Le SRPJ de Nancy pense avoir interpellé les principaux protagonistes du rapt d’une jeune femme surprise à son domicile, en juin 2014 à Mexy. Parmi eux, un homme fiché au grand banditisme : Marc Bertoldi.
Les pièces ont été assemblées une par une. Patiemment. Discrètement. Depuis hier, le SRPJ de Nancy, l’office central de lutte contre le crime organisé et la juridiction interrégionale spécialisée de Nancy semblent avoir une idée assez claire du déroulement de l’enlèvement commis à Mexy, près de Longwy, dans la nuit du 29 au 30 juin 2014. Les enquêteurs pensent avoir interpellé les cinq rouages essentiels d’une affaire qui n’a pas seulement les atours du grand banditisme…
Le visage dissimulé sous des cagoules, des hommes armés (l’un de leurs pistolets était muni d’un silencieux) ont surpris, vers minuit, à son domicile, Stéphanie Turci et un ami, Gérard Lopez, homme d’affaires luxembourgeois, connu pour être le patron de l’écurie de Formule 1 Lotus. Ils ont contraint la jeune femme de 38 ans à monter dans un véhicule Renault Espace de couleur gris clair immatriculé en Meurthe-et-Moselle.
Imposant, le dispositif de recherches ne parvient pas à repérer la voiture des malfaiteurs. Mais la victime réapparaît soixante-douze heures plus tard. Stéphanie Turci est ramenée le 3 juillet, vers 4h du matin, au domicile de ses parents. Elle se montre incapable de livrer des éléments probants.
Longtemps, un voile de mystère entoure ce dossier particulier. Le manque de coopération des victimes intrigue les enquêteurs. Stéphanie Turci prétend qu’il y avait deux agresseurs dans sa maison. Or, on sait aujourd’hui qu’ils étaient entre 3 et 5. Elle raconte avoir été séquestrée dans un hangar ; on sait désormais qu’elle a été enfermée dans une caravane, en Belgique. Elle a été séquestrée, selon certaines indiscrétions, à deux ou trois heures de route de Mexy, du côté de Charleroi ou Liège. Et s’il ne s’agissait, après tout, que d’un coup monté par l’une des victimes ? L’idée effleure l’esprit des policiers. Pas longtemps.
Parce qu’ils vont vite disposer d’un élément important : une goutte de sang trouvé sur les lieux du kidnapping. L’ADN correspond à un individu de Nanterre. Est identifié aussi un véhicule qui a servi à la libération de la victime.
Bertoldi : libérateur ou organisateur ?
En parallèle, le SRPJ s’intéresse à un proche de la famille Turci : Marc Bertoldi. Fiché au grand banditisme et membre du club fermé des plus grands malfrats français, le Messin est réapparu dans les radars médiatico-judiciaires en 2013. Les autorités belges croient qu’il a joué un rôle important dans le vol de diamants – 40 millions d’euros – commis sur le tarmac de l’aéroport de Zaventem, près de Bruxelles. Après un passage par la case prison, il a été placé sous contrôle judiciaire en décembre 2013.
Dans l’affaire de Mexy, il est entendu par la police deux jours après le rapt. Dès le lendemain, le « grand Marco » file à Paris puis à Lille, assure-t-il, pour découvrir qui est derrière l’enlèvement de celle qu’il considère comme sa cousine. Il parvient à la faire libérer contre une fortune, le chiffre de 5,5 millions d’euros est évoqué.
Stéphanie Turci l’avouera tardivement : c’est Marc Bertoldi qui l’a ramenée chez elle, le 3 juillet.
Pour les enquêteurs, ce scénario de film de gangsters ne colle pas. Pour eux, Marc Bertoldi est en réalité derrière toute cette affaire. Avec un seul but : forcer Gérard Lopez à lui remettre de l’argent. Un élément renforce l’opinion de la PJ : quelques jours avant le kidnapping, le malfrat aurait été aperçu par un policier belge dans la voiture utilisée pour libérer Stéphanie Turci.
Le SRPJ a frappé ces derniers jours en Meurthe-et-Moselle, en région parisienne et en Belgique. Marc Bertoldi a été arrêté du côté d’Annecy le 12 novembre. « Mon client conteste les faits, réagit Me Olivier Rondu. Il n’y a rien dans le dossier qui prouve son implication. En revanche, il est intervenu dans la libération. On va se battre pour le démontrer rapidement. »
Après avoir demandé un délai, il a été mis en examen la semaine dernière. Et écroué. Comme deux hommes de main supposés.
Kevin Grethen