Alors qu’il engage l’ARF dans un bras de fer avec le gouvernement, Philippe Richert, le patron de la Région Grand Est, s’apprête à tourner la page de la vie publique. Il doit annoncer sa démission saemdi à Strasbourg.
Lassitude des attaques outrancières. Difficulté à faire prévaloir sa vision régionaliste face à une recentralisation qui ne dit pas son nom. Problèmes de santé… Philippe Richert (LR), qui présidait, vendredi, un congrès de l’ARF (Association des Régions de France) sous tension à Orléans, s’apprête à quitter la présidence de la Région Grand Est. Siège qu’il occupe depuis janvier 2016 avec la constitution de la nouvelle entité régionale issue de la fusion des trois ex-territoires d’Alsace, Lorraine, Champagne-Ardenne.
Élu alors haut la main par une majorité de 104 conseillers, l’ancien professeur de sciences naturelles ne mésestime pas l’ampleur de la tâche. Plus de trois décennies de mandats lui ont tanné le cuir et l’Alsacien est trop fin politique pour croire le chemin pavé de roses. Mais c’était sans compter la hargne d’une partie des opposants à la réforme. Hargne qui, peu à peu, s’est muée en un dézingage virant au procès en haute trahison de l’intégrité alsacienne.
Lors de ses vœux, en janvier à Metz, Richert tente de tordre le cou à la rumeur le disant déjà sur le départ. Face aux 900 personnes réunies à l’Arsenal, il concède « ne plus être candidat à aucun mandat », invoque sa santé et son âge, mais fait part de sa volonté de poursuivre le travail entamé. Ce faisant, il ouvre lui-même la boîte de Pandore et sa déclaration aura finalement pour effet d’alimenter le buzz spéculant au fil des mois sur une démission toujours plus imminente.
Très investi dans l’intégration territoriale, l’intéressé veut croire la normalisation de Grand Est en marche. Mais ses détracteurs ne lâchent pas prise. Surtout chez lui.
« Retenue nécessaire »
À l’initiative des présidents des deux Départements alsaciens et du député Laurent Furst, une partie de sa famille politique organise la riposte. Laquelle a culminé il y a quelques jours avec l’appel au retour d’une collectivité alsacienne fusionnant ses deux départements. Projet pour lequel Richert avait essuyé l’échec d’un référendum en 2013. Appel signé par une centaine de personnalités alsaciennes du monde de la culture, de l’économie, des associations et des sciences…
En public, Philippe Richert minimise. Mais confesse à ses proches sa lassitude face à des attaques à répétition, qui auront sans doute emporté sa décision de jeter l’éponge qu’il devrait annoncer samedi, après avoir réuni sa majorité.
« Je n’ai pas souhaité cette réforme territoriale, mais je suis très fier d’avoir gagné cette Région en lui évitant de passer sous contrôle du Front national », confiait-il vendredi.
D’ores et déjà ouverte, la guerre de succession aiguise les appétits. Sur les rangs, le Mulhousien Jean Rottner fait figure de dauphin. Mais le 3e vice-président devra compter sur la concurrence du député des Ardennes Jean-Luc Warsmann. En Lorraine, David Valence, maire de Saint-Dié et président de la commission Transport, pourrait s’avérer un candidat sérieux, tout comme Valérie Debord, 4e vice-présidente et adjointe au maire de Nancy.
Sans oublier Jean-Luc Bohl, 1er vice-président, qui devra en cas de démission assurer l’intérim jusqu’à l’élection. « J’appelle les uns et les autres à toute la retenue nécessaire et à l’unité dans cette période compliquée de la vie de notre collectivité territoriale », temporisait ce dernier, jugeant l’heure suffisamment grave pour exhorter chacun « à penser à autre chose qu’à des trajectoires personnelles ».
Xavier Brouet (Le Républicain Lorrain)