se remémore Michel Platini, dont la famille est originaire du Piémont. Un café avec « une ambiance familiale », où les parties de cartes du grand-père constituaient toujours de grands moments. « S’il ne gagnait pas, il pouvait tuer la personne en face ! Il m’a appris à tricher ! Mais dans le football, je n’avais pas besoin de tricher pour gagner », sourit l’ancien n°10 des Bleus.

Dans ce monde que Platini décrit comme ses « années bonheur », il y a eu les premiers matches. Au stade ou devant la maison de ses parents, et celle presque en face de son copain Frédéric Bragard, son cadet de cinq ans.

« Michel n’aimait pas courir chercher le ballon »

« On faisait des buts avec des vêtements. Michel, le grand, car c’était le plus âgé, prenait les deux plus mauvais et on jouait contre le reste du monde. Mais il gagnait », se souvient avec émotion Fred Bragard, dont la maman Marie-Jo soignait ensuite « les estomacs et les bobos » des adolescents « parce que la rue, ça pouvait faire mal ».

L’impasse était en pente. Et « Michel n’aimait pas courir chercher le ballon. Il envoyait quelqu’un à sa place », raconte Fred. La porte de garage en bois de la maison des Platini pourrait aussi témoigner des multiples tirs en lucarne de Michel. « L’adresse de Platini au coup-franc, c’est familial. Aldo était déjà très bon dans cet exercice », souligne Michel Keff.

Au bord de l’Orne, le stade Sainte-Anne, celui des premiers matches, a été rasé et remplacé par un centre de loisirs. Mais il reste les souvenirs « de matches fabuleux, avec parfois 1 000 personnes » : « c’était le vrai foot, où toute la famille vient soutenir les gamins du pays », se remémore Platini avec nostalgie.

Il y a aussi les empreintes des premiers exploits. Un parmi d’autres : en 1971-1972, un triplé face au voisin Audun-le-Tiche (4-1) et en prime le titre de meilleur buteur de la Promotion d’Honneur (5e niveau). « Il était parti du milieu de terrain et avait dribblé la défense. Il avait le talent. Nous étions des besogneux », témoigne Gérard Keff, 74 ans. « J’ai marqué 13 buts et fait une passe décisive », dira un jour Michel à sa mère, après une victoire 14-0 dans la cour de l’école.

« Traumatisé » par Kubala et… Pythagore

A Jœuf, 6 500 habitants, on est supporter de Metz. Michel et son père Aldo, éducateur de football et professeur de mathématiques dans un établissement situé sur le lieu-dit de Sainte-Ségolène à Froidcul, ont souvent fréquenté le stade Saint-Symphorien. Un geste technique qu’il y a admiré, enfant, l’a marqué à vie. « (Laszlo) Kubala reçoit un ballon de la droite et le donne directement à gauche sans regarder. Moi, j’étais sur le cul, je ne comprenais pas. J’ai dit à mon papa : Qu’est-ce qu’il a fait ? Comment il a pu donner ? Et il m’a dit : eh bah, il a vu avant. Ça m’a traumatisé. Il y a ça et le théorème de Pythagore qui m’ont traumatisé », plaisante Platini.

« Voir avant » est ensuite devenu son « obsession » et lui a « permis d’anticiper beaucoup de choses » : « en allant à l’école, j’allais sur le terrain de football, je m’arrêtais, je fermais les yeux et j’essayais de savoir où étaient tous les joueurs ».

En quittant Jœuf en 1972, Platini se voyait Messin. Seulement, un échec au test du spiromètre, pour mesurer sa capacité pulmonaire, bouleverse ses plans. « Il savait jouer mais pas souffler », ironise Gérard Keff. Pas de quoi arrêter Platini, qui file à Nancy puis Saint-Étienne, avant de triompher à la Juventus Turin.

« Mais il n’a jamais oublié d’où il venait », conclut le maire de Jœuf, André Corzani.

LQ/AFP