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Sans permis et alcoolisé, il avait tué un père et son fils


(photo archives)

Dans la salle d’audience, la mère qui a perdu son fils unique dans ce dramatique accident ne peut se contenir à la vue du prévenu, arrivé entravé. « Assassin, tu as tué mon petit Nathan », hurle-t-elle en sa direction, rapidement maîtrisée par un proche. L’audience promet d’être particulièrement éprouvante. Elle le sera. Avec notamment les interventions de la maman et de la grand-mère du petit garçon, venues exprimer leur souffrance et leur tristesse. « Le 21 décembre dernier, c’est la lignée d’une famille qui s’est éteinte. Pour rien », commentera Me Monossohn, l’un des avocats des parties civiles.

Le 21 décembre 2014 donc, Abdelkarim Frutos, un Fameckois de 25 ans, part fêter son anniversaire en discothèque à Thionville. Avant de partir, il avouera avoir bu « deux ou trois verres de vodka ». Une fois sur place, il demande à l’ami qu’il l’a véhiculé de lui prêter les clés de son automobile pour s’isoler et téléphoner à sa compagne, avec qui il s’est « pris la tête ».

Mais alors qu’il n’est pas titulaire du permis de conduire et qu’il avait déjà été condamné – six mois plus tôt – à trois mois de prison justement pour conduite sans permis et rébellion, il décide de se servir du véhicule de son ami pour rentrer chez lui. Tout seul. Arrivé au carrefour des Quatre Routes, réglementé par des feux tricolores, il percute violemment un trike – une motocyclette à trois roues – à l’intersection. À son bord, Ricardo Ortolani, 46 ans, et son fils Nathan, 8 ans, qui reviennent d’une soirée chez le frère du papa. Le trike est propulsé contre un poteau d’éclairage. Ses deux occupants ne survivront pas à leurs blessures.

Quant à la voiture, elle va poursuivre sa route encore sur 50 mètres avant de heurter un muret. « Vous rouliez à quelle allure ? », lui demande le président Eric Lambert. « Entre 60 et 80 km/h… », minaude le prévenu. « L’expert estime, lui, votre vitesse à 100 km/h. Et de quelle couleur était le feu quand vous avez franchi l’intersection ? » « Il était rouge mais arrivé à son niveau, il est passé au vert et j’ai accéléré », s’arc-boute-t-il. « J’ai essayé de freiner mais c’était trop tard. »

Une affirmation balayée d’un revers de manche par Christelle Dumont, procureur de la République. « On a relevé sur place aucune trace de freinage », révèle-t-elle. Pointant son cumul de fautes : absence de permis, récidive, 1,2 g d’alcool dans le sang, excès de vitesse et vraisemblablement en envoyant des SMS en même temps, la représentante du ministère public ne lui accorde aucune circonstance atténuante. « C’est une bombe humaine qui est arrivée lancée sur ce carrefour », a-t-elle estimé. « Vous avez eu un comportement criminel et malheureusement vous avez tué. La faute à votre inconséquence ». Et de demander une « sanction sévère ». Soit sept ans d’emprisonnement.

Avocate du prévenu, Me Boh-Petit a demandé à la justice de rester « sereine. C’est un accident de la circulation. Et mon client n’est ni un meurtrier ni un assassin. Il a toujours reconnu les faits et sa version, à savoir qu’il est bien passé au vert, n’a jamais varié. Qu’on lui accorde au moins ce petit crédit… Bien sûr, s’il était mort dans l’accident, ça réglerait tout. Mais c’est un vivant que vous avez à juger », a-t-elle demandé au tribunal.

Le jugement, mis en délibéré, sera rendu le 19 janvier prochain.

Olivier Menu (Le Républicain lorrain)