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Saint-Avold : la «galère» d’une mère célibataire, entre intérim et chômage


La jeune femme avait posté un long texte sur Facebook en 2019 pour décrire sa situation qui avait rencontré un fort écho parmi les "gilets jaunes" de Saint-Avold. (photo le RL)

« Il y a plus de dépenses que de rentrées d’argent » : Morgane, mère célibataire et « gilet jaune » historique de Saint-Avold, à la frontière allemande, raconte une vie de privations. Comme des millions de Français, financièrement précaires, à trois mois de la présidentielle.

La jeune femme de 35 ans ne sait pas encore quel bulletin elle glissera dans l’urne. Mais une chose est sûre, ce ne sera pas celui d’Emmanuel Macron, ce « banquier », selon elle, qui a « envie d’emmerder les non-vaccinés parce qu’on l’emmerde depuis un moment ». « Banquier », le qualificatif a été utilisé à d’innombrables reprises par les « gilets jaunes » contre le président français, accusé de favoriser les plus aisés et qui a fait carrière dans la finance avant d’embrasser la politique.

Parti en 2018 des campagnes et petites villes françaises, ce mouvement a affiché, parfois dans l’extrême violence, son rejet des élites, avant de s’éteindre début 2020, quand le confinement lié au covid-19 a rendu toute mobilisation impossible.

La contestation a repris des mois plus tard, cette fois-ci portée par les antivaccins ou opposants à la parole publique et politique sur le virus. Parmi eux, de nombreux « gilets jaunes ».

Morgane, égérie locale de ce mouvement, confie ne pas être vaccinée. Mais son principal souci reste sa précarité, qu’elle décrit sans détours.

« Débrouille » 

Certains mois, « je peux gagner 1 600 euros. Là, ça va, c’est un salaire correct. Mais la plupart du temps, c’est plutôt autour de 1 000 euros », confie la trentenaire, qui alterne missions d’intérim et périodes de chômage. Des « situations comme la mienne, on n’a pas envie de (les) crier sur tous les toits », observe cette mère de deux enfants de 16 et 8 ans, qui préfère garder l’anonymat.

Ses revenus placent Morgane parmi les 9,3 millions de Français les plus pauvres recensés en 2020 par l’Institut national de la statistique (Insee). Elle raconte un quotidien fait de « débrouille », de privations, depuis ses 18 ans et sa sortie du lycée. Pas de vacances, de week-ends… « On renonce aux sorties, à s’acheter des vêtements ».

Parfois, Morgane saute un déjeuner, car « un repas au travail, c’est un repas en moins pour les enfants ». Elle dit ne pouvoir s’acheter des fruits qu’en début de mois, et se reposer parfois sur des associations caritatives. « Près de 10% » des Français sont comme elle contraints de recourir à l’aide alimentaire, pointait en novembre l’association Secours catholique, alors que la Fédération des banques alimentaires notait une « hausse constante du nombre » de ses bénéficiaires.

Même célébrer un évènement festif devient un casse-tête. « Ce Noël-ci, j’ai demandé un découvert à ma banque et un acompte à l’agence intérim », raconte Morgane, qui avait dû contracter il y a quelques années un « microcrédit » pour pouvoir fêter l’anniversaire de son aîné.

Des solutions auxquelles elle n’a recours qu’«au coup par coup » et qu’elle met un point d’honneur à rembourser : « je fais toujours en sorte de remonter, je calcule ce que je ne dois pas dépenser ».

« Plus toute seule » 

Morgane avait publié en juin 2019 sur Facebook un long texte détaillant par le menu sa situation financière, les dépenses comme les rares rentrées d’argent. À l’époque, elle touchait les minimas sociaux, soit « 873,71 euros » mensuels.

Le texte, largement diffusé dans la communauté locale des « gilets jaunes », avait ému, beaucoup ne soupçonnant pas le dénuement dans lequel elle vivait. Elle y expliquait la « galère » qu’aller travailler représentait « pour une famille monoparentale » isolée, sans proches pour garder les enfants ni ressources pour payer une nounou.

Dès l’émergence des « gilets jaunes », dont Saint-Avold a été un bastion local, Morgane a adhéré au mouvement. « Je n’étais plus toute seule », se souvient-elle, scandalisée par la hausse du coût de « l’énergie ou de l’essence » alors que le salaire minimum n’est revalorisé « que de 0,9 % » pour 2022.

Alors pour qui voter ? « Peut-être (Jean-Luc) Mélenchon (gauche radicale) ou les Verts (parti écologiste) ou le Parti animaliste… » « En tout cas, quelqu’un d’autre que Macron ou (la candidate d’extrême droite Marine) Le Pen. Quelqu’un qui représente le peuple », lance-t-elle. Car Morgane garde « l’espoir que ça change ». « Sinon, on sombre, on se laisse aller. »